Les espèces invasives en 5 questions

Le rapport de l'IPBES sur les espèces exotiques envahissantes sorti en septembre 2023 montre le lien étroit entre perte de biodiversité et espèces invasives. Retour sur l'état des connaissances en cinq questions.

En 2019, l’IPBES, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, publiait son rapport d’évaluation mondiale, qui soulignait le rôle direct que jouent les espèces exotiques envahissantes (EEE) dans la perte de la biodiversité mondiale.

Face à ce constat inquiétant, les gouvernements chargeaient l’IPBES d’évaluer les connaissances sur les espèces exotiques envahissantes, afin d’être éclairés sur les meilleurs leviers d’action contre cette menace croissante.

Le 4 septembre 2023, après plus de quatre ans de développement par 86 experts de 49 pays qui ont analysé plus de 13 000 documents, paraît le "rapport d'évaluation sur les espèces exotiques envahissantes et leur contrôle" de l’IPBES, l’évaluation la plus complète jamais réalisée sur les espèces invasives dans le monde.

Retour sur cinq questions soulevées par ce rapport ambitieux.

Qu’est-ce qu’une espèce exotique envahissante ?

Les espèces exotiques sont des espèces animales ou végétales ou des microbes qui ont été introduits par les humains, volontairement ou accidentellement, dans un autre territoire que leur aire d’origine.

Lorsque ces espèces exotiques s’adaptent facilement à leur nouveau territoire et y prolifèrent rapidement, menaçant l’équilibre de l’environnement et/ou la survie des espèces locales, on les qualifie d’espèces exotiques envahissantes, aussi appelées "espèces invasives".

10 % des espèces exotiques sont envahissantes !

Attention, toutes les espèces exotiques ne sont pas envahissantes ! Au cours des migrations de populations humaines, de nombreuses espèces exotiques ont été introduites dans d’autres territoires, comme le lilas en France, sans croître suffisamment pour menacer l’équilibre de leur nouvel environnement.

L’IPBES estime que sur les 37 000 espèces exotiques recensées dans le monde, seules 3 500 sont invasives. Cependant, ces 10 % suffisent à causer des dégâts majeurs à la biodiversité, aux contributions de la nature aux peuples et à la bonne qualité de vie.

Qu'est-ce qui cause l'apparition d'espèces invasives ?

Depuis des millénaires, les populations humaines transportent avec elles diverses espèces exotiques de végétaux et d’animaux.

Certains animaux exotiques sont introduits de manière volontaire, pour faire commerce de leur fourrure, comme animaux de compagnie ou pour éradiquer d’autres espèces considérées comme "nuisibles", tandis que les végétaux peuvent être choisis pour leurs qualités ornementales, leur résistance aux maladies ou leur fort rendement.

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Quelle différence entre espèces invasives et espèces nuisibles ?

Les espèces nuisibles, aussi appelées "espèces susceptibles d'occasionner des dégâts" ou anciennement "vermine", sont des espèces qui nuiraient à la santé publique et/ou au bon déroulement de certaines activités humaines, comme l’agriculture.

Certaines espèces considérées comme nuisibles sont également des espèces exotiques envahissantes en France : c'est le cas du ragondin, du vison d'Amérique ou encore du raton laveur. D’autres peuvent être des espèces locales dont les activités sont jugées nuisibles, comme le renard, la corneille et la belette.

La notion d’espèce nuisible fait débat. Si certaines espèces cataloguées comme nuisibles présentent un risque pour les écosystèmes dont elles font partie, d’autres jouent un rôle indispensable dans la biodiversité locale.

D'autres espèces exotiques sont introduites de manière involontaire. Parfois, certaines espèces importées sont accompagnées d'espèces plus nuisibles : des insectes et vers invasifs ont voyagé dans des caisses de plantes exotiques, par exemple.

Le développement des moyens de transport a favorisé le déplacement de certaines espèces invasives dans de nouveaux territoires. C’est le cas du moustique tigre, ou de certaines espèces exotiques marines, arrivées sur nos côtes accrochées aux coques de bateaux de plaisance.

Une fois arrivées sur un nouveau territoire, les espèces invasives s’installent soit dans des niches écologiques1 vides, soit dans des niches créées par l'humain. Elles peuvent remplacer les espèces locales proches et même provoquer leur extinction.

Le principal facteur de l'établissement des espèces exotiques envahissantes est la destruction des habitats, mais les autres facteurs de perte de biodiversité (changement climatique, pollution…) renforcent le phénomène.

  • 1Position occupée par un organisme, une population ou une espèce dans un écosystème

Quelles répercussions ont les espèces invasives sur l’environnement ?

Le rapport de l’IPBES sur les espèces invasives montre clairement que les espèces exotiques envahissantes sont l'un des cinq principaux facteurs directs de perte de biodiversité à l'échelle mondiale, avec la pollution, le changement climatique, l'exploitation directe des organismes et le changement d’utilisation des terres et des océans.

Les scientifiques estiment que les espèces exotiques envahissantes ont contribué à 60 % des extinctions mondiales, et ont été le seul facteur d’extinction dans 16 % des cas.

Les espèces invasives impactent les espèces indigènes en modifiant leurs écosystèmes, en faisant de la concurrence aux autres espèces pour l’accès aux ressources ou encore par la prédation.

Un redoutable champignon

Batrachochytrium dendrobatidis, un champignon originaire d’Asie, parasite la peau des amphibiens en empêchant leur respiration jusqu’à la mort.

Ce champignon redoutable est responsable de l’extinction et de la diminution du nombre d’individus de plus de 200 espèces d’amphibiens, faisant de ce groupe d’animaux l’un des plus menacés au monde.

Pourquoi sommes-nous tous concernés par les espèces exotiques envahissantes ?

Les espèces exotiques menacent l’équilibre et la résilience de notre environnement, notre patrimoine biologique local et mondial, nos ressources alimentaires ou encore les savoirs ancestraux et la survie des communautés autochtones.

Les espèces invasives ont également des répercussions financières majeures à l’échelle de la planète. On estime que le coût des invasions biologiques s’élève à plus de 423 milliards de dollars par an.

Ce serait une erreur extrêmement coûteuse que de considérer les invasions biologiques comme le problème de quelqu'un d'autre.

Professeur Aníbal Pauchard, co-président du rapport d'évaluation sur les espèces exotiques envahissantes de l’IPBES

L’objectif principal du rapport sur les espèces exotiques envahissantes de l’IPBES est de fournir des clés aux décideurs.

Les États sont au cœur de la lutte contre la propagation des espèces invasives. Grâce à la mise en place de législations internationales, ils peuvent éviter durablement et efficacement l'introduction d'espèces exotiques envahissantes, ainsi que contrôler voire éradiquer les populations qui sont déjà présentes sur les territoires.

Mais pour les scientifiques qui ont travaillé sur le rapport de l'IPBES, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes doit être l’affaire de tout le monde, dans tous les secteurs et à toutes les échelles : citoyen·nes, employé·es, industries, personnalités et organismes politiques…

Comment agir au quotidien contre les espèces invasives ?

Il existe une multitude de bons gestes faciles à adopter, pour agir au quotidien contre la propagation des espèces exotiques envahissantes :

  1. Apprendre à reconnaître les espèces exotiques envahissantes de sa région ;
  2. Au jardin, vérifier régulièrement que des espèces invasives ne se développent pas, éliminer celles déjà présentes (les herbes de la pampa, les arbres à papillons ou les griffes de sorcières, par exemple) et acheter des plantes d’origine locale en fonction de sa région ;
  3. Ne pas jeter ses résidus végétaux dans la nature, mais en déchetterie ;
  4. Ne pas ramener d’espèces végétales ou animales de ses voyages ;
  5. Ne pas abandonner ses animaux de compagnie dans la nature ;
  6. Vérifier et nettoyer minutieusement son équipement de randonnée, sport, voyage, pêche ou chasse ;
  7. Signaler les observations d’espèces invasives, dont la présence de nids de frelons asiatiques, sur l’application mobile INPN Espèces ;
  8. Continuer à se renseigner et à diffuser les connaissances sur les espèces exotiques envahissantes aux autres citoyens et aux décideurs.

Article rédigé en septembre 2023. Remerciements à Roseli Pellens, ingénieure de recherche en macroécologie au Muséum national d’Histoire naturelle (UMR 7205 Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité) et spécialiste des espèces exotiques envahissantes, pour sa relecture et sa contribution.

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