L'Humain pourrait-il devenir totalement imberbe ?

Une bonne partie de l’espèce humaine est déjà imberbe ! Certaines populations sont en effet totalement dénuées de pilosité. Et pour que l’Homme devienne totalement imberbe, il faudrait simplement que les poilus ne laissent plus de descendance !

Une grande partie de la population est imberbe

Les enfants et la majeure partie des individus de sexe féminin le sont : cela fait déjà une bonne partie de l'espèce. Et si l'on inclut les individus de sexe mâle, on peut dire qu'une grande partie de l'espèce est déjà totalement imberbe à l’heure qu’il est ! C’est quelque chose que l'on ignore la plupart du temps : bien des populations sur la planète n’ont « naturellement » pas de poils apparents.

Parmi certaines populations amérindiennes, inuit, asiatiques et africaines, hommes et femmes ne manifestent pas de différences de pilosité ! L’idée que le poil est un trait masculin de l’espèce est un européocentrisme bien préoccupant ! N'oublions pas que l’espèce humaine est née en Afrique. En fait, il y a de fortes chances que l’espèce soit, à l’origine, imberbe comme le pensait Darwin - et non poilue, comme nos représentations des hommes préhistoriques veulent le laisser croire.

Le genre, à l'origine d'un dimorphisme sexuel

Bûcheron dans la fôret

Bûcheron en forêt

© Volodymyr - stock.adobe.com

Pour les populations humaines où existe aujourd’hui un « dimorphisme pileux », comme on dit en biologie, l’hypothèse d’une sélection naturelle du poil par rapport aux latitudes froides est peu crédible, car les femmes devraient alors être aussi velues que les hommes ! Reste une hypothèse de sélection sociale : c’était l’idée de Darwin. Des variations génétiques exprimées seulement chez les individus de sexe mâle ont très bien pu apparaître dans des populations imberbes et être sélectionnées par des pressions sociales.

Le genre est un dispositif qui impose une différenciation sociale artificielle sur la base du sexe. La présence de poil corporel et facial a pu être érigé en marqueur biologique permettant de différencier les hommes des femmes et devenir un critère majeur dans le choix de partenaire et donc dans le « succès reproducteur » des hommes poilus. C’est une hypothèse somme toute réaliste pour expliquer l'existence des populations à mâles poilus.

Les pratiques esthétiques permettent de contrer les effets d'une telle sélection, mais les poilus continueront de donner naissance à des poilus ! Pour que tous les hommes (et les femmes) d'Europe perdent leurs poils et « redeviennent » imberbes, il faut envisager un processus évolutif en sens inverse : les poilus ne devraient pas laisser de descendance !

Article rédigé en 2015. Priscille Touraille, Chargée de Recherche au Muséum d’histoire naturelle (UMR 7206, Éco-anthropologie)

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