Recherche scientifique

Un nouveau paradigme : les zones humides pompent du CO2 en Amazonie

Considéré jusqu’à présent comme un émetteur de gaz à effet de serre, le fleuve Amazone révèle en fait un bilan carbone équilibré. Une équipe de scientifiques français et brésiliens, dont Tarik Méziane, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle (UMR "Biologie des organismes et écosystèmes aquatiques" MNHN/CNRS/IRD/UPMC), vient de montrer que le CO2 dégazé par le fleuve est uniquement puisé au sein du système fluvial lui-même. Cette étude a été publiée dans la revue Nature le 15 décembre dernier.

Le fleuve Amazone capte via les sols du bassin versant le CO2 fixé par la forêt tropicale pour le réémettre vers l’atmosphère. Cette nouvelle étude révèle que le fleuve Amazone aurait en fait un bilan carbone équilibré. Ainsi, l’Amazone recycle le CO2 de son propre système fluvial, et non celui fixé par la forêt tropicale, rejetant vers l’atmosphère autant de gaz carbonique qu’il en absorbe.

Cette étude, réalisée dans le cadre de l’ANR CARBAMA à laquelle l’UMR BOREA a participé, nous invite à reformuler nos paradigmes sur les bilans globaux de carbone. Ainsi, les eaux continentales, et en particulier le géant Amazone, étaient considérés comme des sources nettes d’émission, rejetant plus de CO2 qu’ils n’en absorbent. Or, cette étude démontre que le CO2 dégazé par les eaux de l’Amazone est en réalité uniquement puisé dans le système fluvial lui-même, par décomposition de la matière organique produite par la végétation semi-aquatique des zones humides, et non pas alimenté par les plantes terrestres via les sols du bassin versant.

Le fleuve agit, à l’inverse de ce que l’on pensait, comme une "pompe à CO2". Globalement, le bilan de carbone du système fluvial en Amazonie centrale est proche de l’équilibre : ses eaux rejettent vers l’atmosphère la même quantité de carbone que celle fixée par sa végétation.

Onze équipes ont contribué à cette étude ; en France : EPOC (Bordeaux), BOREA (MNHN), GET (Toulouse), LOG (Wimereux), IPGP (Paris), ISTO (Orléans) ; au Brésil : Univ Federal de Juiz de Fora (Minas Gerais), Univ. Federal Fluminense (Rio de Janeiro), Univ. de Brasília (Distrito Federal), Univ. Estadual de Santa Cruz (Bahia) ; au Pays-Bas : NIOZ (Texel).

La graminée Paspalum repens qui pousse dans les zones humides amazoniennes (Varzèa)

© MNHN

Références

Abril G., Martinez J.-M., Artigas L.F., Moreira-Turcq P., Benedetti M.F., Vidal L., Meziane T., Kim J.-H., Bernardes M.C., Savoye N., Deborde J., Albéric P., Souza M.F.L., Souza E.L. and Roland F. Amazon River carbon dioxide outgassing fuelled by wetlands. Nature, 15 décembre 2013.
DOI : 10.1038/nature12797