La zoothèque du Muséum
La zoothèque du Muséum est un bâtiment souterrain créé dans le cadre de la rénovation de la Grande Galerie de l’Évolution. Inaugurée en 1986, elle conserve des collections uniques au monde.
La zoothèque, véritable centre névralgique des collections de zoologie, n'est pas ouverte au public. Il s’agit d’un lieu de stockage et de consultation accessible aux chercheuses et chercheurs du monde entier qui souhaitent travailler sur les collections. Ces collections sont uniques au monde car elles comprennent de nombreux spécimens de référence (ce qu’on appelle les « Types ») qui ont permis la description et l'identification des espèces, ainsi que des spécimens appartenant à des espèces disparues, tels que le dodo.
Son volume initial a été calculé en majorant de 20 % le volume qui était occupé par les collections dans la Galerie de Zoologie à sa construction, ce qui devait permettre de faire face à un accroissement jugé normal.
Petite histoire des collections de zoologie du Muséum
Du cabinet de drogues à la zoothèque
Bien des richesses se sont accumulées au Muséum national d'Histoire naturelle depuis la fondation du Jardin du Roi en 1635. Un véritable essor se note depuis la fin du XVIIe siècle, lorsque Fagon, devenu premier médecin de Louis XIV et surintendant du Jardin, encourage les voyages d'études dans les contrées lointaines. Le « Cabinet des drogues » devient aux environs de 1725 le « Cabinet d'histoire naturelle ». Il est l'ancêtre de toutes les galeries actuelles du Muséum ! Nommé intendant du Jardin en 1739, Buffon, dans le sillage de l’Encyclopédie, est parvenu à faire du Cabinet du Roi de France le plus magnifique et le plus riche de tous à une échelle européenne. C’est ainsi que durant les 50 ans de son mandat, il encourage les voyages et sollicite l'extension des collections.
L'histoire du Muséum
Aux confiscations révolutionnaires, aux collections royales ou privées viennent s'ajouter au XIXe siècle les collections de toutes sortes rapportées du monde entier par les voyageurs naturalistes, faisant du Muséum un conservatoire unique au monde, dont les spécimens et objets couvrent presque tous les champs des savoirs naturalistes. La micro-faune par exemple, attendra le développement de la microscopie. D’autre part, la Ménagerie du Jardin des Plantes est créée en 1793 et certains pensionnaires, à leur mort, sont naturalisés et viennent compléter les collections.
Ainsi, 1 150 000 spécimens ont été soigneusement mis en place dans la Galerie de Zoologie pour son inauguration en juillet 1889, partie intégrante de l’Exposition Universelle tenue à Paris, à l’instar de la tour Eiffel.
Fermeture de la Galerie
Malheureusement, la Galerie ferme en 1966, la verrière abimée par un bombardement en 1944 devant être couverte de bâches pour empêcher les infiltrations. En 1968, un toit provisoire en zinc est installé : il plonge la galerie dans une pénombre sans égal, immortalisée par le peintre suisse Jürg Kreienbühl. Aujourd'hui, les fabuleuses collections de mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons et invertébrés sont méthodiquement rangées dans la zoothèque. Patiemment rassemblées au fil des ans, ces collections ont une valeur scientifique et historique inestimable.
Des collections exceptionnelles
Les collections zoologiques du Muséum national d'Histoire naturelle, et en particulier celles conservées dans la zoothèque, représentent aux yeux des spécialistes des richesses incomparables.
La Galerie de Zoologie, peinture de Jürg Kreienbülh
On y trouve par exemple, les plus anciens spécimens de poissons exotiques récoltés dans les années 1770 par Philibert Commerson au cours de ses voyages dans l'océan Indien ainsi que les fameux "poissons en herbier" d’Adanson, poissons qui, par une technique de conservation aujourd'hui complètement abandonnée, étaient séchés à la manière des plantes.
La zoothèque abrite également quantité de mammifères, d'oiseaux, de reptiles, de poissons et d'invertébrés, rapportés des quatre coins du monde par d'autres intrépides voyageurs naturalistes des XVIIIe et XIXe siècles. Ainsi, les 100 000 spécimens ramenés par le capitaine Nicolas Baudin au début des années 1800 de son expédition aux Terres Australes, ou encore les collections expédiées par Dumont d'Urville y sont aujourd'hui toujours préservées. Figurent aussi parmi les richesses de cette réserve, la tortue molle du Nil rapportée en 1801 par Geoffroy Saint-Hilaire de l'expédition d'Égypte ainsi que le fameux Polyptère bichir, poisson dont Cuvier déclara devant l'Académie des Sciences que sa seule découverte aurait justifié l'expédition de Bonaparte…
Qu’est-ce que la taxidermie ?
Les collections de spécimens naturalisés
Plusieurs générations de taxidermistes ont œuvré à l'extraordinaire mise en valeur des collections du Muséum. L'art de la taxidermie remonte aux environs de 1555 mais prend un véritable envol au tournant du XVIIIe siècle, époque à laquelle Bécoeur, apothicaire à Metz, mit au point un savon à base d'arsenic, de camphre et d'acide phénique cristallisé permettant de stabiliser les peaux.
Les techniciens du Muséum ont pu, dès lors, s'attaquer à la naturalisation des grands mammifères. Ainsi, sous Louis XVI, un zèbre Couagga, espèce d'Afrique du Sud aujourd’hui disparue, fut monté et dans la seule année 1805, plus de 1 100 vertébrés furent naturalisés. Aujourd'hui, ces techniques sont améliorées notamment par l'emploi de matériaux plus légers (polystyrène et autres polymères) pour une égale résistance.
Un peu d'étymologie
Le terme "zoothèque" vient du grec ζῷον (Zôon) : animal, et de θήκη (thêkê) : coffre.
La zoothèque, un bâtiment pas comme les autres
Une histoire intimement liée à celle de la Grande Galerie de l’Évolution
L’ancienne Galerie de Zoologie (aujourd’hui Grande Galerie de l’Évolution) fut bâtie entre 1877 et 1889. À l’époque, elle témoignait d’une muséologie des sciences propre au XIXe siècle avec notamment une grande densité d’objets, dernier héritage de l’Encyclopédie du XVIIIe. Cette galerie servait à la fois de lieu de visite pour le public, de « réserve » pour toutes les collections, et de lieu d’étude pour les chercheurs.
La création de la zoothèque, un espace de stockage à l’intérieur même du Jardin des Plantes, se décide pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, il faut remettre en état la Galerie de Zoologie, fermée au public depuis 1966. Pour se faire, il fallait impérativement la vider de ses centaines de milliers de spécimens, et donc, trouver un nouvel espace de stockage. D’autre part, regrouper autant d’activités dans un même endroit ne permettait pas des conditions d’accueil optimales pour tous, il fallait que chacune puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles.
Découvrez une sélection d'objets de nos collections
Histoire d'une construction
Le projet d'un bâtiment souterrain, à proximité immédiate de la Galerie de Zoologie et pouvant abriter les collections d'animaux dans des conditions modernes de conservation et de sécurité, a germé en 1976. Le projet est confié à l'Architecte en chef des Bâtiments Civils et des Palais Nationaux, M. Canac, et à un bureau d'études techniques, le CETBA. La conduite de l'opération a été assurée par le Service des constructions des Académies de la Région Île-de-France (SCARIF) du Ministère de l'Éducation nationale.
Les premiers travaux matériels de reconnaissance du sous-sol ont été effectués au début de 1977 et les travaux préparatoires à la construction de la zoothèque ont été entrepris en 1980. Interrompus pendant plusieurs mois à cause de l'instabilité du terrain, ils reprennent en 1981. À partir de mars 1984, des bataillons entiers de chercheurs et de techniciens vident la Galerie de Zoologie de près de 1 500 000 spécimens. Ils trient, transportent et rangent dans la zoothèque les collections du Muséum en ne laissant dans la Galerie de Zoologie que les pièces trop importantes pour être transportées : girafes, éléphants, squelettes de cétacés, par exemple.
En service depuis 1985, la zoothèque est officiellement inaugurée en janvier 1986. La zoothèque, d'un volume de 50 000 m3 est un ouvrage en béton armé de 73 mètres de long et de 30 mètres de large. Elle est enterrée devant la façade de la Grande Galerie de l'Évolution sur 13 mètres de profondeur.
Un rangement rationnel
Chacun des trois niveaux de la zoothèque comporte six salles principales qui renferment chacune un bloc de rayonnages mobiles. Ces éléments mobiles se déplacent manuellement sur des rails en acier et permettent d'utiliser au maximum les volumes des locaux en réduisant au minimum les couloirs d'accès nécessaires à la bonne exploitation des collections. Cette disposition permet la conservation des collections sur près de 40 km linéaires de rayonnages. À proximité de ces éléments de rangement et à chaque niveau se trouvent des salles de consultation, des locaux sanitaires, des locaux techniques, des escaliers et un ascenseur. On entre au niveau supérieur de la zoothèque par un accès direct au sous-sol de la Grande Galerie de l'Évolution ou par un long escalier à partir de l’esplanade.
Le bâtiment
La zoothèque est un bâtiment de 3 étages, totalisant 6 300 m2 de surface, dont près de 4 000 m2 consacrés à la conservation des collections. Le reste est partagé entre maintenances techniques (dont climatique), salles de travail, et zones de circulation. Le lieu est uniquement ouvert aux personnels gestionnaires des collections et aux chercheurs.
Les collections sont conservées dans un climat maintenu aujourd’hui à 14-15 °C et 40-42 % d’humidité à l’année. Elles sont sécurisées, notamment du feu.
Les dix-huit salles principales regroupent ichtyologie, herpétologie, arthropodes terrestres (hors entomologie), les collections d’invertébrés marins, une partie des mammifères et des oiseaux, de petits ensembles de minéralogie et parasitologie, pour un total estimé de quelque 6,5 millions d’individus, fraction des quelque 68 millions de lots ou de spécimens préservés au Muséum national d’Histoire naturelle.
La zoothèque s’affirme aujourd’hui encore comme un maillon indispensable à l’acquisition du savoir scientifique : la conservation des collections est le préalable au travail de recherche, et permet un travail historique remarquable : certains spécimens sont au Jardin des Plantes depuis 1740 !
Des garanties de conservation et de sécurité
Le bâtiment étant entièrement souterrain, son inertie thermique permet d'assurer au moindre coût la climatisation nécessaire à la bonne conservation des spécimens naturalisés. De même, les spécimens sont préservés de la lumière naturelle qui leur est dommageable.
N'entre pas qui veut dans cette zoothèque qui est un véritable coffre-fort ! Un important dispositif de sécurité protège tout le bâtiment, avec notamment la fermeture automatique de portes coupe-feu.
Article rédigé en juin 2023. Remerciements à Jacques Cuisin, responsable de la zoothèque, pour sa relecture et sa contribution.