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Communiqué de presse

La découverte d’insectes fossiles en Chine lève le voile sur une énigme paléontologique

Grâce à la découverte de nouveaux fossiles en Chine, une équipe internationale, dont le paléoentomologiste André Nel du laboratoire « Origine, Structure et Evolution de la Biodiversité » (Muséum national d’Histoire naturelle / CNRS), apporte de nouvelles informations sur les Strashilidae, un groupe d’insectes du Jurassique présent en Chine et en Russie. Ces fossiles ont permis de comprendre la morphologie originale de ces insectes mais aussi de lever le voile sur leur biologie et leur mode de vie, qui avaient fait l’objet de nombreuses spéculations jusqu’alors. Cette découverte est publiée aujourd’hui dans la revue Nature.

La compréhension de l’évolution des insectes est devenue l’un des enjeux de la paléontologie et de la biologie évolutive en général car elle permet de mieux appréhender le fonctionnement actuel de notre planète et d’envisager son avenir. Les insectes du passé ont laissé de nombreux fossiles dont certains n’ont pas encore révélé tous leurs secrets aux scientifiques. D’étranges fossiles, ayant peu de liens avec les organismes actuels, sont retrouvés le plus souvent dans des gisements très anciens datant du Paléozoïque (- 543 à - 250 millions d’années). Mais ils sont parfois retrouvés dans des gisements plus récents datant du Jurassique (- 200 à - 135 millions d’années), parmi eux le groupe des Strashilidae.

Les Strashilidae sont des insectes de taille moyenne mais dont le mâle possède des pattes arrières démesurément élargies et munies d’une grosse épine, des expansions sur l’abdomen ressemblant à des branchies. Ils ne ressemblent à aucun insecte connu dans notre faune actuelle.

Treize nouveaux spécimens de ce groupe (comprenant des individus ailés et des larves ainsi que deux couples de deux espèces différentes) ont été récemment découverts dans le gisement exceptionnel de Daohugou, en Mongolie intérieure chinoise. Ces nouveaux fossiles permettent aujourd’hui de comprendre la morphologie de ces insectes mais aussi leur biologie et leur mode de vie.

L’une des caractéristiques principales de la morphologie de ces insectes réside dans la persistance de branchies à l’état adulte et uniquement chez le mâle (caractère généralement existant seulement l’état de larve chez les insectes). Ce phénomène de rétention, à l’âge adulte, de caractères juvéniles est appelé pédomorphose (ou néoténie). La présence des branchies révèle le mode de vie aquatique et amphibie de ces insectes, ce qui n’avait jamais été suspecté. Les scientifiques supposent également que les pattes des mâles, dont la morphologie est particulièrement remarquable, joueraient un rôle dans l’accouplement pour saisir les femelles et pour éventuellement servir à combattre d’autres mâles (sélection sexuelle).

L’ensemble de ces caractéristiques a permis de montrer que ces insectes sont parmi les premiers Diptères (mouches et moustiques, etc.) à s'être différenciés.

Les fossiles d’insectes du gisement de Daohugou avaient également été mis à l’honneur dans la revue Nature en 2012 avec la découverte des puces de dinosaures par la même équipe. La comparaison de ces vraies puces de dinosaures avec ces mouches a participé à la résolution de l’énigme des Strashilidae car ces derniers avaient été suspectés par erreur d’être des parasites de Ptérosaures, reptiles volants du Mésozoïque.

 

 

Strashila daohugouensis sp. à l'époque du Jurassique moyen de Daohugou, en Chine.  (a) Reconstitution d’un mâle, (b) Reconstitution d’une femelle ayant perdu ses ailes

© H. Diying

Référence

Diying Huang, Andre Nel, Chenyang Cai, Qibin Lin & Michael S. Engel. Amphibious flies and paedomorphism in the Jurassic period Nature, 21 février 2013. doi:10.1038/nature11898

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