Face aux limites de la planète

La notion de sobriété se propage dans notre société mais nous avons encore bien du mal à discerner les limites de notre planète en tenant compte de l'ensemble du vivant : pour quelles raisons ? Quelles conséquences ? Et comment assurer un avenir sur notre planète ?

Une course effrénée vers toujours plus de croissance…

Le développement des savoirs et les innovations techniques ont permis à l’espèce humaine de dépasser ses limites naturelles, d’aller toujours plus loin, toujours plus vite… Mais elle a aussi tendance à vouloir les déjouer : est-il possible de se libérer de la maladie, de la vieillesse et de la mort ? De se rendre sur Mars si la planète Terre n’est plus habitable ?

Porté par une confiance excessive dans l’innovation et la croyance en un mythe de la croissance matérielle illimitée, le modèle capitaliste nous a conduit à ignorer les limites naturelles et à surestimer les marges d'adaptation. Notre rythme de croissance économique a engendré des déséquilibres patents.

… et une planète à bout de souffle

Déforestation, surpêche, agriculture et élevage intensifs, fragmentation des territoires, industrialisation, urbanisation, consommation de masse, pollution, diffusion des polluants plastiques… 

L’activité humaine impacte durement la biodiversité et le climat. C’est ce que suggère la notion d’Anthropocène. Les tenants du concept de “Capitalocène”, eux, avancent l’idée que le mode de production capitaliste et la consommation de masse engendrent des déséquilibres majeurs.

Qu’on l’appelle Anthropocène ou Capitalocène, cette nouvelle époque géologique pointe bien l’idée que les sociétés humaines se trouvent aujourd’hui dans une situation historique radicalement inédite et périlleuse

Luc Semal, politologue

Notre mode de vie occidental se heurte à des limites écologiques indépassables. Aujourd’hui, les écosystèmes ne sont plus capables d'absorber les conséquences de nos activités.

Pollution plastique dans l'océan

© R. Carey

Quelques chiffres

Au niveau mondial, le danger d’extinction menace 1 million d’espèces végétales et animales ; 1 espèce d’oiseau sur 8 ; 1 mammifère sur 4 ;  1 amphibien sur 3 et 6 tortues marines sur 7.

¼ des oiseaux d’Europe ont disparu ces 30 dernières années et 80% des insectes ailés ont chuté en l’espace de 40 ans en Europe.

En France, depuis 2008, année de lancement de la liste rouge du comité français de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), on estime que sur 13 842 espèces évaluées, 187 ont disparu et 2 400 sont menacés d’extinction.

60% des moineaux ont disparu en 15 ans à Paris.

Effondrement, extinction de masse ou crise de la biodiversité ? 

Faut-il cependant croire, à la manière des collapsologues, qu’une forme d’effondrement est certaine et imminente ? C’est un peu plus complexe : les écosystèmes réagissent de manière différente et dans des temporalités qui ne sont pas similaires. Il faut considérer les aspects inégalitaire, multi-échéances et probabiliste du désastre en cours. L’effondrement sera étalé dans le temps et pas vécu de la même façon par toutes et tous, à l’image du changement climatique.

Ensuite, pour parler d’extinction de masse, il faudrait que plus des ¾ des espèces terrestres et marines disparaissent. Mais la biodiversité traverse effectivement une crise qui se traduit par un déclin massif des populations sauvages.

Des limites imperceptibles

Le réchauffement climatique semble préoccuper davantage l’opinion publique que la crise de la biodiversité dont les effets sont pourtant tout aussi inquiétants.

La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine - et le taux d'extinction des espèces s’accélère provoquant dès à présent des effets graves sur les populations du monde entier - IPBES.

Concernant le climat, les hausses de températures se ressentent immédiatement et nous disposons de repères, de seuils à ne pas dépasser (le fameux 2°C). Il est plus compliqué de prendre en compte ces transformations pour la biodiversité. Celle-ci comprend des écosystèmes différents et il apparaît plus difficile de fixer des limites.

Abeille qui butine une fleur

Abeille

© MNHN - F.-G. Grandin

Il est toutefois possible de se rendre compte du déclin de la biodiversité en ressassant des souvenirs. Peut-être vous rappelez-vous les nombreuses fois où vous deviez vous arrêter sur la route nationale pour nettoyer vos pare-brises parsemés d’insectes ? Aujourd’hui, vous ne le faites plus ou beaucoup moins… 

Y aurait-il d’autres solutions à envisager pour éviter un avenir digne des plus grands récits dystopiques de la science-fiction ? 

Aux grands maux les grands remèdes

Nous devons repenser le futur, l'économie et les fonctionnements de nos sociétés en tenant compte des limites planétaires. Dans ce contexte, la sobriété devient une valeur émergente. L’accès aux ressources n’étant cependant pas le même pour toutes et tous, il convient aussi de penser la justice sociale en corrélation avec la justice environnementale. Pour les organisations cela signifie se doter de nouvelles règles de partage entre individus, sociétés et écosystèmes. Cela suppose de fixer de nouvelles limites là où il n'y en a pas encore.

Dossier rédigé en octobre 2022

Aller plus loin

Manifeste du Muséum. Face aux limites

Manifeste du Muséum. Face aux limites.

Ce manifeste propose une réflexion sur l’avenir de notre planète. Ni promotrice du transhumanisme, ni annonciatrice d’une apocalypse écologique, l’histoire naturelle nous invite à nous éloigner d’un extrême optimisme autant que d’un extrême pessimisme. Limites, échelles de temps et d’espace, telles sont les notions permettant à l’histoire naturelle d’envisager notre avenir.

  • Coédition Reliefs / Muséum national d’Histoire naturelle
  • Novembre 2020
  • Édition bilingue français-anglais
  • 7,50 €

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