Le corps humain, terrain de toute une biodiversité !

Le corps humain est un véritable immeuble où logent toutes sortes de résidents permanents ou de passage à différents étages. Peau, cheveux, bouche et intestins sont occupés par une grande diversité d’organismes. Visibles à l’œil nu ou seulement au microscope, certains sont des squatteurs indélicats quand d’autres prennent soin des lieux. Visite guidée.

Ils nous parasitent

Notre corps fait l’objet de toutes les convoitises, en raison de la richesse de ses ressources et de la multitude d’habitats qu’il comporte. Cependant, il attire certains organismes indésirables qui se servent de notre peau, de notre sang, de nos intestins pour se nourrir, se développer, se reproduire, se propager… sans contrepartie. Pire, ils laissent souvent de vilaines traces de leurs passages, voire des maladies. Ce sont des parasites !

Photo d'un moustique sur une feuille

Moustique

© achkin - stock.adobe.com

Des bestioles sur et dans notre corps

Poux, puces, punaises, tiques, moustiques… Voilà une cohorte de parasites qui tourmentent nos jours comme nos nuits. Beaucoup nous piquent pour extraire les quelques gouttes de sang dont ils ont besoin pour se nourrir ou pour leur progéniture. C’est le cas de la femelle moustique qui puise dans nos veines les protéines nécessaires au développement de ses œufs.

Si ces parasites sont visibles à l’œil nu sur notre peau, d’autres sont minuscules et se font très discrets en s’introduisant à l’intérieur de notre corps. Ainsi des acariens se glissent à la base des poils dans les follicules pileux, des vers, protozoaires ou virus s’installent dans nos organes.

Des visiteurs indélicats 

L’intrusion de ces parasites dans ou sur notre corps peut provoquer des gênes telles que boutons ou démangeaisons mais aussi causer des infections et provoquer des maladies.

Le sarcopte, par exemple, est un acarien qui colonise notre peau en créant des sillons et d’autres lésions. Il est à l’origine de la gale, maladie très contagieuse. Les tiques, qui sont également des acariens, véhiculent parfois des bactéries du genre Borrelia qui cause la maladie de Lyme, dont les symptômes vont de la rougeur de la peau autour de la piqûre jusqu’à des perturbations neurologiques, cardiaques ou articulaires sévères.

Qui es-tu, microbe ?

Le terme « microbe » ne désigne pas une espèce en particulier. Issu du grec, il signifie « petite vie » (micro pour petit, bios pour vie) et il est synonyme de micro-organisme. Il est souvent accusé de tous les maux. Et pour cause, le mot a été inventé à la fin du XIXème siècle par un chirurgien militaire pour nommer les êtres vivants visibles uniquement au microscope et provoquant des maladies. Dans le langage courant, le microbe désigne aujourd’hui tous les organismes microscopiques : virus, bactéries, archées, champignons microscopiques, protozoaires, nématodes…

Ils nous protègent

Si notre corps peut être visité par des organismes indélicats, voire vecteurs de maladie, il héberge également des micro-organismes bienveillants. Certains sont de véritables alliés qui nous sont précieux.

Microbiotes - Muséum national d’Histoire naturelle

Microbiotes - Muséum national d’Histoire naturelle

© MNHN - J.-P. Lopez

Notre corps est une mosaïque de microbiotes. Un microbiote est une communauté de micro-organismes installées sur nous et en nous durablement. Il est peuplé essentiellement de bactéries, mais comporte aussi des virus, des archées et des levures. Le plus abondant et le plus diversifié est le microbiote intestinal. Mais on distingue aussi un microbiote buccal interconnecté à celui de l’estomac ou des poumons, une multitude de microbiotes cutanés, même un spécifique du front. Le microbiote vaginal joue aussi un rôle très important pour le bébé à la naissance.

Contrairement aux parasites qui ne vivent qu’à nos dépens, les microbiotes ont une relation symbiotique avec nous en temps normal. C’est-à-dire que nous nous rendons des services mutuels. Comme chez de nombreuses espèces, cette symbiose est même obligatoire. Autant dire que nous ne pouvons pas vivre sans eux.

Des alliés pour notre santé

Nos microbiotes remplissent plusieurs rôles qui les rendent indispensables. Celui de notre peau fait office de bouclier. La diversité microbienne qu’il abrite nous protège de nombreux germes pathogènes. Le staphylocoque de l’épiderme, par exemple, nous défend contre son cousin, le staphylocoque doré. Si celui-ci prolifère, nous risquons l’apparition de furoncles et d’infections cutanées.

Le microbiote intestinal joue un rôle prépondérant dans la digestion en assurant la fermentation des éléments non digestibles, en produisant des enzymes pour assimiler des nutriments, en synthétisant certaines vitamines, etc. Certaines bactéries renforcent la barrière intestinale, d’autres produisent des protéines anti-inflammatoires. Ou encore, les Bifidobacterium, des bifidobactéries du colon, libèrent des molécules à partir des fibres non digérées, qui nourrissent d’autres bactéries indispensables à la régénération de la paroi intestinale.

Attention, un déséquilibre (ou dysbiose) peut être à l’origine de multiples troubles. On a constaté aussi que les malades atteints de Parkinson, de sclérose en plaques, d’Alzheimer et même d’autisme avaient un microbiote intestinal différent de celui des personnes en bonne santé.

Bactéries, les maîtres du monde

On a calculé qu’il y aurait sur la planète entre 4 et 6 mille milliards de milliards de milliards de bactéries et d’archées. C’est de loin la forme de vie la plus répandue sur Terre. Concernant le nombre d’espèces de microbes, c’est pire : on ne sait pas. Les estimations vont de quelques dizaines de millions à 1 000 milliards ! Or, on peut en cultiver seulement quelques milliers. C’est dire combien ce monde est méconnu. La plupart des espèces identifiées mesurent en moyenne 1 micromètre (1 µm = 1 millième de millimètre) mais une équipe menée par des chercheurs de l’Université des Antilles, liés au Muséum, a décrit en 2022 une espèce bactérienne filamenteuse de la mangrove guadeloupéenne du genre Thiomargarita qui mesure en moyenne 1 cm, donc visible à l’œil nu !

SELON LES CALCULS, LE CORPS D’UN HOMME ÂGÉ DE 20 A 30 ANS, MESURANT 1,70 m ET PESANT 70 KG, COMPORTERAIT 30 MILLE MILLIARDS DE CELLULES HUMAINES ET 38 MILLE MILLIARDS DE BACTÉRIES. LE CORPS SERAIT DONC AUTANT HUMAIN QUE BACTÉRIEN.

Chassez les uns, choyez les autres

Notre corps héberge une communauté d’organismes non humains très hétéroclite. Pour rester en bonne santé, il est nécessaire d’agir contre les parasites et les pathogènes, et de favoriser ceux qui prennent soin de nous.

Tique vue de face au microscope

Tique Ixodes ricinus

© MNHN - T. Maillet

La meilleure façon de ne pas être colonisé par des parasites est encore de les éviter. Essayez de tenir à distance les intrus qui nous infestent par contact (poux, puces, tiques). Protégez-vous des moustiques, par exemple, grâce à des moustiquaires, des répulsifs et les vêtements amples qui couvrent le maximum du corps.

Pour éviter les parasites qui contaminent les boissons ou les aliments, tels la bactérie Escherichia coli ou le ténia, un ver dont les œufs peuvent infester la viande de porc mais aussi de bœuf, il est nécessaire que l’eau soit potable, que les règles vétérinaires soient suivies rigoureusement et que la chaîne du froid soit respectée. Dans les pays industrialisés, c’est en principe le cas. Si vous voyagez ailleurs, il est recommandé de ne boire que de l’eau en bouteille et de bien cuire la viande.

Si la prévention n’a pas suffi, que des parasites vous ont infesté ou infecté, il faut en appeler aux traitements curatifs. Nettoyage du lieu de vie et des tissus et traitements médicamenteux.

Bichonnez vos microbiotes

L’équilibre de chaque microbiote doit être maintenu. Pour celui de la bouche, par exemple, qui nous protège des caries et des abcès, cela passe par une bonne hygiène bucco-dentaire, une alimentation diversifiée et mastiquer suffisamment pour favoriser la salivation.

Votre microbiote intestinal vous remerciera (par ses bienfaits) si vous lui donnez une alimentation variée, avec notamment des fruits et des légumes riches en fibres. Vous pouvez également lui apporter de nouveaux micro-organismes en les ingérant ! C’est ce que l’on appelle des probiotiques. Ce sont des levures ou des bactéries introduits dans les produits alimentaires fermentés : yaourt, fromage, choucroute crue, kéfir, etc. Les probiotiques peuvent être aussi administrés en gélules pour compenser la réduction du nombre de bactéries bénéfiques due par exemple à la prise d’antibiotiques et éviter le développement de celles néfastes qui leur résiste comme Clostridium difficile.

« LES ANIMAUX DE COMPAGNIE CONTRIBUENT AU DÉVELOPPEMENT DE NOTRE SYSTEME IMMUNITAIRE. C’EST TRÈS IMPORTANT AU COURS DU DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT. PAR EXEMPLE, LE CONTACT AVEC LE MICROBIOTE D’UN CHIEN RÉDUIT LES RISQUES D’ASTHME. »

Laurent Palka, microbiologiste Maître de conférences du Muséum national d’Histoire naturelle

Tout désinfecter, une bonne idée ?

Lorsque nous faisons le ménage, nous voulons que tout soit bien propre, bien net. Toutefois, l’abus de désinfectants peut être contreproductif. Comme avec les antibiotiques, le risque est de tuer les micro-organismes bénéfiques qui nous protègent.

Par ailleurs, l’utilisation massive de nettoyants antiseptiques est source de pollution et sitôt le désinfectant dissipé, les micro-organismes recolonisent les lieux. Un nettoyage avec un bon détergent suffit pour enlever la saleté chez soi. De même, l’utilisation systématique du gel hydroalcoolique, une habitude héritée de la période de Covid-19, dégrade le microbiote de la peau qui nous protège. Il faut donc l’utiliser avec parcimonie.

De nouveaux intrus

Des parasites migrent d’une région géographique à l’autre, notamment à cause du réchauffement climatique. Par exemple, depuis quelques années, le phlébotome, une mouche qui ressemble au moustique et dont la femelle se nourrit aussi de sang, remonte de l’Afrique du Nord et la Méditerranée vers le nord de la France. Problème, il est souvent porteur d’un protozoaire du genre Leishmania, qui cause la leishmaniose, une affection cutanée ou viscérale. Cette maladie émergente touche chaque année de 700 000 à 1 million de personnes dans le monde.

Dossier rédigé en février 2023. Remerciements à Laurent Palka, microbiologiste, Maître de conférences du Muséum national d’Histoire naturelle. 

    Découvrez Nos dossiers

    Prélèvement de corail (Caulastrea echinulata) pour une étude génétique
    Nous ne sommes pas seuls dans notre corps... Voilà le constat qui a amené les biologistes à concevoir les êtres vivants comme des holobiontes.
    Face au changement climatique, pourquoi est-il urgent de préserver les milieux polaires ?
    Depuis plusieurs dizaines d'années, les cyanobactéries prolifèrent en raison de facteurs anthropiques. Qui sont les cyanobactéries ? Quelles sont les causes de leurs proliférations et comment les maîtriser ?