La désertification progresse-t-elle ?
Les déserts s’étendent sur un tiers des terres émergées de notre planète. Constitués de roches et de sable, de neige ou de glace, ils sont arides et il y règne des températures extrêmes. Une part de ces milieux hostiles s’étend en raison des activités humaines. Changeons nos pratiques pour lutter contre la désertification, voire reconquérir ces terres désolées !
Qu'est-ce qu'un désert ?

Désert de l'Atacama (Chili)
© M. Dufranc - stock.adobe.comDans notre imaginaire, le désert est bien souvent représenté par une étendue interminable de dunes de sable où règne une chaleur suffocante. La Terre abrite en réalité bien d’autres paysages désertiques.
Un désert n’est pas forcément chaud
Il existe cinq types de déserts. Le plus grand désert chaud est le Sahara, situé au nord de l’Afrique. Il appartient à la famille des déserts zonaux, comme le Chihuahua au nord du Mexique. Les journées y sont très chaudes, a contrario des déserts polaires que sont l’Arctique et l’Antarctique, où sévissent des températures très basses.
Les déserts continentaux, qui se trouvent surtout en Asie et en Amérique du Nord, ont des températures élevées en été et basses en hiver. Près des montagnes, comme sur le plateau tibétain et la sierra Nevada en Espagne, ce sont les déserts d’abri. Quant à l’Atacama au Chili, c'est un désert littoral. Ce type de désert est situé sur les côtes et le brouillard y est fréquent.
Le point commun à tous ces déserts ? Leur aridité.
Qu’est-ce qu’un désert ?
Aridification et désertification : quelle différence ?
Si le point commun aux déserts est leur aridité, il ne faut pas confondre le processus d’aridification et celui de désertification.
L'aridification résulte d’un changement climatique. Elle se déroule sur une période durant laquelle un climat tempéré se transforme en semi-aride ou un climat semi-aride devient aride. Ce processus est du soit à une baisse des précipitations, soit à une augmentation de l’évaporation, soit des deux cumulés.
La désertification est un changement de l’état des sols et du milieu dont l’origine peut être une aridification. Mais ce n’est qu’un des facteurs.
Les causes de la désertification
La désertification est le résultat d’un cocktail de facteurs, dont le changement climatique. Néanmoins, la plupart des autres causes sont liées aux activités humaines.
Les activités humaines : principales responsables de la désertification
La désertification est la dégradation des sols, souvent concomitantes de la réduction du couvert végétal. Dans la plupart des cas, elle est liée à des activités industrielles ou agricoles. Une relation de causes à effets bien identifiée dans des régions où l’agriculture mécanisée a remplacé des cultures traditionnelles où, pour faciliter le passage des tracteurs, les arbres et les haies ont été arrachés, alors qu'ils jouaient un rôle de rempart aux vents dans les zones sèches. Sans protection et avec un labours plus profond, les sols fertiles subissent une érosion plus importante sur une plus grande épaisseur.
Un autre exemple est celui lié au bétail. Si l’on augmente la taille des troupeaux de ruminants sur des territoires fragiles ou qu’ils broutent trop longtemps au même endroit, les pâturage s’épuisent. Le couvert végétal se dégrade alors de manière durable, laissant les sols à nu soumis à une plus forte érosion. Le processus de désertification s’enclenche.
Autour de la mer d’Aral en Asie centrale, c’est le détournement des cours d’eau en 1960 vers les plantations de coton de l’ex-URSS qui ont généré la désertification de vastes régions alentours. En seulement dix ans, la mer d’Aral avait perdu 9/10e de sa superficie. Autrefois quatrième plus grand lac du monde avec 67 000 km², elle n’occupe plus que 8 000 km² environ aujourd’hui.
La désertification peut toucher de nouvelles régions en raison du changement climatique dû aux activités humaines.
Maël Crépy, chercheur au CNRS, spécialiste en géographie, géomorphologie et géoarchéologie des milieux désertiques

Assèchement de la mer d'Aral entre 1989 (à gauche) et 2014 (à droite)
© NASALes déserts « avancent-ils » ?
La désertification progresse, tout du moins dans les déserts chauds. Les déserts polaires, eux, régressent en raison de la fonte des glaces due au changement climatique. Au cours des trois dernières décennies, « les terres arides se sont étendues sur environ 4,3 millions de km², une surface un tiers plus grande que l’Inde », indique un rapport de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD).
Toutefois, il ne faut pas voir cette progression seulement comme des avancées des déserts existants, c’est-à-dire une désertification de leurs territoires limitrophes, comme c’est le cas au Sahel, en bordure du Sahara.
Cela peut se produire en dehors des déserts, dans des zones climatiquement sèche, arides ou semi-arides, voire de climat méditerranéen, dans des zones soumises aux activités agricoles et à l’artificialisation des sols. C’est déjà le cas dans certaines régions du Portugal (Alentejo) ou d’Espagne (Almeria, Murcie, Alicante), mais ce phénomène menace aussi le sud de la France et l’Italie. Sur ces territoires, le climat est en effet déjà propice à l’érosion des sols dépourvus de couvert végétal.
Une aide parfois contre-productive
Les changements de pratiques agricoles contribuent à la désertification de nombreux territoires. Parfois, ces modifications ont résulté d’initiatives louables. Dans le Sahel, dans les années 1980, des puits ont été creusés dans des zones encore exploitables pour aider les populations victimes de famines dues à une succession d’épisodes de sécheresse.
Ces nouveaux points d’eau, essentiels à la survie à court terme, ont alors concentré à plus long terme les troupeaux et les cultures engendrant une nouvelle pression qui a déstabilisé des terres fragiles et incapables de supporter cette surexploitation, entraînant leur désertification.
Lutter contre la désertification, c'est possible ?

Représentation schématique du processus d'évapotranspiration
© Salsero35La désertification impacte les territoires touchés à tous les niveaux, de la vie des sols jusqu’au climat, en passant par la biodiversité et les conditions de vie des populations humaines de ces régions. Et lorsque le processus est enclenché, il est difficile de revenir en arrière. Les solutions s’évaluent à très longs termes.
Un impact sur le climat
La désertification peut avoir un impact sur le climat local, voire régional.
Avec la disparition de la végétation et la modification des sols, le premier effet est l’augmentation de l’albédo, c’est-à-dire la réflectance du rayonnement solaire par le sol. Cela change les conditions de température de l’air et donc sa circulation, entraînant une réduction des pluies.
Le second effet réside dans la suppression de l’évapotranspiration, qui est le renvoi de l’eau dans l’atmosphère par les plantes (qui ont aussi un rôle dans la conservation de l’eau proche de la surface du sol). Davantage d’évapotranspiration signifie moins d’humidité dans l’air et, au final, moins de précipitations. Le climat devient de plus en plus sec, ce qui peut amplifier la désertification.

Fennec (Vulpes zerda)
© Adobe Stock - Hagit BerkovichLa biodiversité en danger
La modification du milieu de vie affecte la biodiversité. Les espèces qui vivent dans les marges désertiques ont en effet besoin de plus d’eau et de sols plus riches que celles déjà habituées au désert. Et la vie microbienne n’est pas épargnée. Les conditions en marge des déserts sont d’autant plus difficiles pour la faune et la flore qu’ils sont en concurrence avec les êtres humains et leurs activités agricoles.
Seules les espèces spécifiques aux conditions désertiques « profitent » de ces changements, à savoir les fennecs, gerboises, certains insectes ou encore des reptiles comme les agames.
Des conséquences majeures sur les sociétés humaines
Les populations humaines qui vivaient de l’agriculture dans les marges désertiques voient leurs récoltes diminuer, provoquant des famines ou des crises économiques et un exode rural important.
Des groupes nomades se sédentarisent autour des derniers points d’eau, avec l’effet amplificateur que leurs cultures et bétails provoquent. Les populations acculées se réfugient sur des territoires voisins, ce qui crée des enjeux/problématiques de propriétés foncières et engendre des conflits.
La désertification, un phénomène difficilement réversible
Les processus de désertification s’auto-entretiennent. Ils sont difficilement réversibles, mais des solution existent pour les freiner.
Il faut une prise de conscience du problème [de la désertification] et des efforts massifs et collectifs pour le stopper.
Maël Crépy, chercheur au CNRS, spécialiste en géographie, géomorphologie et géoarchéologie des milieux désertiques
Un pas a été franchi avec la signature de la Convention des Nations Unies de lutte contre la désertification en 1996. Et en décembre 2024, la COP16 sur la désertification a réuni 196 pays à Ryad (Arabie saoudite). Malheureusement, cette prise de conscience internationale n’a encore débouché sur aucune action collective.
La reconquête de l’ouest
En 2021, l’Égypte s’est lancée dans un vaste programme de reconquête du désert, à l’ouest du delta du Nil. Ce projet intitulé « New Delta » vise à transformer plus de 9 200 km² de désert en terres agricoles. Pour irriguer cette région, le pays construit une rivière artificielle d’une centaine de kilomètres et tout un réseau de canaux, de stations de pompage. L’eau acheminée serait issue du recyclage des eaux usées des villes.
Des solutions à très long terme
Dans son guide "Devenir la #GénérationRestauration", l’ONU détaille sept façons de restaurer les terres, d’enrayer la désertification et de lutter contre la sécheresse : rendre l’agriculture durable, sauver les sols, protéger les pollinisateurs, restaurer les écosystèmes d’eau douce, renouveler les zones côtières, réintroduire la nature dans les villes et générer des financements pour la restauration.
Parmi les solutions, il y a notamment la réintroduction de la végétation suffisamment longtemps pour que les sols se reforment. C’est un effort de très longue haleine, sur plusieurs dizaines de génération. Des programmes sont lancés un peu partout dans le monde, comme au Sahel où plusieurs pays ont replanté des haies et des arbres pour limiter les effets du vent. L’idée est de créer une grande barrière verte. Mais pour la maintenir et qu’elle s’implante durablement, il va falloir l’arroser et l’entretenir pendant des dizaines d’années. C’est au prix de ce type d’efforts que la désertification peut être contrecarrée.
Relecture scientifique

Maël Crépy
Géographe, géomorphologue et géoarchéologue au CNRS (HiSoMA)

Nouvelle exposition "Déserts"
Nouvelle exposition "Déserts"
Des étendues désertiques aux paysages glaciaires des pôles, explorez les milieux les plus extrêmes de notre planète et découvrez comment s'y adapte le vivant.
Du 2 avril au 30 novembre 2025

