Mary Anning, pionnière en paléontologie
Au début du XIXe siècle, la paléontologie est une discipline émergente. Chercheuse de fossiles aguerrie, Mary Anning (1799-1847) est aujourd'hui reconnue pour ses découvertes remarquables. Ces dernières ont permis d’apporter un éclairage sur certains animaux disparus.
Future femme de sciences
Originaire d’une famille britannique très modeste, Mary Anning a appris à fouiller et à nettoyer les fossiles avec son père, collectionneur et amateur. Elle se forme ensuite par ses propres moyens en fouillant, en préparant ses fossiles et en essayant de les déterminer à l’aide de la littérature disponible à son époque. Elle apprend notamment le français pour comprendre les travaux de Georges Cuvier (1769-1832) et étudie les sciences en autodidacte : la biologie et la géologie. Elle s’entretient aussi avec de nombreux scientifiques par correspondance.
Les bénéfices de ses ventes lui permettent de subvenir aux besoins de sa famille et de rembourser leurs dettes.
Jamais, elle ne se serait doutée que ce petit commerce marquerait l’histoire de la paléontologie...
Lyme Regis, la Côte jurassique

Falaises et plages de Lyme Regis au sud-ouest de l'Angleterre
CC-BY-SA-2.0 J. StephenL'histoire de Mary Anning est intimement liée à celle de Lyme Regis, son village de naissance, où elle vécut jusqu’à sa mort en 1847. Situé sur la côte du Dorset en Angleterre, Lyme Regis est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO pour ses falaises jurassiques (datant d’il y a 201,4 à 145 millions d’années). Sur les plages, Mary Anning se forge une expertise remarquable dans la collecte et l’identification de fossiles.
C’est sur ces mêmes plages qu’elle multiplie les découvertes paléontologiques. Les plus extraordinaires ont conduit à la mise au jour d’espèces disparues jusqu’alors inconnues, comme l’ichthyosaure ou le plésiosaure. Quelques années plus tard, l’étude anatomique des fossiles de Mary Anning a permis de mieux comprendre leur mode de vie et de les identifier comme "reptiles marins géants" !
Le Jurassique dans l'histoire de la vie
Chasseuse de fossiles... géants !

Illustration réalisée par Mary Anning du 1er squelette de plésiosaure trouvé complet. Elle le découvrit en 1823 dans le Jurassique inférieur (environ - 200 millions d'années) de Lyme Regis et le prépara elle-même. Cette illustration est tirée d'une correspondance personnelle.
© Domaine publicAutodidacte et persévérante, Mary Anning a relevé de nombreux défis avant d'être reconnue dans la paléontologie – domaine où les femmes, surtout modestes, n’avaient pas leur place. Ses contributions significatives, même spectaculaires, ayant notamment permis de décrire certaines espèces éteintes dont l’existence restait à prouver, l’ont conduite à se démarquer et à participer activement à l’essor de cette discipline.
Au cours de l’année 1811, à l’âge de 12 ans, elle met au jour le 1er squelette fossile d’ichthyosaure Temnodontosaurus platyodon – une espèce de reptile marin éteinte, reconnaissable à ses gros yeux et à sa queue en forme de demi-lune. Elle trouve d’abord avec son frère le crâne, et découvre le reste du squelette (sans la queue) plus tard la même année.
En 1823, elle fait la remarquable découverte du 1er spécimen de plésiosaure, un autre groupe de reptiles marins disparu dont le cou est allongé, le corps est en tonneau, et doté de quatre palettes natatoires. Une découverte qui aura d’abord été contestée par Georges Cuvier !
Le plésiosaure Dolichodeirus du Muséum, exposé dans la Galerie de Paléontologie et d’Anatomie comparée, a été découvert par des marins sur les plages de Lyme Regis. Mary Anning en a fait l’acquisition pour seulement 3 livres avant de le revendre en 1824, au prix de 10 livres à Constant Prévot, un naturaliste voyageur qui travaillait pour Georges Cuvier. Il s’agit du 2e spécimen de plésiosaure trouvé par Mary Anning, soit le 2e le plus complet trouvé au monde !

Dessin d'une partie des restes squelettiques de Temnodontosaurus platyodon, le 1er ichtyosaure trouvé par Mary Anning

Squelette fossile d'ichthyosaure Stenopterygius du Jurassique inférieur (environ 180 millions d'années) au Muséum national d'Histoire naturelle
© MNHN - P. Vincent
Représentation d’un ichthyosaure ayant vécu il y a près de 180 millions d’années, au Toarcien (Jurassique inférieur). Le spécimen représenté appartient au genre Stenopterygius.
© Dottedyeti - stock.adobe.com
Squelette fossile de plésiosaure Dolichodeirus daté de 190 millions d'années (Jurassique inférieur) au Muséum national d’Histoire naturelle. Un spécimen trouvé par Mary Anning.
© MNHN - A. IatzouraFinalement, les trouvailles de Mary Anning ont permis d’apporter des preuves concrètes de l’existence de mondes disparus, bouleversant ainsi les connaissances scientifiques. Aujourd’hui, son héritage est reconnu à l’échelle internationale et son nom est étroitement associé à la découverte de spécimens emblématiques. Sans oublier que, pour les jeunes filles, elle constitue assurément un modèle féminin pouvant susciter de nouvelles vocations en paléontologie !

"Duria Antiquior, or a More Ancient Dorset", aquarelle réalisée en 1830 par le géologue et paléontologue britannique Henry de la Beche (1796-1855) en hommage à Mary Anning et à ses découvertes.
© Domaine publicQuelle place pour les femmes dans la paléontologie au XIXe siècle ?
À l’époque de Mary Anning, les sciences restent un terrain essentiellement masculin mais auquel les femmes contribuent discrètement. Savez-vous que les premières illustrations de dinosaures ont souvent été dessinées de mains féminines ?
Collectionneuses, illustratrices, assistantes, secrétaires... En Angleterre, beaucoup de femmes ont laissé leur empreinte dans l’histoire de la paléontologie. C’est moins le cas pour la France, du fait des contextes historiques (la Révolution française) et socio-économiques différents.
Nombre de ces femmes étaient issues de milieux influents et étaient entourées de connaisseurs, géologues ou paléontologues. Elles étaient ainsi en mesure de participer aux voyages et aux campagnes de fouilles de façon bénévole.
Pour Mary Anning, née d’une famille ouvrière, la collecte de fossiles n’était pas un loisir mais avant tout un gagne-pain dont elle vivait difficilement. C’est d’autant plus à son honneur !
Relecture scientifique

Nathalie Bardet
Paléontologue et directrice de recherche au Muséum national d'Histoire naturelle (Centre de recherche en paléontologie - UMR 7207)

Peggy Vincent
Paléontologue spécialiste des reptiles marins mésozoïques, chargée de recherche au Centre de Recherche en paléontologie - Paris (CR2P, UMR 7207).
Date de publication
Article publié en mai 2024.

