Pommes de terre lyophilisées
Dans les Andes, centre de domestication des pommes de terre, sont cultivées plusieurs espèces et d’innombrables variétés de Solanum (S. tuberosum, celle que nous connaissons en Europe, mais aussi stenotenum, chaucha, ajanhuiri, curtilobium, juzepczuki…).
Cette diversité permet des cultures qui supportent la grande variabilité des contraintes climatiques, sur un important gradient d'altitude, de 2000 à près de 5000 m. Les papas sont des plantes alimentaires de base, et les communautés andines précolombiennes ont développé une technique de conservation originale, qui consiste à laver, sécher et étendre sur le sol en hiver afin que les tubercules congèlent naturellement ; on les nomme chuño. L’exposition au soleil fait succéder congélation et décongélation, conduisant à une réelle lyophilisation. Ce procédé a été décrit en ces termes en 1846 : « Chugna, Chunno. Noms péruviens des tubercules de la pomme de terre séchés au soleil ; préparation alimentaire usitée au Pérou qui a pour but de la conserver et qui consiste à la soumettre à des alternatives de gelées, dont on fait sortir ensuite l'eau à l'aide de la pression. Dans cet état, on la conserve étant sèche pendant plusieurs années. » in : Mérat, F. V. & Lens, A., Supplément au Dictionnaire universel de matière médicale et de thérapeutique générale, Paris/Londres, Baillère, p. 176.
La forme usuelle se présente sous la forme de tubercules noirs (chuño negro), séchés avec leur peau ; ils sont d’usage quasi-quotidien (mais pourvus d’un goût très prononcé). Une autre préparation un peu plus complexe consiste, outre la congélation/décongélation, à exprimer l’eau par piétinement, et lavages répétés dans l’eau des ruisseaux, avant de les exposer à nouveau au soleil. Cela ôte les peaux et confère aux tubercules une couleur blanche caractéristique. On les nomme alors tunta, ou bien chuño blanco. Désormais considérée comme un patrimoine national, la tunta est un aliment coûteux et donc réservé aux repas importants, pour des invités de marque ou pour les fêtes familiales ou religieuses.
Le chuño et la tunta se cuisent en bouillon, en soupes, en ragoûts, après trempage et lavage.