Recherche scientifique

L’origine du fer terrestre plus que jamais mysterieuse

Le fer contenu dans le manteau terrestre possède dans le système solaire une signature unique, dont l’origine est encore inconnue.

Une équipe internationale de chercheurs, impliquant Mathieu Roskosz de l’Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie (UPMC/CNRS/IRD/Muséum national d’Histoire naturelle), a montré qu’aucune distribution préférentielle des isotopes du fer n’est observée quelles que soient la pression et la nature de l’alliage de fer, alors qu’il était généralement admis que cette singularité serait liée à la taille de la Terre et à la formation de son noyau métallique. Ces résultats, publiés dans la revue Nature Communications le 20 février 2017, renforcent le mystère autour de l’origine du fer terrestre. 

L'origine et l’évolution précoce de la Terre reste un problème scientifique difficile à aborder. En effet, la Terre étant une planète vivante et active, les témoins minéralogiques et chimiques de cette époque ont été majoritairement effacés par les milliards d'années de son histoire géologique. C’est pourquoi la manière dont la Terre s’est structurée - avec un noyau central, où domine le fer natif, entouré d'un manteau composé essentiellement de roches - reste sujet à d’intenses débats.

La Terre n’est pas le seul corps ainsi structuré dans le système solaire. Mercure, Vénus, Mars, la Lune et de nombreux astéroïdes de la ceinture principale possèdent également un noyau métallique. Pourquoi alors la surface et le manteau terrestres présentent-ils des proportions relatives d’isotopes* du fer différentes de ces autres corps célestes ? Depuis près de 20 ans, cette signature isotopique fait l’objet de plusieurs interprétations. Selon l’hypothèse dominante, la redistribution des isotopes du fer se serait opérée lors de la formation du noyau. Dans ce cadre, c’est la grande taille de la Terre, imposant de très hautes pressions, qui expliquerait la singularité de notre planète par rapport aux autres corps planétaires.

Pour tester cette hypothèse dans les conditions de pression extrême régnant au centre de la Terre, une équipe constituée de chercheurs américains et français (Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie – UMPC / MNHN / CNRS / IRD/) a effectué, pour la première fois, des mesures in situ, en cellule à enclume de diamant, sur des roches et des alliages métalliques à des pressions dépassant 100 GPa. Ils ont utilisé une technique synchrotron (INRXS) qui permet de sonder précisément la manière dont vibrent les atomes de fer dans l’échantillon. C’est à partir de ces vibrations qu’ils ont ensuite pu déduire comment les isotopes se répartissent entre métal et roche.

Le résultat est sans ambiguïté : quelles que soient la pression et la nature de l’alliage de fer, aucune distribution préférentielle des isotopes n’est observée dans les conditions caractéristiques de la formation des noyaux planétaires. La formation des noyaux métalliques n’est donc pas responsable de la signature unique de la Terre. En d’autres termes, les isotopes du fer ne nous renseignent pas sur la formation des noyaux planétaires. La question de l’étrangeté de notre planète au sein du système solaire est plus que jamais posée. La réponse est sans doute à chercher dans l’importante oxygénation de son manteau ou dans la nature même des briques qui l’ont constituée il y a 4,5 milliards d’années. Bien que les scientifiques aient sondé la matière dans ses confins les plus intimes, l’anomalie isotopique de la Terre reste encore aujourd’hui mystérieuse.

* Les atomes de fer peuvent avoir 4 masses différentes en fonction du nombre de neutrons qu’ils contiennent, ce que les scientifiques appellent isotopes.

Cellule à enclume de diamant permettant d’atteindre des pressions régnant au centre de la Terre, installée sur le dispositif de mesure sur le synchrotron APS, Chicago, USA

© S. Merkel - J.-F. Lin

Références

Liu, J. et al. Iron isotopic fractionation between silicate mantle and metallic core at high pressure. Nat. Commun. 8, 14377 doi: 10.1038/ncomms14377 (2017).

Le Muséum national d’Histoire naturelle, le CNRS, l’UPMC et l’IRD sont membres de Sorbonne Universités.