Recherche scientifique

Curiosity aurait trouvé des lambeaux d’une croûte continentale primitive sur Mars

Notre compréhension de l'évolution géologique de Mars s’est étoffée grâce aux données récentes obtenues en orbites, in situ et par l’analyse des météorites. Cependant notre connaissance du magmatisme martien au début de l’histoire de la planète (4.1 à il y a 3.7 milliards) reste parcellaire. Le  site d’atterrissage du robot Curiosity de la NASA,  le cratère de Gale, formé il y 3.61 milliards d'années dans des terrains plus anciens constitue une véritable fenêtre sur le  magmatisme de la planète au tout début de son histoire.

Jusqu’à présent, on voyait Mars comme une planète presque entièrement recouverte de roches basaltiques, des roches sombres qui sur Terre forment le plancher océanique. Mais les parois du cratère Gale, où a atterri Curiosity, contiennent des fragments de roches très anciennes (environ 4 milliards d’années) et plus claires, dont la microsonde laser ChemCam a livré la composition. Des scientifiques français1 et américains ont analysé les images et les données chimiques de 22 de ces fragments rocheux. Verdict : il s’agit de roches légères, riches en feldspaths et parfois en quartz, similaires à la croûte continentale granitique rencontrée sur Terre. Plus précisément, ces reliques de croûte primitive martienne ressemblent beaucoup aux complexes TTG (Tonalite-Trondhjemite-Granodiorite), les roches prépondérantes dans la croûte terrestre à l’ère archéenne (il y a plus  de 2,5 milliards d’années). Il s’agit de la première preuve de l’existence d’une croûte continentale sur Mars2.

Cette découverte a été possible du fait que le cratère de Gale, formé il y 3,61 milliards d'années dans des terrains plus anciens, constitue une véritable fenêtre sur les roches primitives de la planète rouge. Ses parois offrent en effet une coupe géologique naturelle sur 2 à 3 kilomètres d’épaisseur, alors que les spectromètres des sondes en orbite n'analysent que la surface sur quelques dizaines de micromètres (millionièmes de mètres).

Ces travaux ont notamment bénéficié du soutien financier de la NASA (Mars Exploration Program) et du CNES.

Photo prise par Curiosity. Cet échantillon rocheux est dominé par de gros cristaux roses nacrés (des feldspaths), dans lesquels sont inclus des cristaux de quartz plus petits (en gris)

© NASA / JPL-Caltech / MSSS

Référence

In-situ evidence for continental crust on Early Mars, V. Sautter, M. J. Toplis, R. C. Wien, A. Cousin, C. Fabre, O. Gasnault, S. Maurice, O. Forni, J. Lasue, A. Ollila, J. C. Bridges, N. Mangold, S. Le Mouélic, M. Fisk, P.-Y. Meslin, P. Beck, P. Pinet, L. Le Deit, W. Rapin, E. M. Stolper, H. Newsom, D. Dyar, N. Lanza, D. Vaniman, S. Clegg and J. J. Wray. Nature Geoscience , 13 juillet 2015. DOI: 10.1038/ngeo2474

Notes

1. Les laboratoires français impliqués sont :

  • l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (CNRS/UPMC/IRD/MNHN), à Paris
  • l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (CNRS/Université Toulouse III — Paul Sabatier), à Toulouse
  • le laboratoire Géoressources (CNRS/Université de Lorraine/CREGU), à Nancy
  • le Laboratoire de planétologie et géodynamique de Nantes (CNRS/Université de Nantes/Université d’Angers)
  • l’Institut de planétologie et astrophysique de Grenoble (CNRS/UJF)

2. Jusqu’à présent, on ne disposait que d’indices : des roches claires repérées par des sondes en orbite, mais sans information sur leur composition ou leur âge. Ou encore la météorite martienne Black Beauty, contenant des feldspaths âgés de plus de 4 milliards d’années.