Le déclin des insectes pollinisateurs

Notre monde est menacé par la diminution des populations d'abeilles et autres insectes qui assurent la fécondation des plantes à fleurs.

Qu'ils soient abeilles, bourdons, fourmis, papillons ou mouches, les insectes pollinisateurs assurent le transport du pollen de 80 % des plantes à fleurs. C'est ainsi qu'elles sont fécondées et qu'elles se reproduisent. Les graines et les fruits résultant de la fécondation assurent l'alimentation de nombreux animaux, y compris les humains. Or ces insectes pollinisateurs sont victimes de la réduction de leur habitat, du changement climatique, de la pollution.

La pollinisation entomophile, une stratégie gagnante

Coupe schématique d'une fleur avec étamines, pistil, pollen, ovule, pétales

La concentration des organes sexuels dans la fleur favorise la pollinisation entomophile

© MNHN

Les plantes, selon les espèces, peuvent se reproduire de manière asexuée ou sexuée. Dans le premier cas, un fragment d'un individu (racine, bulbe, tige... ) repousse pour donner un individu identique au premier.

Dans le deuxième cas, les gamètes (cellules sexuelles) mâles fécondent les gamètes femelles, soit du même individu (cas des hermaphrodites) soit d'un autre.

Pollen et ovule

Chez les plantes à fleurs (appelées angiospermes), le pollen présent sur les étamines contient les gamètes mâles. Le pistil, lui, renferme les gamètes femelles (les ovules). La fécondation a lieu quand le pollen est déposé sur le pistil d'une plante de la même espèce et y pénètre.

Avantage à la reproduction sexuée

La graine qui résulte de la fécondation donne naissance à une nouvelle plante dont le patrimoine génétique unique est un mélange de celui de ses parents. Ce brassage augmente la diversité des individus, et favorise leur adaptation à un environnement changeant.

Vive les entomophiles

Environ 20 % des plantes à fleurs ne comptent que sur le vent pour assurer le transport de leur pollen. Mais la grande majorité s'associe au moins en partie avec des insectes pour une pollinisation plus ciblée. Cette pollinisation via les insectes est dite « entomophile ».

Couleur et odeur d'une fleur

L'insecte repère la fleur par son odeur et ses couleurs. Il vient butiner (manger) le nectar sucré qu'elle produit, parfois le pollen riche en protéines. Il se couvre au passage de pollen, qu'il va déposer sur la prochaine fleur qu'il visitera. Comme les insectes ont des fleurs de prédilection, il est probable qu'il s'agira d'une plante de la même espèce, dont il assurera la fécondation.

Les fleurs parlent aux pollinisateurs

La fleur de châtaigner communique son état par la couleur. Elle passe du jaune au rouge quand elle a été fécondée ! Les abeilles, qui voient le jaune mais pas le rouge, ne perdront alors pas de temps à la visiter.

Bourdon butinant dans une fleur

Pollinisateur

© C. Ficaja

Qui sont les insectes pollinisateurs ?

L'abeille à miel européenne (Apis mellifera) est dite « domestique » car elle est élevée par les humains. C'est l'insecte pollinisateur le plus populaire. Mais elle n'est pas la seule ! En voici d'autres présents en France métropolitaine.

Hyménoptères

Il existe aussi un millier d'espèces d'abeilles sauvages en France, qui ne produisent pas de miel et vivent, pour la plupart, en solitaire. Les abeilles font partie de l'ordre des hyménoptères qui comprend aussi les bourdons, les guêpes, les fourmis et les frelons. Une grande partie d'entre eux participent aussi à la pollinisation.

Papillon, ailes déployées, sur une plante

Les insectes des prairies

© Mardi8 - Sensory Odyssey - MNHN

Jolis papillons

D'autres ordres d'insectes sont impliqués dans la pollinisation. Les lépidoptères sont sans doute les plus connus, à l'âge adulte ils donnent les papillons dotés d'une trompe fort efficace pour pomper le nectar.

Les coléoptères collaborent

Certaines fleurs comptent aussi sur les coléoptères pour se reproduire : scarabées, coccinelles, hannetons...

Et les mouches !

De nombreuses mouches participent à l'œuvre pollinisatrice. Il s'agit notamment des muscidés, des syrphes (des petites mouches capables de voler sur place) et des empidinae, des mouches à longue trompe.

Un rôle crucial dans l'écosystème

Les insectes pollinisateurs sont les partenaires des plantes à fleurs. Leur association a façonné nos paysages et notre environnement.

70 à 90 % des plantes à fleurs, c'est à dire quelques 250 000 espèces, dépendent au moins en partie de la pollinisation animale pour leur fécondation

Colin Fontaine, biologiste, chercheur en écologie au CNRS et au Muséum national d’Histoire naturelle

Les fleurs, un moteur de l'évolution

Les premières plantes à fleurs sont apparues il y a 140 millions d'années, sous le règne des dinosaures. Elles ont alors initié une véritable révolution autour de leur relation avec les insectes et les champignons qui poussent au niveau de leurs racines. Elles ont façonné le paysage, donnant naissance aux forêts tropicales humides et aux prairies. Mais aussi nourrit quantité de petits mammifères... dont les ancêtres d'Homo sapiens.

Du sol à la cime des arbres

Aujourd'hui, 90 % des plantes terrestres sont des plantes à fleurs, qui jouent un rôle prépondérant dans l'écosystème terrestre. Parce qu'elles sont capables de produire de la matière organique à partir de matière minérale, elles sont à la base de la plupart des chaînes alimentaires. Leurs tissus nourrissent les herbivores, leurs fruits et leurs graines sont l'aliment principal des oiseaux, de nombreux mammifères, des chauves-souris, etc. Les insectes, leurs alliés, sont ingérés par quantité d'amphibiens, de reptiles, d’oiseaux...

…les fleurs gouvernent le climat

Les plantes à fleurs influencent aussi le climat ! Elles possèdent en effet une capacité supérieure aux autres plantes pour pomper l'eau du sol et l'exhaler par leurs feuilles. Ce faisant, elles participent à l'établissement d'un climat plus humide dans les zones de forêts tropicales.

Coccinelle au bout d'une tige

Les insectes des prairies

© Mardi8 - Sensory Odyssey - MNHN

Les insectes pollinisateurs en déclin

Le nombre d'espèces d'insectes pollinisateurs et la taille des populations de nombreuses espèces diminuent. Dans certains endroits, cette baisse est de l’ordre de 70 % à 90 %. Si le phénomène est encore difficile à chiffrer globalement, le constat est là.

Espèces menacées

Selon le rapport de 2016 de l'IPBES « en Europe, 9 % des espèces d’abeilles et de papillons sont menacés et les populations diminuent pour 37 % des abeilles et 31 % des papillons [...] ».

Habitat dégradé

Les raisons de ce déclin sont connues : l'urbanisation a réduit et fragmenté leur habitat naturel, et la lumière des villes les affecte.

Agriculture intensive

Mais c'est surtout l'agriculture intensive développée pour nourrir les populations après la Seconde Guerre mondiale qui est pointée du doigt. Elle a détruit les haies et éradiqué les fleurs sauvages dont se régalent les insectes. La monoculture a diminué la diversité des fleurs et de leurs visiteurs. Les pesticides sont également accusés d'intoxiquer les populations d'insectes.

Abeille qui butine une fleur

Abeille

© MNHN - F.-G. Grandin

L'effet des pesticides néonicotinoïdes

Difficulté à s'orienter, mortalité excessive : plusieurs études montrent que les abeilles domestiques et sauvages sont affectées par l'usage des pesticides néonicotinoïdes. En 2018, la majorité des États de l'Union européenne a donc voté leur interdiction. Mais en France, les betteraviers ont négocié une dérogation temporaire... qui soulève des controverses.

Changement climatique

Le changement climatique global a tendance à changer le calendrier des pollinisateurs et des plantes, créant des décalages entre leurs cycles respectifs qui, parfois, ne correspondent plus du tout. Conséquence : les pollinisateurs ne sont plus forcément actifs au moment où leur plante préférée peut les nourrir et a besoin d'être fécondée.

Effondrement des colonies

Les populations d'abeilles domestiques (Apis mellifera) souffrent d'un mal particulier : dans plusieurs régions du monde, mais pas partout, des colonies entières meurent... Elles sont victimes non seulement des pesticides, mais aussi de maladies (comme l'acarien Varroa) dont la propagation est favorisée par la concentration des abeilles dans les ruches où elles sont élevées.

Abeille butinant une fleur

Abeille

© Ron-K - FreeImages

La disparition des pollinisateurs, une menace pour la biodiversité et l’agriculture

La biodiversité en chute libre

Le déclin des insectes pollinisateurs menace les écosystèmes : sans eux, les plantes à fleurs risquent de disparaître. Et tous les animaux qui en dépendent : les oiseaux qui mangent leurs graines, les amphibiens qui mangent les insectes, les herbivores qui s'en délectent, etc. Les zones tropicales seraient les plus affectées par la chute de leur biodiversité.

« L'émergence des angiospermes a structuré la biodiversité. La conséquence, comme dans toute interaction, c'est le risque de co-extinction : quand une plante ou un insecte disparaît, il y a un risque d'extinction de toutes les espèces qui lui sont liées. »

Marc-André Selosse, biologiste et professeur au Muséum national d’Histoire naturelle

Une alimentation plus fade

Environ 70 à 75 % des plantes cultivées dépendent de la pollinisation entomophile, soit 35 % du tonnage de la production agricole mondiale* selon l'IPBES. Sont concernés les arbres fruitiers, les baies, les légumes et les oléagineux, les protéagineux, les épices, le café et le cacao.

*Une grande partie de la production agricole mondiale est constituée par les céréales qui sont pollinisées par le vent.

« Sans les pollinisateurs, ce qu'on perd, c'est la confiture sur la tartine. Tout ce qui fait la saveur, le goût, le côté plaisant de la nourriture dépend des pollinisateurs. »

Colin Fontaine, biologiste, chercheur en écologie au CNRS et au Muséum national d’Histoire naturelle.

Un suivi citoyen

En 2010, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’Office pour les insectes et leur environnement ont mis en place le programme SPIPOLL (Suivi photographique des insectes pollinisateurs). Dans le cadre de ce programme de science participative, chacun est invité à photographier pendant 20 minutes tous les insectes butinant une plante en fleur de son choix. Reste à poster les photos sur le site du programme. Une aide précieuse pour le suivi des populations de pollinisateurs en France métropolitaine.

Aller plus loin

Insectes des prairies (avec Colin Fontaine)

Catalogue Odyssée sensorielle - Insectes des prairies - Récit de Colin Fontaine

Dossier rédigé en mai 2022 et mis à jour en janvier 2023. Remerciements à Colin Fontaine, biologiste, chercheur en écologie au CNRS et au Muséum national d’Histoire naturelle.

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