Qu’est-ce qu’un tardigrade ?

Les tardigrades sont des animaux microscopiques mesurant moins de 1 mm, vivant dans les interstices des sols et des sédiments, ainsi que les mousses. Aussi appelés "oursons d’eau", ils forment un embranchement à l’échelle du vivant, c’est-à-dire qu’il existe plusieurs genres de tardigrades, et plus de 1 300 espèces différentes. Certaines espèces sont capables de résister à de nombreuses conditions extrêmes.

Les tardigrades, des animaux invincibles ?

Ces petits animaux sont considérés comme les organismes les plus résistants sur Terre, attisant ainsi la curiosité de toutes et tous. Ils auraient survécu à 5 extinctions de masse, et les scientifiques étudient encore leurs propriétés remarquables. Cela est notamment dû à une capacité remarquable de dormance : la cryptobiose.

La cryptobiose, une capacité exceptionnelle

Si les tardigrades peuvent résister à des conditions si extraordinaires, c’est grâce à leur capacité à entrer dans une phase dite de "cryptobiose". 

La cryptobiose est un état de vie "au ralenti" dans lequel certaines espèces de tardigrades arrivent à accéder. Durant cette phase, leur métabolisme fonctionne à 1 % par rapport au reste du temps. Leurs corps sont ainsi moins demandeurs en termes de ressources et ils se satisfont de conditions de vie plus rudes.

L’entrée en cryptobiose 

La cryptobiose est induite par la production d’un acide aminé (la cystéine) qui indique lorsqu’elle est oxydée que l’environnement dans lequel se trouve le tardigrade est problématique. Cela permet aux petits animaux de savoir quand se mettre en dormance et ainsi être presque hermétiques à leur environnement. Cet état de vie se passe donc au ralenti. Il est accompagné d’une perte de masse et permet aux tardigrades de résister à des conditions de vie extrêmes. Une fois le milieu redevenu acceptable pour les animaux, ils sortent de leur dormance et reprennent un cours de vie normal. 

Un peu d’étymologie !

Le terme cryptobiose vient du grec ancien, notamment de "cruptos" κρυπτός = cachée, et "bios" βίος = la vie. 

Survivre à (presque) tout

Changements de température 

Les tardigrades sont connus pour être capables de résister à des températures extrêmes étant habituellement une source de stress trop grande pour que la vie y perdure. Ainsi, les tardigrades ont survécu à des températures supérieures à 100 °C1 mais aussi très basses, comme celle de l’hélium liquide à -272 °C

Changements de pression 

L’espèce Ramazzotius varieornatus est sans doute la plus étudiée chez les tardigrades car elle présente une résistance particulièrement remarquable. Cette espèce a d’ailleurs été envoyée dans l’espace durant une dizaine de jours afin d’étudier sa capacité de survie dans le vide spatial à 270 km d’altitude en 2007. En 2019, elle a également participé à un voyage de la Terre à la Lune dans la sonde Bereshit qui s’est écrasée sur notre satellite naturel. Pour savoir si les animaux avaient pu survivre à un tel accident, des scientifiques les ont placés au réfrigérateur et les ont ensuite logés dans des balles tirées jusqu'à 900 m/s, soit environ 3.200 km/h. Les tardigrades ont survécu à des pressions de choc allant jusqu'à 1,14 gigapascal (GPa).

Pour ce qui est de pressions qui ne soient pas liées à un choc, les tardigrades ont fait preuve d’une résistance à une l’équivalent de 74 019 atmosphères, soit un voyage à 180 km de profondeur vers le noyau terrestre ! C’est une pression encore plus forte que celle nécessaire à la création d’un diamant. Ces mises sous haute pression ne changent en rien la "qualité" des cellules des petits animaux. 

Radiations 

Les tardigrades sont également capables de résister à des doses de radiations très hautes. Là où les humains résistent à des doses de 8 Gy de rayons Gamma, des expériences ont montré que les petits oursons d’eau survivaient très bien à des doses de 5 700 Gy de rayons X. Pour les rayons Gamma, mortels pour les humains à une dose de 4 Gy, les tardigrades ont supporté une dose de 5 000 Gy.

Encore plus intéressant, les radiations provoquent généralement des mutations dans l’ADN d’un être vivant. Or, les tardigrades n’en ont pas montré suite à ces rayonnements : une gaine protectrice, produite grâce à une protéine toujours mal connue (nommée “Dsup” pour damage suppressor), entourerait la chromatine (structure au sein de laquelle l'ADN se trouve empaqueté), ce qui lui confèrerait une protection supplémentaire.

  • 1Une limite de température fixée à 151°C se trouve fréquemment dans la littérature. Cette valeur provient des travaux de Spalanzani repris par Doyère (1842). C'est cependant difficile d'être aussi catégorique. Des travaux plus récents montrent des seuils de tolérance bien plus bas.

À quoi ressemble un tardigrade ? 

Tardigrade

Représentation artistique d'un tardigrade

© S. Kaulitzki - stock.adobe.com

Un animal microscopique  

Les tardigrades mesurent entre 0,1 et 1,2 millimètres, ils ne sont visibles qu’au microscope. En fonction des conditions de son environnement (s’il rentre en cryptobiose), le tardigrade peut perdre presque la totalité de l’eau que contient son corps, ce qui fait diminuer de 32 à 40 % son volume total (l’espèce capable de la plus forte miniaturisation est Hypsibus exemplaris).  

Huit pattes et deux yeux 

Bien qu’ils soient minuscules, les tardigrades possèdent quatre paires de pattes et deux yeux. Le reste de leur corps est composé de muscles, neurones et d’un intestin. Tout comme les humains, à la surface de son corps ainsi qu’à l’intérieur sont retrouvés un ensemble de micro-organismes qui forment sont microbiome.  

Evolution et changement de modes de vie 

La présence des tardigrades sur Terre est attestée par des scientifiques depuis près de 500 millions d’années. Ce genre d’animaux s’est largement diversifié : près de 1 340 espèces de tardigrades différentes sont connues, peuplant des zones très diverses de notre planète. Certains évoluent dans les fonds des océans, à 4 600 mètres de profondeur, tandis que d’autre se sont établis à près de 6 000 mètres d'altitude.  

Article rédigé en avril 2024.

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Relecture et contribution

Cédric Hubas

Professeur au Muséum national d'Histoire naturelle (Laboratoire de Biologie des Organismes et Ecosystèmes Aquatiques - BOREA, UMR 8067), pour sa relecture et sa contribution.

Références scientifiques

  • Smythers AL, Joseph KM, O’Dell HM, Clark TA, Crislip JR, Flinn BB, et al. (2024) "Chemobiosis reveals tardigrade tun formation is dependent on reversible cysteine oxidation". PLoS ONE 19(1): e0295062. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0295062
  • S. Hengherr, M. R. Worland, A. Reuner, F. Brümmer, and R. O. Schill, "High‐Temperature Tolerance in Anhydrobiotic Tardigrades Is Limited by Glass Transition". Physiological and Biochemical Zoology, Vol. 82, No. 6 (November/December 2009), pp. 749-755)
  • Alejandra Traspas and Mark J. Burchell, "Tardigrade Survival Limits in High-Speed Impacts—Implications for Panspermia and Collection of Samples from Plumes Emitted by Ice Worlds". Astrobiology, Vol.21, No. 7. https://doi.org/10.1089/ast.2020.2405
  • Chavez C, Cruz-Becerra G, Fei J, Kassavetis GA, Kadonaga JT. "The tardigrade damage suppressor protein binds to nucleosomes and protects DNA from hydroxyl radicals". Elife. 2019. doi: 10.7554/eLife.47682
  • S. Galas et M. Richaud, "Les super-pouvoirs du tardigrade", CNRS le journal 
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