Les solutions envisageables pour réduire les inégalités sociales et environnementales

De la redistribution économique à la reconnaissance des savoirs locaux, en passant par des moyens juridiques, explorons quelques pistes pour obtenir plus de justice environnementale.

La crise environnementale ne touche pas les populations de la même manière. Au contraire, suivant l’endroit où l’on se trouve sur la planète, le niveau de revenus ou encore le mode de vie, elle aggrave des inégalités préexistantes et en créent de nouvelles. C’est pourquoi poser les bons diagnostics sur ces inégalités est indispensable pour mettre en œuvre des stratégies d’action justes et efficaces.

Identifier les inégalités sociales-environnementales

Pollution industrielle

Pollution industrielle

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L’accès aux ressources (eau potable, infrastructures de santé…), l’exposition aux nuisances (pollutions sonore et chimique, paysages dégradés) et aux risques face aux dérèglements globaux diffèrent selon les populations.

Il en va de même pour ce qui est de l’impact des populations sur le climat et l’environnement. En 1992, la Convention climat reconnaît que les pays riches sont davantage responsables du cumul des émissions de gaz à effet de serre que les pays du Sud, qui en subissent pourtant les dommages les plus élevés.
Trente ans plus tard, en 2022, on estime que les 10 % les plus riches de la population mondiale sont à l’origine de près de la moitié des rejets de gaz à effet de serre tandis que les 50 % les plus pauvres en émettent environ 12 %.

Les réponses apportées pour lutter contre les dégradations environnementales engendrent également des inégalités. Elles sont perceptibles aussi bien au niveau de l’accès aux prises de décision concernant la gestion des ressources naturelles ou l’implantation d’industries polluantes, que dans les mesures de protection de l’environnement, comme la taxe carbone ou les écoquartiers, qui bénéficient davantage aux plus aisés.

Des solutions pour lutter contre les inégalités sociales-environnementales

Si les crises de la biodiversité et du climat accroissent les inégalités, ne pas prendre en compte ces dernières ne permettra pas une transition écologique réussie. Il faut donc à la fois lutter contre les inégalités et les dégradations environnementales.

La notion de justice environnementale englobe tous ces aspects à travers une dimension sociale-environnementale qui exige un partage équitable des avantages et des contraintes de l’environnement entre les populations humaines ; et une composante écologique qui vise à rééquilibrer les relations entre les humains et le reste de l’environnement en prenant véritablement en compte les autres vivants.

Atteindre l’équité par la redistribution

La notion d’effort environnemental part du constat que le degré de responsabilité des populations dans la crise environnementale étant plus ou moins important, la contribution des individus et des pays pour réduire les maux environnementaux peut être plus ou moins lourde en proportion des ressources.

C’est ainsi que pour atténuer les inégalités, notre système économique global met le plus souvent l’accent sur la dimension redistributive de la justice environnementale. La promesse d’un fond « pertes et dommages » climatique pour les pays les plus pauvres, mesure adoptée lors de la COP28, en témoigne. Sans parler de l’Accord de Paris qui prône un accroissement des transferts de ressources vers les pays du Sud au titre de l’adaptation au réchauffement. Par ces compensations monétaires, on cherche à atteindre l’équité. Cela ne satisfait pas pour autant un besoin de justice, lequel relève aussi d’une reconnaissance ou de la participation des victimes dans les prises de décisions.

Reconnaître les savoirs locaux

Il existe d’autres visions du monde que celle basée sur la prédominance des humains sur le reste du vivant, des conceptions du monde qui invitent à penser différemment la place de chacun. L’animisme ou le totémisme, par exemple, considèrent les humains comme faisant partie d’un monde peuplé d’entités, vivantes ou non, qui sont liées entre elles.

Indigènes en Colombie

Les Aruhacos, une ethnie indigène en Colombie

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La justice environnementale implique de travailler en lien avec une diversité d’actrices et d’acteurs. En effet, il est nécessaire de prendre en compte la contribution de toutes et tous, en particulier des populations qui sont davantage éloignées de la discussion globale comme les « Peuples Autochtones et Communautés Locales ». Cela passe notamment par une reconnaissance de leurs savoirs.

Le préambule de la Convention sur la diversité biologique (1992) préconisait déjà de mobiliser les savoirs autochtones ou locaux aux côtés des connaissances scientifiques, et ce à l’échelle internationale. Cette démarche a d’ailleurs été adoptée par l’International Plateform for Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES).

Transmis de générations en générations, ces savoirs sont inscrits dans une longue histoire et une relation spécifique à leur environnement. Ils ne sont pas figés dans des textes écrits ce qui leur donne une grande flexibilité et une capacité à s’adapter aux modifications de l’environnement.

De nouvelles méthodes pour préserver la biodiversité

Les ressources et les espaces communs, comme les pâturages, les forêts ou encore les pêcheries, peuvent être collectivement contrôlés et régulés en intégrant de l’équité entre humains et aussi en respectant les autres vivants.

Il est également nécessaire de repenser les méthodes agricoles car le productivisme, appliqué par l’agriculture industrialisée, épuise les sols et la biodiversité environnante. C’est pourquoi l’agroécologie peut être une solution. Ce modèle, basé sur les interactions entre les vivants s’efforce, en effet, de préserver la biodiversité. Il permet aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi que d’augmenter le stockage du CO2 dans les sols. Enfin, il constitue un levier pour le développement et la sécurité alimentaire des pays du Sud. 

Fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande

Fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande

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Des droits pour la nature ?

Ces quinze dernières années, de nombreux États ont également accordé des droits juridiques à des fleuves, glaciers, forêts, parcs et autres ensembles naturels. C’est notamment le cas de la Bolivie qui, en 2010, a fait de la Pachamama (la Terre-Mère) un sujet de droit ; de la Nouvelle-Zélande qui a reconnu la personnalité juridique au Parc national de Te Urewera en 2014 et au fleuve Whanganui en 2017 ; ou encore de l’Inde qui a fait de même pour le Gange, la Yamuna et les ensembles naturels qui les entourent.  

Attribuer une personnalité juridique à un espace naturel revient à dépasser une vision du monde centrée sur l’humain pour penser le vivant sous l’angle d’un écosystème englobant une diversité d’éléments interdépendants.

Ainsi, une solution peut être considérée comme durable lorsque la santé de l’ensemble du vivant et les défis socio-économiques sont traités comme des enjeux interconnectés. Elle est juste lorsqu’une égale attention est accordée au bien-être des humains et des vivants non humains. Elle devient désirable lorsqu’elle répond aux besoins et aspirations des parties prenantes.

Article réalisé en décembre 2023. Remerciements à Frédérique Chlous, anthropologue et directrice du département Homme & Environnement au Muséum national d’Histoire naturelle (UMR 208 - Patrimoines locaux, Environnement et Globalisation), pour sa relecture et sa contribution.

Manifeste du Muséum. Justice environnementale

Manifeste du Muséum. Justice environnementale

Crise environnementale et inégalités sociales se renforcent l’une l’autre, et l’on ne peut lutter contre l’une sans lutter contre l’autre. Ce Manifeste du Muséum replace l'histoire naturelle au cœur de la notion de justice environnementale, un sujet qui prend de plus en plus d’ampleur.

  • Coédition Muséum national d’Histoire naturelle / Reliefs Éditions
  • Novembre 2023
  • Collectif, sous la direction de Guillaume Lecointre, zoologiste, systématicien et professeur du Muséum, et de Frédérique Chlous, anthropologue et professeur du Muséum
  • 96 pages
  • 8,50 €
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