Les joyaux de Marie-Louise

Explorons la collection des joyaux de l’Impératrice Marie-Louise, la seconde épouse de Napoléon, dont le Muséum présente des pièces merveilleuses : un diamant en « portrait » d’une eau limpide, et dix-neuf topazes roses du Brésil.

Fonds de l’ancien trésor

Quand Napoléon arrive au pouvoir, les joyaux de l’État n’ont pas été portés depuis 1792. Il ne tarde pas à renouer avec la tradition monarchique, et se montre particulièrement généreux avec Joséphine qui raffole des bijoux. La première impératrice disposera d’une large partie des joyaux jusqu’à leur divorce. Parmi les pierres historiques de la collection, on retrouve plusieurs diamants issus de l’ancien trésor, le « De Guise », le « Fleur de Pêcher », un diamant rose à 5 pans, renommé « Diamant Hortensia », et divers diamants du cardinal Mazarin auxquels s’ajoutent des pièces saisies aux nobles émigrés et au Roi de Sardaigne. Sans oublier le Régent que Napoléon fait enchâsser dans son épée de sacre en 1803.

La grande parure de diamants

En avril 1810, Napoléon épouse en seconde noce Marie-Louise, fille de l’Empereur d’Autriche et petite nièce de Marie-Antoinette. Pour elle, il commande aussitôt quatre parures au joaillier François Regnault Nitot, qu’il verse au Trésor en janvier 1811. Les trois premières, une parure de perles, une grande parure de rubis d’Orient et diamants, et une parure en turquoises et diamants, sont montées avec de nouvelles acquisitions. La quatrième est une impressionnante parure de diamants qui regroupe un flot de gemmes acquises pour l’occasion, et des joyaux de l’ancien trésor. Sur le diadème, on retrouve le « Fleur de Pêcher », le « Grand Mazarin » et le « huitième Mazarin » au milieu d’une montagne de 1514 diamants estimée à 830 carats. Le « De Guise » trône au centre du collier.

Le Diamant-portrait

Diamant-portrait de Marie-Louise d’Autriche

Diamant-portrait de Marie-Louise d’Autriche

© MNHN - F. Farges

La parure comprend aussi un peigne, une ceinture, et deux diamants plats montés en « portraits » sur des bracelets sertis de brillants. C’est la plus grosse de ces deux pierres que le Muséum reçoit en dépôt en 1887, un diamant de plus de 9 carats d’une eau très pure. Dans son anthologie des « Joyaux de la Couronne », Bernard Morel décrit le bijou dont « la base était polie à plat et la table supérieure parallèle » reprenait « presque toute la surface de la pierre ». Le portrait, « une toute petite miniature qu’on voyait par transparence », était placé sous le diamant. Il fallait donc qu’il soit parfaitement limpide pour laisser voir l’image qu’on lui confiait. Un tableau de Joseph-Boniface Franque semble montrer le bracelet au poignet de l’Impératrice « veillant sur le sommeil du roi de Rome », mais la précision du motif ne permet pas de savoir s’il s’agit d’une image de l’Empereur ou de leur fils.

La parure de topazes roses

Grande Parure de Topazes roses de l’Impératrice Marie-Louise - Peinture de P. Guérin d’après Gérard

Grande Parure de Topazes roses de l’Impératrice Marie-Louise - Peinture de P. Guérin d’après Gérard

© RMN - Grand Palais - G. Blot

Napoléon fera aussi don de nombreux bijoux personnels à Marie-Louise. Parmi ces gemmes, la parure de topazes roses est peut-être le signe le plus intense de la passion de l’Empereur pour sa jeune femme. On peut voir l’Impératrice avec son magnifique collier en « Rubis du Brésil » taillés en coussins baroques dans un tableau de Gérard. Cette variété de topaze est devenue extrêmement rare à l’état naturel. Nous savons qu’elles sont originaires d’Ouro-Prêto dans la région de Belo Horizonte et qu’elles proviennent d’un excédent de pierres non montées, séparé en deux lots qui ont été léguées au Muséum et à l’École des Mines en 1887. Nous les réunissons pour la première fois dans l’exposition « Trésors de la Terre » grâce au prêt généreux de Mines ParisTech. En 1814, les historiens ont estimé que l’« écrin personnel » de Marie-Louise avait une valeur de plus de 2 millions de francs-or. Contrairement aux Joyaux, ces gemmes non versées au Trésor, resteront sa propriété après l’abdication.

Fuite et restitution

Le 29 mars 1814, la France est envahie par les armées coalisées. Marie-Louise quitte Paris pour Rambouillet avec l’Aiglon. Bernard Morel raconte que l’Impératrice aurait insisté pour porter tous les bijoux sur elle de crainte que ses bagages ne soient attaqués par des bandits. Ne pouvant cacher l’épée de sacre où était incrusté le « Régent », elle aurait demandé à la faire couper pour ne garder que la précieuse poignée. Précaution inutile. Le 3 avril, Napoléon est déchu du trône, et le 6, la Constitution rétablit la monarchie des Bourbons. Dans une missive, il commande à sa femme de rendre les joyaux de la couronne emportés dans sa fuite. Elle s’exécute. Napoléon ne sait pas encore que Marie-Louise ne le rejoindra jamais sur l’Île d’Elbe. De retour dans le giron autrichien, l’Impératrice en débâcle reçoit la souveraineté de Parme et Plaisance, et y finira sa vie.

Épilogue

La fascination qu’exercent les Joyaux de la Couronne ne s’est pas éteinte avec la fin de l’Empire. De nombreuses pièces, dispersées pendant la grande vente de 1887, continuent d’être âprement recherchées par les collectionneurs. Par exemple, « La Fleur de Groseillier », une broche sertie de diamants issue d’une parure de l’Impératrice Eugénie a été adjugée 2 millions de dollars dans une vente aux enchères organisée par Christie’s. Une somme prodigieuse qu’on pourra éclairer par la lecture du « Soutra du Diamant », un texte essentiel du bouddhisme mahāyāna où s’exprime pour la première fois la nature paradoxale de ces fabuleux morceaux de carbone dont la contemplation illumine les sages et éblouit les fous.

Ce dossier a été rédigé en 2014. Tous nos remerciements à François Farges, Professeur et ancien chargé de conservation des collections de minéralogie au Muséum national d’Histoire naturelle, pour son aide précieuse pendant l’écriture de ce dossier.

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