Recherche scientifique

Vers une base de données internationale des Euphorbes

Nous avons toutes et tous déjà vu des euphorbes chez les fleuristes, dans les jardins… Ce groupe présente une diversité tout à fait étonnante ! Et c’est justement ce qui intéresse Iris Montero Munoz, étudiante en post-doctorat à l’Universidad Autónoma de Madrid. Notre jeune collègue est venue étudier les collections d’Euphorbes du genre Acalypha conservé à l’Herbier du Muséum grâce à un financement du programme scientifique européen Synthesys. Son objectif ? Réviser la taxonomie et la biogéographie des Euphorbes du genre Acalypha à Madagascar et dans les autres îles de l’Océan indien. Pourquoi ? Pour en apprendre encore plus sur ce groupe finalement assez mal connu et pouvoir partager ces informations avec le plus grand nombre.

Le genre Acalypha L. comprend environ 500 espèces, ce qui en fait le 3e genre le plus varié au sein de la famille des Euphorbiaceae (après Euphorbia L. et Croton L.). Il comprend les plantes herbacées, des arbustes et des arbres de petite taille, principalement situés en zone tropicale et subtropicale, même si certaines espèces se rencontrent également en zones tempérées. Environ 2/3 des espèces sont présentes en Amérique. Elles prospèrent dans des habitats variés, des forêts tropicales aux zones subdésertiques, et du niveau de la mer jusqu’à plus de 4 000 m d’altitude.

Acalypha est l’une des familles d’Euphorbiceae les plus mal connues. En effet, depuis la publication de la dernière monographie mondiale par Pax & Hoffmann en 1924, peu d’articles ont été publiés sur le sujet. Pendant les quelques dernières années, l’équipe avec laquelle travaille Iris Montero Munoz a concentré ses recherches sur l’étude d’espèces tropicales américaines. Ces travaux ont donné lieu à la publication des vertus médicinales de ces plantes, une liste d’espèces nationales, ainsi que la description de nombreuses nouvelles espèces. L’équipe aspire actuellement à réviser le genre Acalypha au niveau de toute la zone tropicale.

Découvrir de nouvelles données relatives à la biodiversité sous-entend inévitablement d’étudier les spécimens conservés dans les Herbiers. De nombreuses collections végétales d’Amérique du Sud et d’Afrique sont traditionnellement conservées dans les institutions européennes du fait que les collecteurs du XVIIIe au XXe siècle étaient européens. Par conséquent, ces herbiers sont le sanctuaire de collections-types (un type est le spécimen de référence d’une espèce) et d’un volume conséquent de matériel dont une grande partie n’a jamais été étudiée depuis la collecte.

Le projet d’Iris Montero Munoz consiste à étudier et réviser les spécimens d’Euphorbes conservés dans les herbiers. Dans le cas de sa visite à l’Herbier du Muséum, son intérêt s’est porté sur la collection de spécimens du genre Acalypha dont une grande partie n’a jusqu’ici jamais fait l’objet d’aucune étude que ce soit. En outre, l’Herbier abrite un grand nombre de spécimens-types non reconnus. Pourtant, ces spécimens sont essentiels pour clarifier l’identité et le statut des différents taxons qui composent ce groupe.

Grâce à sa mission, Iris Montero Munoz espère éclaircir les zones d’ombres qui règnent sur de nombreuses espèces au statut ambigu et identifier de nouveaux taxons. A long terme, notre jeune chercheuse et son équipe amélioreront les connaissances relatives à un genre incroyablement varié présent dans les zones tropicales et subtropicales. Mais l’acquisition de nouvelles connaissances ne saurait avoir lieu sans une bonne base taxonomique. Ainsi, une étude complète des collections d’Acalypha sera le point de départ de nombreuses études, telles que la phylogénie moléculaire (histoire évolutive d’organismes fondée sur leur ADN), l’évolution, la distribution géographique, la conservation, ou encore les utilisations potentielles de ces plantes.

A l’heure actuelle, l’équipe avec laquelle travaille la jeune chercheuse a décrit 25 nouvelles espèces d’Acalypha provenant d’Amérique du Sud. Ce qui démontre le bas niveau de connaissances dont la communauté scientifique disposait jusqu’ici. L’équipe a également publié plusieurs traitements floristiques et des révisions taxonomiques concentrés sur l’Amérique du Sud. Plus récemment, ils ont publié un article traitant des espèces d’Acalypha d’Afrique tropicale Ouest.

Acalypha annobonae (a : branche portant des fleurs, b : bractée développée en pistil, c : fleur pistillée, d : capsule), dessiné à partir de T.C. Wringley & F.A. Melville 55

© MNHN

Acalypha ornata

© MNHN

Acalyphe d'Inde, Herbe chat, Ortie de l'Inde (Acalypha indica)

© MNHN

Les travaux menés par cette équipe mèneront à une meilleure compréhension de ce groupe végétale, qui se traduira sous la forme de publications présentant les nouvelles espèces, un inventaire, les vertus médicinales reconnues au niveau national et régional des espèces d’Acalypha en zones tropicales. Mais dans un premier temps, Iris Montero Munoz et ses collaborateurs souhaitent poursuivre leur démarche relative aux espèces africaines continentales et insulaires, provenant principalement de Madagascar et de la région malgache. A ceci s’ajoute la finalisation de l’étude d’Acalypha sur laquelle porte la monographie Flora neotropica.

Au sein de l’Universidad Autónoma de Madrid, l’équipe d’Iris Montero Munoz est la seule qui s’intéresse à la systématique (identification et classification des espèces) des plantes vasculaires tropicales. En outre, il n’existe aucune autre équipe en Europe menant des recherches sur la systématique d’Acalypha.

Enfin, cette même équipe développe actuellement un site web Acalypha Taxonomic Information System, source exhaustive d’informations cohérentes et régulièrement mises à jour sur la taxonomie et la biogéographie d’Acalypha. Ce service d’informations en ligne permettra un accès facile à toutes les bases de données existantes, afin que toutes les informations traitant de biodiversité puissent être incorporées dans des réseaux plus vastes tels que celui du GBIF. Les informations que l’équipe met aujourd’hui à disposition se limitent aux pays sud-américains. Et ces dernières années, ils ont accumulé de nouvelles données relatives à l’Afrique, et leur objectif est d’étendre peu à peu leur démarche à toute la planète.