Les mammifères menacés en France

Plus d’une espèce de mammifères sur quatre est en danger d’extinction mondiale. À ce titre, les tigres, les baleines bleues ou encore les pandas roux font régulièrement la Une des magazines. Mais, en France métropolitaine, certains mammifères sont également menacés. Les connaître, c’est le premier pas pour les protéger.

Les espèces en danger

La France métropolitaine n’est pas épargnée par les menaces qui pèsent sur la biodiversité. Et sur son territoire, des mammifères sont menacés, des grands carnivores emblématiques tels l’ours, aux plus petits animaux souvent ignorés comme les chauves-souris.

Les grands carnivores

Le loup, l’ours et le lynx sont sans aucun doute les espèces de mammifères menacées les plus connus dans l’Hexagone. Ils appartiennent au groupe des grands carnivores. De fait, ils sont la source de vives passions. Certains les choient quand d’autres les vouent aux gémonies. Le loup gris est classé Vulnérable dans la Liste rouge de France métropolitaine ; l’ours brun, En danger critique ; et le lynx boréal, En danger.

Vison d'Europe

Le vison d’Europe (Mustela lutreola) est le mammifère dont les enjeux de conservation sont les plus forts en France métropolitaine car une grande part de la population mondiale vit sur ce territoire.

 

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Ces victimes méconnues

Les projecteurs médiatiques se braquent moins souvent sur d’autres mammifères également menacés. C’est pourtant le cas du vison d’Europe. Ce dernier est classé En danger critique dans la Liste rouge en France comme au niveau mondial. La noctule commune, une espèce de chauve-souris, est estimée En danger, comme le bouquetin ibérique. Le lièvre variable - surnommé « Monsieur Blanchot », car sa robe grise devient blanche durant l’hiver – ou encore la chauve-souris pipistrelle sont quant à eux considérés comme quasi menacés.

Le campagnole terrestre (Arvicola amphibius)

Le campagnole terrestre (Arvicola amphibius)

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Une qualité de « nuisibles » qui leur nuit

Il est des mammifères qui ne sont pas en danger immédiat mais qui risquent de le devenir dans les prochaines années s’ils ne sont pas protégés. Ce sont les espèces qualifiées à tort de « nuisible ». De par ce statut, leur chasse ou leur piégeage sont autorisés dans certains départements de France. C’est le cas du blaireau d’Europe, classé en Préoccupation mineure dans la Liste rouge, du campagnol terrestre et du putois d’Europe, tous deux quasi menacés.

Les alertes rouges de l’IUCN

La Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN ou IUCN en anglais), répertorie le niveau de menace qui pèse sur des espèces et sous-espèces végétales et animales du monde. Une Liste rouge spécifique détaille les statuts des espèces présentes en France. Elle est élaborée par un large réseau d’experts dont ceux du Muséum national d’Histoire naturelle. Le classement comporte neuf catégories, listées ici par niveau de gravité décroissant : Éteinte au niveau mondial, Éteinte à l’état sauvage, Disparue d’un territoire, En danger critique, En danger, Vulnérable, Quasi menacé, Préoccupation mineure, Données insuffisantes et Non évalué. Ce classement permet de prioriser les actions à mener pour la préservation des espèces.

Ce qui menace les mammifères

Les causes qui mettent en danger les mammifères dans l’Hexagone varient selon les espèces et sont multiples. La plupart est cependant le fait de l’humain, à commencer par la chasse et le braconnage.

Chasse fatale

Pour certaines espèces, l’une des toutes premières causes de leur mise en danger est la chasse. Cette pratique a causé la disparition momentanée du Loup et du Lynx en France. Elle est parfois encore autorisée exceptionnellement sur ces espèces réintroduites mais de façon très encadrée (en cas de dommage importants dans les élevages, par exemple). La chasse est souvent autorisée pour le blaireau, la martre, la belette, le putois… espèces classées « nuisible » bien que fragilisées. La chasse illégale, c’est-à-dire le braconnage, compromet également la survie de certains animaux, notamment les grands carnivores comme les ours et les lynx.

Chasse et braconnage sont par exemple en grande partie responsables de la raréfaction puis de la disparition du bouquetin endémique des Pyrénées. C'est aussi le cas de l’ours des Pyrénées, une espèce éteinte depuis que sa dernière représentante, l’ourse Cannelle, a été abattue par un chasseur en 2004.

Ourse Cannelle

L'ourse Cannelle (1989-2004) naturalisée et exposée au Muséum de Toulouse.

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Perte d’habitat

Lorsque leur habitat est fortement impacté ou détruit, la survie d’une espèce est menacée. C’est ce que subit le lynx dont les zones dans lesquelles il peut prospérer ont été détruites par la déforestation ou fragmentées par la construction d’une autoroute. La destruction des zones humides est, quant à elle, préjudiciable au vison d’Europe. La noctule commune (une chauve-souris) se retrouve sans abris suite à l’abattage d’arbres morts ou le comblement des fissures et autres cavités présentes dans les bâtiments.

Une autre cause de la perte d’habitat est évidemment le changement climatique qui modifie les conditions de vie des animaux (zones humides asséchées, par exemple) ainsi que la disponibilité de leur nourriture qui peut se raréfier. Des espèces comme le lièvre variable subissent les conséquences de ces modifications.

Lynx

Le trafic routier est la principale menace qui pèse sur les lynx. 58% des lynx retrouvés morts ont été victimes de collisions.

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Les nombreux impacts des activités humaines

Les nombreuses activités humaines ont des impacts, parfois indirects, parfois involontaires, sur les populations des espèces menacées. Ours, putois ou blaireau d’Europe sont ainsi victimes de collisions avec des véhicules routiers.

Et les collisions ne sont malheureusement pas que terrestres. Les chauves-souris en font l’amère expérience avec les pales des éoliennes qui leur causent également des barotraumatismes. Ce phénomène d’écart fatal entre la pression dans le corps de l’animal et celle de l’air autour des pales est encore plus meurtrier que les collisions.

Enfin, les pesticides n’ont pas uniquement raison des « mauvaises » plantes et des « ravageurs ». Par contre-coup, la disparition de ces organismes est synonyme de raréfaction de la nourriture pour les mammifères insectivores. Ces derniers peuvent aussi être indirectement intoxiqués par l’accumulation des pesticides dans l’environnement et dans leurs proies.

Trop peu nombreux

Lorsque les espèces voient leur nombre d’individus se réduire drastiquement, c’est la double peine. Un affaiblissement des populations met l’espèce en danger car le moindre évènement, comme une petite modification de leur environnement, pourrait les amener à disparaître.

La réduction des effectifs génère également des problèmes de reproduction qui sont aggravés par le morcellement des habitats : des groupes de population se retrouvent isolés, séparés par des routes ou des constructions, sans plus d’échanges possibles entre eux. La faible variabilité génétique rend le système immunitaire des espèces plus fragiles. Cette mécanique fatale frappe l’ours, le lynx, le vison… toutes les espèces fortement menacées.

Protégeons les mammifères !

Pour ne pas voir disparaître ces mammifères, des solutions existent. Certaines nécessitent des aménagements simples, d’autres des stratégies de long terme et des remises en question des activités humaines.

Halte au braconnage

La première menace qui pèse sur les mammifères est le braconnage. La lutte doit être renforcée contre cette chasse illégale des espèces protégées, comme l’ours et le loup. Pour ce dernier, l’abattage aléatoire est parfois autorisé quand des troupeaux sont attaqués. Une solution alternative consiste à aider les éleveurs à renforcer la protection de leurs animaux. Et pour ce qui est des animaux classés « nuisibles » pouvant donc être abattus légalement, une réflexion serait à mener sur les fondements de ce statut pour certaines espèces.

Préserver les habitats

Les mammifères vivent dans des conditions particulières qu’il faut préserver, notamment de la pollution. Le cachalot, classé Vulnérable, souffre de celle du milieu marin, par exemple, qu’elle soit sonore, lumineuse  ou chimique.

Quand les espaces vivriers sont fragmentés par des routes et des rails, des aménagements doivent permettre aux animaux de circuler en sécurité à l’aide de passages à faune, des voies de franchissement spécialement aménagées. Et lorsque les habitats ne peuvent être préservés, comme ceux de la chauve-souris noctule commune, des gîtes de substitution, des « nichoirs », peuvent être installés dans les territoires concernés.

Il faut protéger ou gérer de manière plus raisonnée les habitats forestiers pour les lynx, voire restaurer ou créer des zones humides pour les visons d’Europe. Des études d’impact sur les habitats de la faune doivent être menées lors de la construction d’ouvrages.

Patrick Haffner, spécialiste des mammifères au Muséum national d’Histoire naturelle.

Bouquetin ibérique (Capra pyrenaica)

Alors qu'il avait entièrement disparu en France au début du XXe siècle, le bouquetin ibérique a été réintroduit dans les Pyrénées dès 2014.

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Renforcement et réintroduction

Les risques liés à la faiblesse du nombre d’individus peuvent être contrecarrés par des mesures de renforcement de population, en introduisant des individus en provenance d’autres régions. Il peut aussi s’agir d’animaux d’élevage (le vison d’Europe, par exemple) ou issus de programmes de conservation des zoos dont celui du Muséum. Le renforcement contribue à augmenter la diversité génétique et à assurer la pérennité de l’espèce.

Il est également possible de procéder à la réintroduction d’animaux dans un lieu ou l’espèce avait disparue comme ce fut le cas des ours bruns dans les Pyrénées.

Dans tous les cas, ces programmes réclament l’adhésion des populations humaines. Ils nécessitent un accompagnement suivi, incluant parfois des aides financières supplémentaires.

Lutter contre les préjugés

Certains animaux sont souvent victimes de préjugés négatifs. C’est notamment le cas des mammifères considérés comme « nuisibles ». Le campagnol terrestre (classé Quasi-menacé) pâtit par exemple de cette mauvaise réputation. Certes, lorsqu’il pullule, ce peut-être au détriment d’autres espèces. Mais il constitue un maillon d’une longue chaîne alimentaire. L’un de ses prédateurs est ainsi le renard roux, lui aussi classé comme nuisible, alors même qu’il permet de réguler les populations de petits rongeurs. Pour éviter des évictions inutiles, il est important de connaître et faire connaître la réalité des modes vies de ces espèces et leur rôle dans la biodiversité où chaque acteur contribue à l’équilibre global.

Dossier rédigé en juillet 2023. Remerciements à Patrick Haffner, Responsable de la cellule Médiation Publication Enseignement, de l’unité PatriNat, Référent Mammifères.

Notes de bas de page