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Ce que la génétique nous apprend sur le mode de vie des gorilles de l'Ouest : paternités extra-groupe et des migrations différentes entre les mâles et les femelles

De nombreuses études scientifiques visent à caractériser comment et pourquoi les animaux migrent dans l'espace, notamment ce qui les amène à décider de quitter leur groupe de naissance et à choisir un groupe d'accueil en particulier.

Les groupes des gorilles de l'Ouest (Gorilla gorilla) sont représentés par un seul mâle (le dos argenté), plusieurs femelles et leur progéniture. Mâles et femelles quittent obligatoirement leur groupe natal avant de se reproduire. Les études précédentes ont suggéré que, lors de cette dispersion, les femelles se déplacent préférentiellement vers des groupes contenant des femelles avec qui elles sont apparentées, afin de coopérer avec elles. Mais ces études sont fondées sur des gorilles non-habitués à la présence d'observateurs humains, ce qui limite leur portée. Elles fournissent par ailleurs peu d'indications sur la dispersion des mâles.

Cette étude est la première à examiner la dispersion des mâles et des femelles chez cette espèce en utilisant à la fois des données génétiques et l'observation directe du comportement de groupes habitués à la présence d'observateurs. En ce qui concerne les femelles, l'étude montre que celles-ci ne sont pas spécialement apparentées au sein des groupes. Il n'y a donc pas de phénomènes d'alliance de femelles apparentées comme suggéré par les études précédentes. Par ailleurs, les femelles se dispersent préférentiellement vers les groupes voisins. À l'inverse, les mâles semblent se disperser sur des distances plus grandes. Cette différence s'explique probablement par le fait que les femelles gorilles ne peuvent survivre qu'en groupe, alors que les males peuvent passer une grande partie de leur vie en solitaire dans l'attente de former leur propre groupe. Ce processus de dispersion contrastée est souvent observé chez les espèces où un seul mâle se reproduit avec plusieurs femelles.

Par ailleurs, il était important de savoir si le mâle de chaque groupe était bien le père de tous les jeunes présents dans le groupe, comme on le suppose toujours chez cette espèce. Pour la première fois, l'étude montre la présence de cas de paternité extra-groupe : deux jeunes gorilles ne sont probablement pas les descendants du dos argenté de leur groupe. Ce résultat est inattendu chez une espèce ayant un seul mâle reproducteur. Les résultats de génétique des populations reposant sur des données uniques issues de plusieurs groupes habitués de gorilles de l'Ouest sauvages montre comment des techniques non invasives peuvent fournir des informations précieuses sur la socio-écologie d'une espèce en voie de disparition et très proche de la nôtre.

Gorille

© MNHN - S. Masi

Références

Shelly Masi1*, Frédéric Austerlitz1*, Chloé Chabaud1,2, Sophie Lafosse1, Nina Marchi1, Myriam Georges1, Françoise Dessarps-Freichey1, Silvia Miglietta1, Andrea Sotto-Mayor1, Aurore San Galli1, Ellen Meulman1, Emmanuelle Pouydebat3, Sabrina Krief1, Angelique Todd4, Terence Fuh4, Thomas Breuer5, Laure Ségurel1

 


1 UMR 7206 Eco-anthropologie, MNHN/CNRS, Université de Paris, Musée de l'Homme, F-75116 Paris
2 Department of Biology, Ecole normale supérieure, PSL University Paris, F-75005, Paris, France
3 UMR 7179 MECADEV CNRS/MNHN, Département Adaptations du Vivant, 55 rue Buffon, Paris, France
4 Dzanga-Sangha Protected Areas, WWF, BP 1053 Bangui, Central African Republic
5 Wildlife Conservation Society, Global Conservation Program, Bronx, NY 10460, USA
* S. Masi et F. Austerlitz co-premiers auteurs

Notes de bas de page