Projets

La phylogénie fondée sur le spécimen

Une approche taxonomique plus objective : premiers tests sur les lézards du genre Lacerta.

La taxonomie est la démarche scientifique permettant de décrire et nommer de nouvelles espèces d’organismes. La phylogénie étudie comment les espèces ont évolué au cours du temps. Ce type de travail scientifique peut se fonder sur des groupes d’individus. Mais Emanuel Tschopp a souhaité tester ces démarches en se fondant sur des individus plutôt que sur des groupes. Il ambitionne ensuite d’appliquer cette nouvelle méthodologie à des spécimens fossiles. Et pour ce faire, c’est au Muséum national d'Histoire naturelle qu’il est venu réaliser ses travaux de recherche dans le cadre d’une bourse du programme européen SYNTHESYS.

Emanuel TSCHOPP est docteur en géologie, actuellement en post-doctorat à l’Université de Turin (Italie). Il a débuté ses travaux de recherche par l’étude des gigantesques dinosaures à long cou du Jurassique (200 à 145 millions d'années avant nos jours) et qui peuplaient ce qui deviendra plus tard l’Amérique du Nord.

Son intérêt se portait principalement sur les problèmes de systématique (classification) et il aspirait à reconstruire l’arbre “généalogique” d’un certain nombre de représentants de ces animaux aujourd’hui disparus. Pour ce faire, E. Tschopp a utilisé une méthodologie spécifique appelée “analyse phylogénétique fondée sur le spécimen”. Cette méthode estime les liens de parenté entre des individus en s’appuyant sur les similarités et les différences observées sur les os fossiles collectés. En principe, ce type d’analyse s’effectue sur des espèces plutôt que sur des individus, mais en utilisant une approche aussi précise (l’individu), notre jeune chercheur a pu confirmer ou infirmer certaines identifications réalisées plus tôt à partir de squelettes uniques d’une part. D’autre part, cela lui a permis de réévaluer la validité des espèces étudiées. Et puisque personne d’autre avant lui n’avait réalisé un tel travail sur des animaux actuels, c’est dans cette direction qu’il a décidé d’orienter ses travaux.

Dans le cadre de son projet de recherche, E. Tschopp aspire à valider cette phylogénie fondée sur le spécimen en appliquant cette méthode à un certain nombre de squelettes de lézards du genre Lacerta, au sein duquel on connaît par avance à quelle espèce appartient chaque squelette. Cette connaissance a priori permet à E. Tschopp d’ajuster et d’adapter la méthodologie afin de s’assurer que le résultat respecte bien l’identification préétablie (puisque fondée sur un individu actuel et complet). Et dans un deuxième temps, par le biais de cette démarche, notre jeune collègue peut étudier des squelettes fossiles ayant été identifiés comme appartenant au genre Lacerta et confirmer ou non ces identifications. Les collections de fossiles conservées au Muséum national d'Histoire naturelle contiennent un nombre considérable de fossiles de lézards et c’est ce qui a justifié sa visite scientifique dans notre établissement.

En incluant ces spécimens dans la base de données qu’il réalise, il espère valider leurs identifications préalables d’une part. Mais d’autre part, E. Tschopp espère comprendre quelles caractéristiques du squelette sont apparues et à quel moment au cours de l’histoire évolutive de ces lézards. Plus tard, certains traits anatomiques pourront être corrélés à des données environnementales ou relatives aux conditions climatiques au moment où l’animal vivait. Enfin, cela pourrait permettre de mieux comprendre l’influence des facteurs externes sur les modifications du squelette en général.

Lézard vert occidental (Lacerta bilineata)

© MNHN - J.-C. Massary