Peut-on produire de quoi se nourrir depuis chez soi ?

L’autoproduction alimentaire domestique consiste, pour un particulier ou une famille, à produire soi-même sa nourriture. Si cette production peut provenir de prélèvements en milieu naturel ou semi naturel (chasse, pêche, cueillette), elle repose pour l’essentiel en France sur l’usage d’une surface jardinée (jardin résidentiel, collectif ou partagé).

La renaissance des potagers

Jusque récemment, l’autoproduction/autoconsommation alimentaire était plus marquée dans les zones rurales que dans les zones urbaines, plus importantes chez les ménages modestes et avait tendance à augmenter avec l’âge des personnes. Environ un tiers des ménages français déclare faire un potager dont la contribution à la consommation est extrêmement variable : depuis un usage saisonnier ponctuel centré sur quelques aliments (plantes aromatiques, tomates cerises, haricots verts par exemple) jusqu’à des potagers de subsistance contribuant significativement à l’approvisionnement alimentaire.

Après une phase de diminution à la fin du XXe siècle, on assiste à un engouement marqué depuis quelques années auprès de populations plus jeunes, plus urbaines et plus aisées. Ce dynamisme se manifeste par exemple par la volonté explicite de valoriser des surfaces urbaines collectives autrefois ignorées pour la production alimentaire : toits, friches, jardin public, etc. Ce qui, d’ailleurs, doit être associé à une vigilance vis-à-vis des pollutions urbaines diverses (sols et atmosphère). Si l’on manque d’études sur le sujet, il semble que les facteurs de motivation soit dans un cadre de perte de confiance dans les systèmes alimentaires contemporains, une volonté de se réapproprier son alimentation, une valorisation sociale de la capacité manuelle et technique à produire des aliments et une recherche d’interaction avec des objets biologiques perçus comme « naturels ».

Une autonomie alimentaire possible

Photo de mains tenant des légumes

Deux personnes tenant des légumes dans un jardin

© yanadjan - stock.adobe.com

En lien avec les enjeux environnementaux, la relocalisation de la production alimentaire et la sensibilité aux théories du « collapse », l’autoproduction/autoconsommation alimentaire est considérée comme une activité centrale dans la recherche d’autonomie vis-à-vis des fournisseurs extérieurs. À l’échelle domestique, et avec quelques années d’expérience, cette autonomie alimentaire paraît tout à fait accessible pour certains aliments à un ménage disposant de surface cultivable (quelques centaines de mètres carrés) et de temps pour s’y consacrer : légumes de saison, pommes de terre, une majorité de fruits (frais et à coque), œufs de poule. Pour lisser dans le temps l’approvisionnement, éviter les périodes de soudure, cela nécessite néanmoins de gérer la saisonnalité (recourir à la culture sous serre, maitriser la culture des légumes d’hiver, mélanger des variétés précoces et tardives, cultiver des variétés de garde, mettre en œuvre des techniques de conservation longue durée, etc.). L’une des difficultés consiste à assurer suffisamment de diversité toute au long de l’année pour maintenir un régime alimentaire nutritionnellement équilibré.

En revanche, sans être impossible, la production de certains aliments parait beaucoup plus difficile d’accès pour des particuliers : culture de céréales et production de farine, culture d’oléagineux et production d’huiles, production et transformation du lait (fromage et beurre). Enfin, toujours dans une logique d’autonomie, notons que la réflexion des jardiniers peut s’étendre aux autres moyens de production habituellement achetés dans le commerce : semences, eau, terreaux, engrais, outils, tuteurs, serres, etc.

Samuel Rebulard, ingénieur agronome, agrégé de sciences de la vie et de la terre, enseignant à l’université Paris-Saclay

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