Recherche scientifique

Comment les oiseaux arrivent-ils à dormir debout ?

C’est une image bien classique que celle d’oiseaux délicatement alignés sur les branches, mais comment parviennent-ils à rester debout en équilibre, et ce, même en dormant ? Des scientifiques, notamment du Muséum, ont créé une équation mathématique pour mieux comprendre le fonctionnement de leur bipédie.

La bipédie : une question de structure ?

Comme Homo sapiens, toutes les espèces d’oiseaux sont bipèdes, c’est-à-dire qu’elles marchent sur deux pieds. Pour autant, leur façon de se tenir debout est différente : les oiseaux sont en flexion permanente tandis que les humains sont bien droits. Cette posture spécifique semble pourtant donner aux oiseaux davantage de stabilité, alors que leur centre de gravité pourrait les tirer vers l’avant.

Comment tient-on debout ?

Les humains tiennent debout notamment grâce à leur squelette. La structure si particulière de la colonne vertébrale permet, en complément des muscles, de se tenir droit. Les lignes de force de notre posture suivent les os, ce qui nécessite un placement du dos et du pelvis très précis. Les deux jambes agissent véritablement comme deux piliers capables de soutenir ces forces et donc de permettre de se tenir debout.

Puisque cela demande un effort (il faut actionner les muscles), les humains doivent s’assoir ou s’allonger pour se reposer. C’est là qu’une divergence majeure existe par rapport aux oiseaux : ils ne font pas d’effort pour rester debout.

équilibre oiseau et humain

Chez les oiseaux, le plumage cache la majeure partie du corps. Le tronc rigide est soutenu par les longues pattes segmentées, la hanche et le genou étant toujours fléchis. La masse musculaire est principalement répartie entre les muscles du vol à l'avant et les muscles des pattes à l'arrière, le centre de gravité se situant entre les deux. La bipédie humaine repose sur une organisation du squelette en compression verticale, avec des forces se propageant dans les os et des ajustements précis effectués grâce aux courbures vertébrales et à la forme du bassin.

© C. Dégardin

Un équilibre assuré par un système de "câbles"

Oiseaux sur un fil, moineaux

Moineaux domestiques (Passer domesticus) sur un fil

© Avinash - stock.adobe.com

Les pattes des oiseaux servent à de nombreuses choses : marcher, nager, manger, saisir, voler, dormir… Elles doivent se plier à de nombreux usages, ce qui implique des caractéristiques spécifiques. Quelle que soit l’espèce d’oiseau, la structure osseuse de ses pattes reste la même : les jambes, petites ou grandes, musculeuses ou non, sont toujours faites de trois segments et de doigts de pieds. Du point de vue de l’équilibre, le centre de gravité de l’oiseau est placé au niveau de son torse. Et pourtant, grâce à la tenségrité, il ne fournit aucun effort pour tenir debout !

Une tension passive : la tenségrité

La tenségrité (de l’anglais "tensegrity") est un principe ayant d’abord été utilisé en architecture, avant de s’être étendu aux domaines mécaniques, biologiques et mathématiques. Il illustre le fait qu’un équilibre existe grâce à la tension de certains composants, ce qui permet un repos, une stabilité de la structure (les forces s’équilibrent). Par exemple, un pont est stable grâce à la tension contenue dans les câbles.

En s’appuyant sur l’anatomie des oiseaux, des scientifiques ont réussi à établir un modèle mathématique qui prouve que peu d’énergie serait requise pour rester en équilibre. Comme un câble tendu autour de poulies, les forces pour rester en équilibre longent les trois articulations de la patte. Cette tension permanente et l’organisation géométrique de sa jambe permet à l’oiseau de rester en équilibre stable : même si le support bouge un peu, l’oiseau reste en tension sans effort – il peut donc dormir debout !

La recherche montre que des innovations anatomiques de la lignée des oiseaux participent à cette stabilité.

Modèle tenségrité pattes oiseaux

Une configuration d'équilibre résultant de la simulation mathématique. Elle montre que quatre câbles, correspondants aux tendons dans les grands groupes de muscles, permettent d'atteindre un équilibre stable.

© MNHN - A. Abourachid
Roitelet triple bandeau

Roitelet triple bandeau - Regulus ignicapilla

© MNHN - N. Cellier
Moineau sur une branche

Petit moineau (Gymnoris dentata) sur une branche.

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Référence scientifique

Abourachid Anick, Chevallereau Christine, Pelletan Idriss and Wenger Philippe 2023, An upright life, the postural stability of birds: a tensegrity system J. R. Soc. Interface.- 20 : 2023043320230433 http://doi.org/10.1098/rsif.2023.0433

Remerciements à Anick Abourachid, Professeure du Muséum national d’Histoire naturelle (UMR 7179 Mécanismes adaptatifs et évolution) pour sa participation et sa relecture.