Anthropocène : l’Homme acteur des changements environnementaux

Actuellement, les changements majeurs concernant la biodiversité et le climat sont générés par les activités humaines. Serions-nous entrés dans l’anthropocène ? Pour comprendre ce changement de paradigme et les implications futures, le Muséum organise une tribune le 21 mai 2022. L’occasion d’approfondir le sujet avec des scientifiques.

Qu'est-ce que l'anthropocène ?

Cette notion, sujette à bien des controverses, fait référence à une nouvelle époque dans laquelle nous nous situerions désormais. Pourtant, l’Holocène, dernière époque géologique en date, a vu le développement de l’humanité pendant près de 12 000 ans. Pourquoi proposer maintenant un nouveau terme ?

Aujourd’hui, les humains et leurs pratiques génèrent des changements environnementaux sur Terre d’ampleur souvent comparable aux forces géophysiques, climatiques, volcaniques ou encore extra-terrestres (météorites). Durant 4,5 milliards d’années, ces dernières ont façonné la planète et les scientifiques ont divisé les temps géologiques en étages, périodes, époques ou ères pour mieux cerner la chronologie de l'histoire de la Terre. Actuellement, les activités humaines, émettrices de pollution atmosphérique, de substances chimiques de synthèse, d’éléments plastiques rejetés dans tous les océans… sont responsables de bouleversements environnementaux majeurs, et cela, avec une rapidité fulgurante. La hausse des températures, la modification de l’atmosphère, certaines pollutions, le déclin de la biodiversité, laisseront sans doute une trace dans l'histoire géologique et climatique de la planète.

C'est la responsabilité de l'espèce humaine dans ces changements que la notion d'anthropocène veut mettre en avant.

Les conséquences sont dévastatrices, pouvant entraîner de nouveaux risques d’insécurité alimentaire ou de migrations climatiques pour l'Homme, d’épuisement des ressources naturelles, des questions de santé...

Frédérique Chlous, professeure d’anthropologie au Muséum et directrice du département Homme & Environnement.

Cette image est prise sur un lac sec non loin de Ouagadougou (Burkina Faso) dans la commune rurale de Saaba. Pendant la saison sécheresse, les pêcheurs abandonne sur place leur pirogues en attendant l'arrivée des eaux.

© Y. Adaman - Unsplash

Quand débute l'anthropocène ?

Cheminées d'usine

Cheminées d'usine

© J.-A. Kolar - Unsplash

C’est en 1995 que le Prix Nobel de chimie Paul Crutzen emploie pour la première fois le terme « anthropocène », néologisme du grec ancien anthropos « être humain » et kainos « nouveau ». Mais le concept est sujet à bien des discussions. Comment peut-on incriminer l’humain en général, quand un milliard d’individus seulement sur presque huit, produit environ 70 % des émissions de gaz à effet de serre, les autres payant plutôt le prix des dégâts occasionnés ? Pourquoi certains datent le début de cette période à la révolution industrielle alors que l’Homme a colonisé de nouveaux territoires depuis environ 65 000 ans en Australie en contribuant, par exemple, à la disparition de la mégafaune de ce continent ? Pourquoi enfin, évoquer une nouvelle époque géologique alors que les critères de définition officielle ne sont pas remplis ?

« Chaque discipline analyse de manière différente ce terme, reconnaît Frédérique Chlous, mais l’apparition de ce mot anthropocène a un avantage : le changement de paradigme, c’est-à-dire de représentation de notre monde et de notre place dans celui-ci. Depuis les années 1970, le réchauffement climatique et le déclin de la biodiversité s’accélèrent, et les scientifiques le montrent : l’impact des activités humaines n’a jamais été aussi fort sur l’environnement. Nous devons être réalistes mais ne pas céder au catastrophisme non plus. Nous pouvons encore agir et préserver avec un certain succès la biodiversité ou encore limiter les émissions de gaz à effet de serre, la déforestation, l’usage des pesticides par des politiques publiques ambitieuses. Parler d’anthropocène, c’est donc prendre conscience de notre place et des actions correctrices possibles pour préserver les ressources dont nous avons besoin, pour notre bien-être et pour celui des autres êtres vivants eux-mêmes », estime-t-elle.

Dossier rédigé en février 2022 pour le magazine La Girafe n°6

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