Recherche scientifique

Un fossile du Muséum, précurseur des cétacés actuels, livre ses secrets

Le squelette de Cynthiacetus peruvianus que peuvent admirer les visiteurs de la Galerie de Paléontologie du Muséum est l'un des plus complets au monde. La remarquable conservation et la complétude de ce spécimen ont permis aux chercheurs du Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements (Muséum national d’Histoire naturelle/ CNRS/ UPMC*) d’explorer dans les moindres détails l'anatomie de Cynthiacetus

Cette étude exceptionnelle qui fait l’objet d’un numéro spécial de la revue Geodiversitas a démontré que Cynthiacetus fait bien partie de la famille des Basilosauridés, d’où sont issus les cétacés modernes. 

Le squelette exposé depuis 2014 dans la Galerie de Paléontologie du Muséum est celui d’un cétacé fossile, découvert au Pérou dans un état de conservation exceptionnel. Les chercheurs du Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements (Muséum/CNRS/UPMC*) ont pu l'étudier en profondeur et ont reconstitué son anatomie, son mode de vie et sa place dans la classification.Cynthiacetus peruvianus était un grand cétacé d'environ 9 m de long qui peuplait les eaux pacifiques d'Amérique du sud au milieu de l'ère Tertiaire, il y a environ 35 millions d'années. Il ne ressemblait à aucun de nos cétacés actuels (cachalots, baleines, dauphins…) qui n'existaient pas encore. Il constitue un intermédiaire morphologique et écologique entre les premiers cétacés (environ 50-45 Ma) qui étaient des animaux à quatre pattes, de petite taille, en partie terrestres ou amphibies et les cétacés actuels, eux, totalement aquatiques.

Reconstitution de Cynthiacetus peruvianus

© A. Gennari

Cynthiacetus était lui aussi totalement inféodé au milieu aquatique, mais conservait des membres postérieurs très atrophiés, encore apparents à l'extérieur du corps, mais non fonctionnels. Ils constituent des reliques des membres des premiers cétacés, qui leur permettaient de se déplacer au sol. Ses membres postérieurs très réduits ne lui permettaient plus de retourner sur la terre ferme pour mettre bas, ce que faisaient vraisemblablement les premiers cétacés amphibies. A l'instar des dauphins, cachalots et baleines actuels, il devait donc mettre bas dans l'eau.

Par ailleurs, l’analyse anatomique fonctionnelle de Cynthiacetus peruvianus atteste qu’il était un redoutable prédateur comme en témoignent ses dents impressionnantes. Lors du dégagement du squelette, des os d'un thon de grande taille ont été retrouvés dans la région antérieure de sa cage thoracique. Ces os étaient pour certains encore articulés entre eux, ce qui laisse supposer qu'il ne l’avait pas broyé et l’avait sans doute avalé au moins partiellement.

Au-delà de cette hypothèse, cette découverte indique que Cynthiacetus se nourrissait de proies de grande taille. A l’instar des orques d’aujourd’hui, il s’alimentait sans doute également de manchots qui étaient abondants et très grands (1,5m de haut) dans les mers du pacifique de cette époque. En revanche, Cynthiacetus n'avait vraisemblablement pas de prédateurs car les requins, à cette époque, ne dépassaient pas 4 à 5 m au maximum et étaient donc nettement plus petits que lui.
 
Ce spécimen de plusieurs millions d’années a livré tous ses secrets aux scientifiques ; c’est maintenant au tour des visiteurs de pouvoir l’admirer de près.

Spécimen de Cynthiacetus peruvianus

Spécimen de Cynthiacetus peruvianus exposé dans la Galerie de Paléontologie du Muséum national d’Histoire naturelle

© MNHN - A. Iatzoura

Référence

Note

* Le Muséum national d’Histoire naturelle, le CNRS, l’UPMC sont membres de Sorbonne Universités.