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Pour qu’une nouvelle espèce humaine apparaisse, il faudrait qu’un fragment de population soit isolé pendant des milliers voire des millions d’années, pour qu’elle acquière des caractères qui lui sont propres. Un scénario hautement improbable.
Des espèces parfois complexes
Pour les généticiens, deux individus appartiennent à la même espèce lorsqu’ils peuvent se reproduire et que leur descendants aussi. Attention, cette définition est moins évidente qu’il n’y parait ! Par exemple, l’ours brun (Ursus arctos) et l’ours blanc (Ursus maritimus) ont été classés historiquement en deux espèces différentes. En effet, ils vivent à des endroits différents et ont des traits morphologiques bien distincts, ce qui est le fruit d’une évolution séparée pendant plusieurs centaines de milliers d’années. Pourtant, ils peuvent se reproduire ensemble comme on l’a observé en zoo et, très exceptionnellement, dans la nature.
Dans les différents représentants du genre Homo, l’Homme de Neandertal, aujourd’hui disparu, est considéré comme une espèce distincte d’Homo sapiens en raison de sa morphologie significativement différente de la nôtre. Lorsque Neandertal, qui vit en Europe, rencontre Homo sapiens venu d’Afrique, plusieurs centaines de milliers d’années d’évolution différente les séparent. Toutefois, en comparant l’ADN retrouvé dans des squelettes néandertaliens à celui des Homo sapiens vivant aujourd’hui, les données génétiques récentes laissent supposer qu’une reproduction entre ces deux espèces a bel et bien parfois eu lieu !
Homo sapiens
© MNHNUn isolement peu probable
A partir de là, imaginons qu’une population d’Homo sapiens s’isole et qu’elle n’ait plus aucun contact avec d’autres individus de son espèce. Elle acquerra de nouveaux caractères au cours du temps, mais il faudra plusieurs centaines, voire millions, d’années d’isolement avant de définir une nouvelle espèce qui ne pourrait plus se reproduire avec Homo sapiens. Ce n’est donc sans doute pas pour tout de suite ! En plus, Homo sapiens migre rapidement et se métisse beaucoup, ce qu’il a toujours fait au cours de son évolution. L’isolement reproducteur strict sur un temps gigantesque semble donc improbable pour notre espèce ce qui rend difficile l’apparition d’une nouvelle espèce d’Homme cohabitant sur terre avec Homo sapiens.
En revanche, avec le temps, Homo sapiens lui-même continue d’évoluer et d’acquérir de nouveaux caractères. Ainsi, constatant de très grandes différences morphologiques entre eux et leurs lointains ancêtres Homo sapiens, les anthropologues du futur décideront peut-être de se classifier eux-mêmes comme une autre espèce du genre Homo !
Paul Verdu, éco-anthropologue et ethnobiologiste, spécialiste de la génétique des populations humaines - Musée de l’Homme