Pourrait-on se nourrir uniquement de pilules ?

Dans les divers scénarios envisagés pour « nourrir la planète » (ou, tout du moins, l’humanité qui vit dessus) en 2050, on cite souvent les insectes, les algues, la viande artificielle et les pilules, qui nourrissent déjà les imaginaires… à défaut des estomacs.

Se nourrir de compléments alimentaires, un vieux fantasme

L’idée des pilules ou des tablettes nutritives n’est pas nouvelle, comme en atteste le discours du chimiste Marcellin Berthelot au banquet de la Chambre syndicale des Produits chimiques en 1894 : « On a souvent parlé de l'état futur des sociétés humaines ; je veux, à mon tour, les imaginer, telles qu'elles seront en l'an 2000. […] Nous trouverons la solution économique du plus grand problème peut-être qui relève de la chimie, celui de la fabrication des produits alimentaires.  […] Le jour où l'énergie sera obtenue économiquement, on ne tardera guère à fabriquer des aliments de toutes pièces avec le carbone emprunté à l'acide carbonique, avec l'hydrogène pris à l'eau, avec l'azote et l'oxygène tirés de l'atmosphère. […] Un jour viendra où chacun emportera pour se nourrir sa petite tablette azotée, sa petite motte de matière grasse, son petit morceau de fécule ou de sucre, son petit flacon d'épices aromatiques, accommodés à son goût personnel ; tout cela fabriqué économiquement et en quantités inépuisables par nos usines. […] L'homme gagnera en douceur et en moralité, parce qu'il cessera de vivre par le carnage et la destruction des créatures vivantes. »

Force est de constater que nous n’en sommes pas encore là. Certes, le marché des compléments alimentaires est en plein essor, mais personne n’en fait son repas ; tout au plus un garde–fou pour contrecarrer voire anticiper quelques déséquilibres nutritionnels (réels ou fantasmés).

Bien manger : une habitude qui ne se perd pas

Il se pourrait en fait que l’avenir soit beaucoup plus banal qu’on ne le fantasme ; car si le dérèglement climatique, la pollution, la limitation des ressources naturelles, la chute dramatique de la biodiversité, sont des faits bien réels, qui impactent déjà nos modes de vie et nous poussent à réfléchir sur nos régimes alimentaires d’aujourd’hui et de demain, l’assiette du futur ne sera pas forcément une assiette de rupture. Car l’homme est un animal culturel, et ce qui est bon à manger doit aussi être bon à penser. Et force est de constater que la pilule ne passe pas…

Christophe Lavelle, chercheur au CNRS et au Muséum national d’Histoire naturelle

Alimentation 2.0 : Science-fiction ou réalité ?

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