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Définition
Qu’est-ce qu’une espèce invasive ?
Appelées aussi espèces exotiques envahissantes (EEE), elles désignent des espèces vivantes introduites hors de leur habitat naturel, et dont la prolifération provoque des dégâts dans le milieu dans lequel elles s’installent.
La notion a fait une entrée remarquée dans notre vocabulaire en 1984. Cette année-là, on repère dans la Méditerranée, face au musée océanographique de Monaco, un peuplement de caulerpe (Caulerpa taxifolia). Cette algue verte, importée pour orner les aquariums, a probablement été rejetée involontairement depuis le musée. Rapidement, elle colonise les fonds, remplace les herbiers de Posidonie.
Déplacées
Depuis, les biologistes ont défini les espèces exotiques envahissantes ou espèces invasives comme des espèces vivantes qui, déplacées de leur milieu d'origine vers un endroit nouveau pour elles, y trouvent des conditions idéales pour proliférer, aux dépens des espèces locales et éventuellement des activités humaines.
Cela concerne aussi bien les végétaux que les animaux, des mammifères aux insectes, en passant par les oiseaux, les mollusques, les vers, etc.
Pour devenir invasive, l'espèce exogène doit passer plusieurs étapes. La première, c'est le voyage. Si la caulerpe a été amenée volontairement dans les aquariums du musée de Monaco, beaucoup d'invasions se font accidentellement. La moule zébrée arriva ainsi de la mer Caspienne dans les eaux de ballast de bateaux au XIXe siècle. Le séneçon sud-africain, une plante à belles fleurs jaunes, voyagea sous forme de graines dans de la laine de mouton importée.
Introduction, acclimatation, naturalisation
Une fois sur place, l'espèce doit sortir (d’un conteneur, d’un entrepôt, d’un laboratoire, d’un zoo...), pour s'introduire dans le milieu sauvage. Si celui-ci lui convient (moyennant une petite acclimatation) vient la naturalisation : l'invasive se montre capable de se reproduire dans son nouveau milieu.
Prolifération
Pour devenir envahissante, l'espèce doit rencontrer des conditions qui la favorisent (nourriture, espace, climat). Elle n'est souvent plus affectée par ses ennemis naturels, prédateurs, microbes et pathogènes de son pays d'origine qui ne l’ont pas suivie dans son nouveau milieu. Il faut parfois plusieurs dizaines d'années avant que des individus introduits forment une population réellement envahissante.
Dommages
Les invasives se caractérisent particulièrement par les dommages qu’elles causent. Elles entrent en compétition avec les espèces locales, pour l'espace, la lumière, l'alimentation... et peuvent les supplanter, comme l'a fait l'écureuil gris aux dépens du roux en Angleterre. Elles peuvent aussi s'avérer toxiques pour des espèces endogènes (locales), comme la caulerpe pour les herbiers de posidonie. Certains ravagent des cultures, telle la pyrale du buis. Ou même véhiculent des maladies, comme la peste portée par le rat noir envahissant l'Europe au Moyen-Âge, ou le Chikungunya transmis aujourd’hui par le moustique tigre.
Or, le contexte actuel non seulement favorise les introductions via la mondialisation des échanges, mais il facilite aussi les invasions. Arrivée dans un milieu déstabilisé par le changement climatique, l'espèce invasive n'aura aucun mal à s'imposer. Pour s'en débarrasser, il faudra alors déployer de nombreuses astuces, favoriser le développement de prédateurs locaux (comme la mésange friande de pyrales du buis), détruire (on arrache par exemple la jussie rampante dans les bassins) ou... espérer qu'elle disparaisse d'elle-même, comme le fit, mystérieusement, la caulerpe.
Article rédigé en novembre 2022. Remerciements à c'est Claire Villemant, chercheuse au Muséum national d'Histoire naturelle (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité, UMR 7205), pour sa relecture et sa contribution.
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