Santé et environnement, le même enjeu
Les récentes épidémies, MERS-CoV, Ébola et la pandémie actuelle de COVID-19, ont un point commun qui suscite une inquiétude légitime. L'émergence de ces maladies est liée à l'emprise croissante de l'Homme sur la nature.
Les zoonoses sont des maladies qui proviennent d'animaux sauvages comme la civette, la chauve-souris ou encore le pangolin, et auraient dû rester chez leur hôte naturel si l'Homme n'avait pas forcé les contacts avec ces derniers. Entre 1980 et 2013, elles ont représenté 65 % des nouvelles pathologies référencées et ce n'est sans doute qu'un début, car les pratiques humaines ne font qu'accélérer ce risque.
Des pratiques néfastes
C'est a priori la présence de pangolins sur les étals de marché de Wuhan, en Chine qui aurait provoqué l'infection d'un premier individu par le coronavirus. En mutant, le virus se serait adapté à son nouvel hôte. Mais le braconnage n'explique pas à lui seul cette pandémie mondiale et le risque d'émergence de nouveaux agents pathogènes. L'Homme détruit aussi des territoires pour cultiver et coloniser. Environ 30 % des forêts tropicales ont disparu entre 2010 et 2018. En grignotant toujours plus les espaces sauvages et en permettant l'arrivée de populations, les contacts entre animaux et hommes augmentent. Par ailleurs, cela réduit la biodiversité et l'abondance des espèces. Une évolution encore aggravée par les pratiques agricoles modernes sur de vastes étendues et l'utilisation massive de pesticides. Or la biodiversité, c'est-à-dire la variété des patrimoines génétiques dans la nature, permet l'apparition de résistances naturelles aux agents infectieux, limitant leur diffusion. Ajoutons que l'explosion démographique, l'augmentation de la densité des villes, l'accélération des échanges et des transports entre les pays participent aussi largement aux risques de transmission.
La volonté de tout gérer
D'autres facteurs contribuent également à accroître les épidémies, comme le réchauffement climatique. Il favorise par exemple la diffusion des moustiques vecteurs de maladies telles la dengue ou le zika à travers le monde. Sans compter l'attitude humaine, qui consiste à vouloir maîtriser le vivant sans le connaître.
« Une histoire symbolique est celle des vautours d'Inde, exterminés dans les années 2000 à cause de l'utilisation massive d'un anti-inflammatoire pour traiter le bétail, illustre Coralie Martin, chercheuse en parasitologie à l'INSERM et au Muséum. Le médicament a entraîné une toxicité chez ces charognards qui dépècent les carcasses. Résultat, plus de vautours mais une explosion du nombre de chiens errants trouvant enfin de quoi se nourrir et avec, une explosion des cas de rage. »
L'Homme pense qu'il peut tout gérer. C'est une utopie et une arrogance. Le vivant est imprévisible et nous surprend à chaque fois
Bruno David, président du Muséum
Une seule santé
Ces crises sanitaires récentes ont eu le mérite de provoquer un déclic. La santé humaine est dépendante de l'environnement. Une réalité que promeut l'OMS depuis 2008 en pilotant le projet « One Health », « une seule santé » en français. Penser à la santé humaine nécessite en effet d'intégrer des données culturelles, sociales, mais aussi écologiques.
La biodiversité c'est un peu comme la Tour Eiffel. Si on enlève un rivet ou une poutrelle, il ne se passe rien. Mais si on continue à en supprimer, la structure se fragilisera et un jour s'effondrera. On aura toujours un tas de ferraille par terre faisant illusion, mais il ne remplira plus ses fonctions. Quelle sera la place de l'Homme si on en arrive là avec notre nature ?
Bruno David, président du Muséum
La menace sanitaire pourrait devenir un signal suffisamment fort pour inciter pouvoirs publics, populations et entreprises à changer les comportements et rétablir un meilleur équilibre entre toutes les espèces vivantes. De son côté, le Muséum diffuse connaissances et messages, organise des Tribunes et publie des Manifestes sur les relations entre l'Homme, les autres animaux et l'environnement, afin d'accélérer la prise de conscience.
Dossier rédigé en octobre 2020 pour le magazine La Girafe n°3
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