Pourquoi migre-t-on aujourd’hui ?
Les humains se sont toujours déplacés, mus par une soif d’expériences nouvelles ou… par nécessité. Souvent, les deux raisons coexistent. Particulièrement aujourd’hui, des motivations multiples se combinent, car les causes politiques, économiques, familiales, culturelles ou environnementales, poussant au départ, sont fréquemment liées.
Dans des contextes de crise, il y a un risque d’exposition aux violences, souvent liée à une instabilité politique. Cette dernière entraîne des perturbations économiques, parfois elles-mêmes aggravées par des aléas climatiques. Ainsi, des causes multiples s’entremêlent.
Des causes et des parcours complexes
Si les grands motifs de migration se répètent, leurs circonstances et leurs conditions connaissent des variations. Les personnes en situation de migration peuvent se retrouver obligées de faire des détours et de poursuivre leur route au-delà des destinations initialement visées.
Par exemple, des habitants des régions subsahariennes recherchant un travail dans une région ou un pays voisin sont enlevés ou rackettés en chemin, emprisonnés plus loin, comme c’est le cas le long de la frontière entre le Soudan, le Tchad et la Libye. Une issue reste ensuite de traverser la Méditerranée, quel que soit le risque. Des habitants d’Amérique centrale convergeant vers le Mexique n’ont d’autre choix pour survivre que de rallier les États-Unis. Là encore, au mépris d’autres dangers.
Quelles seront les migrations humaines demain ?
Dans certaines régions, les violences et persécutions liées à des conflits armés non étatiques ou à des réseaux criminels augmentent et sont responsables de trois fois plus de déplacements qu’il y a dix ans.
Des migrations laborieuses et étudiantes encouragées par les marchés
Certains pays encouragent la venue de main-d’œuvre pour répondre à des besoins spécifiques. Le Japon dispose ainsi d’accords avec ses voisins indonésiens et philippins où des agences recrutent des femmes pour s’occuper des enfants et des personnes âgées dans le secteur du soin à la personne (Care). Les mêmes stratégies sont à l’œuvre pour fournir des ouvriers du bâtiment au Qatar ou des ouvriers agricoles en Arabie Saoudite. Le désir de migration naît alors d’une proposition de travail à l’étranger et de l’espérance en une ascension sociale.
La mobilité étudiante internationale est également favorisée dans la plupart des pays. Elle peut être sélective et encadrée par les gouvernements, comme en Europe avec des ententes inter-états, ou via des établissements privés qui facilitent leur installation sur plusieurs années. En 20 ans, le nombre d’étudiants internationaux a doublé dans le monde. Une évolution culturelle qui fait écho à des traditions anciennes.
La transmission de récits d’anciens migrants, celle de réseaux de connaissances -qui offrent de possibles relais tout au long du parcours et un accueil à l’arrivée -, aident à franchir le pas et alimentent l’envie de (re)partir.
La possession d’un pécule et d’un visa, la maîtrise de la langue facilitent ensuite les déplacements mais, quelle que soit sa motivation, le besoin de mouvement touche toutes les classes sociales et toutes les classes d’âge.
Incertitude environnementale
Aujourd’hui, les catastrophes naturelles occasionnent principalement des déménagements ponctuels, au sein de son pays ou de sa région, avant de retourner chez soi.
Mais les conséquences des dégâts d’une crue ou d’une sécheresse peuvent être amplifiées dans des économies fragiles ou des situations politiques instables et pousser les victimes à s’installer hors de leurs frontières. Difficile alors de démêler les causes. C’est pourquoi le statut de réfugié climatique n’a pas encore d’existence officielle.
Aller plus loin
Relecture scientifique
Sylvie Mazzella
Sylvie Mazzella, Directrice de recherche au Centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d'histoire (Mesopolhis, unité CNRS/Aix-Marseille Université/Sciences-Po Aix-en-Provence) et commissaire de l’exposition Migrations, une odyssée humaine au Musée de l’Homme.
