Exploration scientifique
La Planète Revisitée au Mozambique
Entre novembre et décembre 2009, l'expédition de La Planète Revisitée au Mozambique a réalisé un inventaire de la biodiversité des plantes ligneuses et de la microfaune des forêts sèches dans le nord du pays, à la frontière avec la Tanzanie. Fruit d'une collaboration internationale, il s'agissait de la première mission dédiée à l’étude des forêts côtières d’Afrique de l’Est rassemblant un tel niveau d’expertise. Une campagne océanographique également été menée en partenariat avec l’Institut Océanographique espagnol en avril 2009.
Découvrir les forêts sèches
Lorsqu'on pense « déforestation », les premières images qui viennent à l'esprit sont celles des forêts tropicales humides d'Amazonie ou d'Indonésie. Cependant, même si ces espaces sont réellement menacés, d’autres sont en train de disparaître à grande vitesse, comme les forêts sèches. Situées dans des zones de forte pluviosité avec une période sèche bien marquée, à des altitudes généralement inférieures à 1 000 m, on les trouve en Afrique, sur la côte ouest de Madagascar, en Inde, dans la péninsule indochinoise ou en Amérique tropicale. Ces forêts sont victimes de l’urbanisation, du défrichage (agriculture de subsistance, élevage) et des incendies.
Les forêts côtières sèches d'Afrique de l'Est, qui constituent l'un des 34 « hotspots » de l'ONG Conservation International et l'une des éco-régions du WWF, sont particulièrement menacées. Elles font partie des 25 sites forestiers prioritaires pour la conservation au niveau mondial. Considérées comme l'un des massifs forestiers les plus importants d'Afrique, elles s'étendent sur les territoires de plusieurs états, depuis le sud de la Somalie jusqu'au Mozambique. On estime qu’aujourd'hui plus de 90 % de la surface de ces forêts a déjà été détruite. Les 29 000 km2 restants sont très fragmentés, répartis en centaines de petits « îlots » entourés par d'autres types de végétation, ce qui rend leur détection et leur conservation extrêmement délicates.
Une biodiversité remarquable
Le hotspot des Forêts Sèches d'Afrique de l'Est abrite une biodiversité endémique importante, tant animale que végétale (1 750 espèces de plantes endémiques sur les 4 050 espèces recensées). Cela signifie qu’on ne retrouve ces espèces que dans cette région. Qui plus est, environ 40 % des espèces endémiques de plantes ne se trouvent que dans une seule enclave, et nulle part ailleurs. Selon les ONG de conservation, la région du hotspot où le taux d'endémisme est le plus fort s'étendrait du nord du Kenya au sud de la Tanzanie. Comment expliquer que le nord du Mozambique, contigüe du sud-tanzanien, n'appartenait pas à cette zone ? Tout simplement parce que les données sur cette région étaient quasiment inexistantes. Un manque de connaissance extrêmement préjudiciable, puisqu'il privait le pays de précieux financements internationaux.
L’expédition
Lancement de l’étude
Comme toutes les expéditions naturalistes, l'un des objectifs principaux de ce projet d'exploration des forêts sèches mozambicaines était de découvrir des espèces inconnues afin de constituer des collections de référence sur la faune et la flore de ces écosystèmes peu documentés. Mais au-delà de cette composante « recherche », les biologistes ont également cherché à trouver des preuves permettant de rattacher les forêts du Mozambique à l'ensemble plus vaste des Forêts côtières d'Afrique de l'Est. Si, en plus de nouvelles espèces, ils découvrent aussi des espèces présentes en Tanzanie et au Kenya, celles-ci permettaient de constituer autant d'arguments pour plaider la cause du Mozambique auprès des instances internationales de conservation.
Afin de mener à bien leurs études, les scientifiques de l’expédition ont dû commencer par localiser les enclaves de forêts côtières sèches du Mozambique. L’affaire est difficile car elles sont insérées dans une matrice de différentes formations végétales à quoi s'ajoutent les difficultés liées à l'accès. De plus, l'étendue des zones à prospecter est gigantesque : elle couvre plusieurs milliers de km2. L’exploration de la zone nord du Mozambique s’est ensuite déclinée selon deux modules : un module « flore », animé par des biologistes, et un module « zoologie ».
Le volet marin de l’exploration a eu lieu quelques mois plus tôt grâce à une collaboration avec un navire océanographique espagnol, le Vizconde de Eza. La campagne a été dénommée MAINBAZA, en référence aux 4 secteurs géographiques échantillonés : MAputo, INhambane, BAzaruto et ZAmbeze. Cette campagne a notamment permis de faire des comparaisons avec des relevés hauturiers faits à Madagascar à peu près à la même période. Elle a révélé notamment des habitats et une biodiversité très différente des deux côtés du canal du Mozambique, alors que l’on s’attendait à trouver des écosystèmes relativement similaires.
Étude de la flore
Pour mener des études sur la flore du Mozambique, les chercheuses et chercheurs ont utilisé des solutions technologiques pour avoir un recensement grossier de la densité de chlorophylle (et donc de végétation) par zones. Après deux missions préliminaires de repérage, les prélèvements ont pu commencer. L’objectif était de trouver des communautés végétales du type « forêts côtières de l’Afrique de l’Est ».
Étude de la faune
Afin de dresser le portrait de la petite faune (amphibiens, petits mammifères comme les rongeurs ou chauves-souris, mollusques, insectes, arachnides…), les chercheuses et chercheurs ont comparées les zones du Mozambique avec celles de Tanzanie ou du Kenya. Un inventaire global de la zone a pu être mené.
La mission a également permis d’interroger la répartition et les migrations d’espèces dans cette aire géographique. La faune malgache semblant issue d’une série de colonisations d'origine africaine relativement récentes, comment s'est fait le passage de l'Afrique vers Madagascar : grâce à des radeaux végétaux dérivant sur le canal du Mozambique, ou par « sauts » successifs des organismes grâce à un chapelet d’îles aujourd'hui disparues ? Autant de questions auxquelles chercheuses et chercheurs tentaient de répondre grâce à l'étude des spécimens de plantes et d'animaux collectés.
Le Mozambique
Grand pays d’Afrique australe, le Mozambique est un pays plat composé de plaines littorales qui forment un paysage de dunes et de lagunes. Elles s’élèvent vers l’intérieur en plateaux au nord et montagnes au centre.
Le Mozambique bénéficie d’un climat tropical, la saison sèche alterne avec la saison humide. L’été, de novembre à mars, correspond à la saison humide ; les pluies sont plus fréquentes au nord proche de l’équateur et sur les hauteurs périphériques. Le littoral est le domaine de la mangrove constituée de cocotiers et de palétuviers. Au nord-ouest, la forêt de type équatoriale s’impose, le centre est couvert de forêt claire, le sud correspond au domaine de la savane.
Former les locaux
La formation de spécialistes locaux de la faune et de la flore, à travers la création d’outils de diffusion permettant de partager les connaissances issues de la mission, formait un objectif important de cette expédition. En effet, il était nécessaire que l’expertise générée par un tel projet soit rapidement disponible au niveau national et provincial, dans le but de mettre en place des politiques de conservation efficaces. Enfin, les résultats de la mission ont servi à alimenter les bases de données existantes au Mozambique et à l'international.
Premiers résultats
De nombreuses espèces, inconnues des participants, ont été échantillonnées lors de ces 2 expéditions, on note particulièrement 35 espèces totalement nouvelles pour la science. Côté marin, une espèce de mollusque a été dénommée en référence avec le nom de la campagne : Bolma Mainbaza.