Les forêts luxuriantes du Carbonifère

Le Carbonifère succède au Dévonien, il y a 359 millions d'années. Après l'apparition dès le Dévonien des premiers arbres et des forêts, le Carbonifère est le terrain d'une grande diversification des milieux tropicaux forestiers, notamment peuplés de nombreux insectes et amphibiens. C'est à cette période que les premiers amniotes – ancêtres des mammifères, oiseaux et reptiles – adoptent un mode de vie terrestre.

Les grandes masses continentales situées dans l'hémisphère Sud se rapprochent de celles situées en région tropicale et dans l'hémisphère nord

La collision entre les continents Gondwana et Laurasia entraîne la formation de nombreux massifs montagneux en zone équatoriale. Cette zone géographique correspond aux actuelles Amérique du Nord, Europe et Asie.

© paleobiodb.org

Le Carbonifère est marqué par le regroupement des masses continentales en un nouveau supercontinent : la Pangée.

Il est le résultat de la collision de plusieurs blocs dont le Gondwana au sud et ce qui sera la Laurasia au nord. Cette collision entraine la formation d’une immense chaîne de montagnes, la chaîne hercynienne, ou chaîne varisque, traversant la Pangée d’est en ouest. La formation d’une chaîne de montagnes est appelée une orogénèse.

On retrouve aujourd’hui les racines de cette chaîne de montagnes dans l’Oural, les Ardennes, le Massif central, les Vosges, le Massif armoricain, ainsi que le Hartz en Allemagne. La chaîne de montagnes des Appalaches, à l'est de l’actuelle Amérique du Nord, voit également le jour à cette période.

Le nord de la Pangée, incluant ces massifs, se trouve alors au niveau des tropiques, où le climat est propice au développement de milieux humides foisonnant de vie.

Les milieux humides au Carbonifère

Aujourd’hui 40 % des espèces végétales et animales continentales sont directement dépendantes des zones humides pour vivre ou se reproduire, mais au début du Carbonifère c’est la quasi-totalité des espèces qui étaient entièrement dépendantes de ces milieux, appelés marais carbonifères.

Ces environnements chauds et humides, situés en zone tropicale, sont très favorables à la végétation. Des forêts pluviales très diversifiées se développent dans les milieux suivants1 :

  • bords de mer et deltas, où les zones humides bénéficient de l’influence de la mer et d’espèces marines ;
  • berges de rivières et de fleuves ainsi que  leurs environs et leurs anciens lits ;
  • vallées de lacs situés en montagne et autour de ces reliefs nouvellement formés.
  • 1Jean Galtier, 2005, La végétation des bassins houilliers au Carbonifère, La Garance Voyageuse n°71, p. 24-29.
Paysage présentant des insectes volants et une flore très différente d'aujourd'hui

La faune et la flore du bassin de Montceau-les-Mines, dans le massif central, reconstituées dans l’expérience en réalité virtuelle Mondes Disparus.

© MNHN - Excurio

La France au Carbonifère se situe sous l’équateur. Le climat y est tropical humide. De grandes forêts marécageuses vont se développer et accueillir une faune très diversifiée. 

Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais se situait en bord de mer au Carbonifère. La Lorraine était alors une grande plaine située au pied d’un massif montagneux. Dans le Massif central, de grandes zones humides se développent autour de lacs de montagne comme dans le bassin de Montceau-les-Mines.

Dessin de chimère fossile

Iniopera est une chimère du Carbonifère qui attrapait ses proies par succion.

© MNHN - S. Fernandez

La vie dans les océans du Carbonifère

Si une partie importante de l’histoire de la vie hors de l’eau se déroule, au Carbonifère, dans ces zones humides, la diversification de la vie se poursuit bien sûr également en milieu océanique et marin. Suite à la disparition des superprédateurs du Dévonien – les placodermesun véritable essor a lieu chez les chondrichtyens (requins, raies et chimères) et les actinoptérygiens (ou « poissons à nageoire rayonnée ») ; cela malgré la présence d’autres prédateurs tels que les ammonoïdes (parents lointains des ammonites).

Le Carbonifère dans l'histoire de la vie

Ma = Millions d’années
2311
Hadéen
Archéen
Protérozoïque
Paléozoïque
Cambrien
Ordovicien
Extinction
Ordovicien-Silurien
Silurien
Dévonien
Extinction
du Dévonien
Carbonifère
Permien
Extinction
Permien-Trias
Mésozoïque
Trias
Extinction
Trias-Jurassique
Jurassique
Crétacé
Extinction
Crétacé-Paléogène
Cénozoïque
Paléogène
Néogène
Quaternaire

L'exploitation minière du charbon du Carbonifère

Sous les bâtiments des mines, un ascenseur permet de rejoindre plusieurs filons horizontaux situés à des profondeurs différentes

Représentation d'une mine de charbon, permettant d'accéder à plusieurs gisements fossiles. Ces gisements sont les restes sédimentaires d'anciennes forêts du Carbonifère. Les différentes couches de charbon sont séparées par des dépôts d'origine non végétale.

CC0 Georges Colomb

Au cours des soixante millions d’années que dure le Carbonifère, les forêts connaissent de nombreux cycles de développement et de recul liés à des épisodes réguliers de subsidence (affaissement) qui entraînent la montée des eaux. Les forêts marécageuses vont ainsi disparaitre périodiquement et laisser derrière elles des sols très riches en matière organique, qui donneront dans certains cas du charbon.

En effet, en cas d'enfouissement rapide et en absence de micro-organismes capables de dégrader cette importante quantité de matière organique, celle-ci va se transformer en roche sédimentaire dite « carbonée », appelée charbon (ou charbon minéral).

Ainsi vont être formées les importantes réserves de charbon (aussi appelé houille) d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie. L'exploitation minière du charbon permet l’essor économique et industriel de ces régions dès le début du XIXe siècle. Les connaissances en géologie facilitent la découverte de nouveaux gisements de charbon, alors que l’activité minière intense met au jour de nombreux fossiles datant du Carbonifère, permettant une très bonne connaissance de la faune et de la flore de cette époque.

Une flore unique

Grâce à l'étude des fossiles végétaux, nous savons que les premières forêts prospéraient déjà à la fin du Dévonien. C’est à cette période, précédant le Carbonifère, que sont apparus les premières feuilles, les systèmes racinaires, la reproduction grâce aux ovules ainsi que les premiers arbres. C’est à partir de cet héritage que les forêts du Carbonifère se développent et se diversifient.

Les forêts du Carbonifère sont très différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. La majorité des arbres se reproduisent au moyen de spores libérées dans le milieu, comme les fougères actuelles, et prospèrent préférentiellement dans des milieux humides. D'autres plantes au Carbonifère se reproduisent au moyen d’ovules et de grains de pollen, un type de reproduction qui leur permet de pousser en périphérie des environnements les plus humides. Les plantes à graines existent déjà, notamment des conifères, mais sont très minoritaires jusqu'à la fin du Carbonifère. Les plantes à fleurs (ou angiospermes), quant à elles, se diversifieront plus de 150 millions d’années plus tard, au début du Crétacé.

Les forêts du Carbonifère sont dominées par les lycophytes, dont les représentants actuels sont de petite taille alors qu'au Carbonifère il s'agissait de grands arbres tels que les lépidodendrons et les sigillaires. Ces arbres avaient une croissance très rapide, en à peine 10 ans ils pouvaient atteindre 20 à 40 mètres.

Des plantes plus basses sont également fréquentes dans ces forêts : des fougères dont les formes arborescentes du genre Psaronius ; les Calamites, ancêtres des prêles actuelles ; les Cordaites, proches des conifères ; et les Medullosa, proches des cycas actuels.

Voici quelques exemples d’arbres qui peuplent ces forêts il y a plus de 300 millions d’années :

La partie foliaire des psaronius ressemble aux fougères actuelles, notamment aux fougères arborescentes telles que Dicksonia antarctica. Des racines partent de son faux-tronc en direction du sol.

Les Psaronius sont des fougères arborescentes, pouvant mesurer plus de cinq mètres de haut. Ce sont des Filicophytes, groupe auquel appartiennent les fougères actuelles. Elles possèdent un faux-tronc appelé « stipe » qui n’est pas constitué de bois. De nombreuses racines adventives descendent le long de ce stipe.

© Excurio - Guillaume Duflos
Les coupe de fossiles de troncs de Psaronius présentent de nombreux tâches sur la moitié externe

Le nom Psaronius, qui en plus de désigner la plante entière, désigne également le stipe (ou « faux-tronc ») fossilisé vient du grec signifiant « étourneau », en référence aux motifs de celui-ci, ressemblant au plumage de ces oiseaux. Les fossiles de feuilles de Psaronius ont été nommés Pecopteris.  

© MNHN
Les calamites présentent des aspects très différents en fonction de leur âge. L’arbre plus âgé ressemble à un conifère, alors que plus jeune il pouvait avoir l’aspect d’un bambou ou encore d’un petit buisson.

Les calamites sont un groupe d’arbres aujourd’hui disparu, proches des prêles actuelles. Leurs branches et feuilles s’organisent en groupes sur des étages successifs appelés verticilles. Les tiges se poursuivent au niveau du sol formant de très gros rhizomes. Ils peuvent mesurer jusqu'à 10 mètres et sont très fréquents dans les marais du Carbonifère, au milieu d’arbres de plusieurs fois leur taille  .

© Excurio - Guillaume Duflos
Les lépidodendrons sont de grands arbres du Carbonifère possédant des feuilles uniquement à leur sommet

Les lépidodendrons sont des lycophytes, un groupe de plantes vasculaires représentées aujourd’hui uniquement par des espèces de petites taille se développant principalement dans des milieux humides. Au Carbonifère, ils peuvent mesurer jusque 40 mètres de haut. Ils bénéficient d’un ancrage au sol très important grâce à un système d’axes souterrains très développés appelés Stigmaria.

© Excurio - Guillaume Duflos
Les fossiles de troncs de Lepidodendrons présentent des cicatrices de forme losange.

Fossile de tronc de lépidodendron. Ces arbres perdent leurs feuilles dans la partie basale au fur et à mesure de leur croissance. La chute de celles-ci  laisse sur leurs troncs des cicatrices en forme de losange,  caractéristique des lépidodendrons.

© MNHN
Les sigillaires sont des arbres très en hauteur, apparus au Dévonien, avant le Carbonifère. Ils portaient de longues feuilles très fines à leur sommet ainsi que des grappes d’ovules ressemblant à des cônes de conifères.

Les sigillaires, du genre Sigillaria, font partie du groupe des lycophytes tout comme les lépidodendrons et peuvent mesurer jusque trente mètres de hauteur. Ce sont des arbres qui se ramifient très tard et peu de fois (1 à 2 fois), ce qui leur donne une allure caractéristique assez étrange. Sur leurs troncs, on peut noter la présence comme chez les lépidodendrons de cicatrices, qui sont cette fois de forme ronde ou hexagonale.  

© Excurio - Guillaume Duflos
Les cordaïtes : de grands arbres avec des feuilles en longueur distribuées en épis. Une forme arbustive de la même plante existe également.

Les Cordaites constituent un groupe d’arbres aujourd'hui éteint, proche de celui des conifères. Leurs feuilles sont très longues, de plusieurs dizaines de centimètres de long jusqu’à 1 mètre, pour quelques centimètres de large. La morphologie des Cordaites varie en fonction du milieu : les formes arbustives les plus petites sont en général retrouvées en milieu marécageux, les formes plus grandes en milieu plus sec.

© Excurio - Guillaume Duflos
Les feuilles des sphenophyllums sont regroupées par 6 autour de la tige, il ne s’agit pas d’arbres mais de petites plantes poussant au raz sol.

Le genre Sphenophyllum est proche des calamites mais comprend néanmoins uniquement des petites plantes rampantes. Elles se développant en couvre-sol ou en s’appuyant sur les troncs des arbres des forêts du Carbonifère.

© Excurio - Guillaume Duflos
Sur les fossiles de Sphenophyllum, les feuilles sont groupées par 5 sur un même noeud de la tige

Ce spécimen, découvert par Adolphe Brongniart en 1825, à Saarbrücke, montre les feuilles d’un Sphenophyllum emarginatum. Ses feuilles sont regroupées en verticilles, c’est-à-dire que plus de deux feuilles, six en l’occurrence, poussent sur un même nœud de la tige.

© MNHN
Les walchias sont de grands conifères au feuillage dense et possédant de petites feuilles en forme de griffe de chat, comme les feuilles des araucarias actuels

Les Walchia sont un groupe éteint de conifères. Ils ne portent pas d‘aiguilles mais de petites feuilles en forme de griffe de chat, comme certains araucarias actuels. Ils font partie des premiers conifères, apparus à la fin du Carbonifère.

© Excurio - Guillaume Duflos

Des forêts peuplées de blattes et de criquets

Les forêts pluviales sont très propices à la diversification des espèces animales. Au début du Carbonifère, peu d'amphibiens, et aucun reptile ou mammifère ne peuplent ces forêts. Cela permet notamment aux insectes de s'y développer.

Femelle de Ctenoptilus frequens insérant des œufs dans le sol de la forêt à l’aide de son ovipositeur allongé

Ctenoptilus frequens est un insecte omnivore du Carbonifère. Il est proche des orthoptères actuels (criquets, grillons et sauterelles).

© X. Zuo & eLife

Les faunes d’insectes et d’autres arthropodes du Carbonifère sont principalement connues par des fossiles datant de 299 à 325 millions d’années, soit la seconde moitié de cette période, appelée le Carbonifère supérieur. La première moitié a fourni très peu de fossiles d’insectes : c’est ce qu’on appelle la lacune des hexapodes.

On sait cependant que cette période a été très importante pour l’évolution des insectes. En effet, la très grande diversité de fossiles d’insectes de la fin du Carbonifère renseigne les paléontologues sur ce qu’il s’est passé sur l’ensemble de cette période géologique.

Fossile d'un insecte ayant une petite tête, deux paires d'ailes et un long abdomen triangulaire

Les insectes du genre Woodwardia possédaient une petite tête et un long abdomen triangulaire terminé par des filaments, ou cerques. Ce spécimen de Woodwardia nigra a une envergure d’environ 16 cm.

© MNHN

La première grande diversification des insectes

À une période encore mal connue, la classe des insectes, le groupe d’animaux de loin le plus diversifié aujourd’hui, se différencient de certains crustacés marins et se développent sur la terre ferme. Plus tard, la fin du Dévonien et le début du Carbonifère ont probablement été la période de leur plus importante diversification. Outre l’apparition du vol – ou plus précisément, des différents types de vol – cet intervalle a vu apparaître l’ensemble des lignées majeures d’insectes connues aujourd’hui.

Les insectes fossiles les mieux connus sont ceux possédant des ailes, les ptérygotes. Dès le Pennsylvanien, il y a 323 millions d'années, ils ont adopté des modes d’alimentation variés, allant des détritivores aux carnivores, en passant par les insectes piqueurs-suceurs de sève. Or, ce dernier régime alimentaire nécessite des adaptations particulières, car la sève est pauvre en certains nutriments. Cette complexité suggère une origine des ptérygotes remontant au moins au début du Carbonifère.

Fossile de Stenodictyia fayoli, montrant une troisième aile, plus courte, située derrière la tête sur le prothorax

Sur les fossiles du genre Stenodictyia, 3 paires d’ailes peuvent être observées. La plus petite est située plus à l’avant du corps, au niveau du prothorax.

© MNHN - O. Béthoux

La diversité des insectes peut aussi être étudiée à partir de la variété de leurs ailes et des fonctions de celles-ci. En effet, au Carbonifère supérieur, plusieurs types de vol existent déjà (allant du vol plané au vol stationnaire)2. On trouve aussi de surprenants insectes dotés de 3 paires d’ailes, d’autres ayant des ailes aux formes inconnues actuellement. Certains ptérygotes avaient des ailes à coloration disruptive, permettant de se fondre dans le sous-bois où ils volaient.

Signe encore plus marquant de l’ancienneté de l’apparition des ailes, les ailes de certains insectes ont déjà acquis un rôle secondaire, comme par exemple chez les blattoïdes dont les ailes antérieures sont devenues des élytres protectrices.

On pense aussi que l’émission de sons, obtenue en frottant les ailes entre elles ou sur une partie du corps, était déjà apparue3. L’acquisition de telles adaptations prend des millions, voir des dizaines de millions d’années, et a pu se faire progressivement tout au long du Carbonifère.

  • 2Wootton RJ, Kukalová-Peck J. Flight adaptations in Palaeozoic Palaeoptera (Insecta). Biol Rev Camb Philos Soc. 2000.
  • 3Song, H., Béthoux, O., Shin, S. et al. Phylogenomic analysis sheds light on the evolutionary pathways towards acoustic communication in Orthoptera. Nat Commun 11, 4939 (2020).

Les groupes d’insectes et arthropodes les plus diversifiés sur la terre ferme au Carbonifère

À notre époque, les insectes sont principalement représentés par les coléoptères (scarabées, coccinelles...), les diptères (mouches, syrphes...), les hyménoptères (abeilles, guêpes...) et les lépidoptères (papillons). Mais au Carbonifère, trois autres groupes d’insectes étaient les plus représentés :

    Blatte de Madagascar

    Le groupe souche des dictyoptères, lointains parents des blattes, des termites et des mantes religieuses actuelles, étaient les insectes les plus fréquents au Carbonifère, mais étaient représentés par peu d’espèces différentes.

    © Виталий Сова - stock.adobe.com
    Criquet

    Le groupe souche des orthoptères, lointains parents des criquets et sauterelles actuels, étaient également présents. Généralement moins abondants que les dictyoptères, ils étaient cependant beaucoup plus diversifiés.

    © patrick - stock.adobe.com
    Sympetrum rouge sang, libellule actuelle

    Le groupe souche des paléoptères, lointains parents des odonates (libellules et demoiselles) et des éphémères, étaient aussi particulièrement abondants et diversifiés.

    © Camille Dégardin
    La mygale est une araignée qui ne tisse pas de toile

    En plus des insectes, d’autres arthropodes vivaient également sur la terre ferme, comme les myriapodes (comprenant les mille-pattes) mais aussi des prédateurs comme les scorpions et les araignées.

    © davemhuntphoto - stock.adobe.com

    * Qu'est-ce qu'un « groupe souche » ?

    Les espèces actuelles d’un groupe donné, et leurs plus proches parents éteints, ont toutes dérivé d’une espèce ancestrale commune. Ensemble, ces espèces forment le groupe couronne. Par opposition au groupe couronne, le groupe souche, lui, est composé des espèces disparues n’appartenant pas au groupe couronne mais qui sont plus proche de ce groupe couronne que de tout autre groupe.

    Prenons comme exemple le groupe des odonates, composé des libellules et demoiselles. Le groupe couronne existe depuis environ 250 millions d'années. Toutes les libellules actuelles, et leurs proches parents éteints, font partie de ce groupe couronne. Mais il y a plus de 250 millions d'années vivaient d’autres espèces très anciennes, proches des odonates mais plus anciennes qu'elles. Elles appartiennent donc au groupe souche des odonates. Meganeura monyi en fait partie. Elle n’est donc ni une libellule ni une demoiselle, mais un odonate souche.

    Comment certains insectes du Carbonifère ont pu atteindre de si grandes tailles ?

    Meganeura monyi, libellule de 70 cm d'envergure, volant au-dessus d'un lac.

    Première représentation de Meganeura monyi. volant au-dessus d’un ancien lac de la région de Commentry. Illustration tirée de l’ouvrage « Insectes fossiles des temps primaires » de Charles Brongniart. Illustration par L. Sohier.

    © MNHN

    Le Carbonifère est souvent décrit comme « l’époque des insectes géants » : une description souvent exagérée par rapport à la réalité scientifique et basée sur une poignée d’espèces qui ne sont pas représentatives de l’époque. Parmi celles régulièrement mises en avant, il se trouve qu’une seule, Meganeura monyi, était réellement un insecte.

    On parle plutôt au Carbonifère d'une faune d'insectes très diversifiée, probablement dominée par quelques espèces de grande taille.

    En 2023, des paléontologues ont par exemple décrit une espèce de mégacécoptère (groupe éteint apparenté aux libellules, demoiselles et éphémères) du Carbonifère ayant une envergure de seulement 2 centimètres4.

    • 4Nan Yang, Dong Ren & Olivier Béthoux (2023) Small-sized Megasecopteromorpha (Insecta, Palaeoptera) occurred also in the Pennsylvanian, Historical Biology

    Les deux espèces du Carbonifère les plus mentionnées pour leur taille exceptionnelle sont Meganeura monyi et Arthropleura armata :

    • Les Meganeura appartiennent au groupe souche des libellules et demoiselles. Une espèce de ce groupe, Meganeura monyi, dépasse les 60 centimètres d'envergure. Cette envergure est proche de celle de faucons actuels, comme le faucon hobereau, prédateur des libellules.
    • Arthropleura armata n’est pas un insecte, il appartient au groupe des diplopodes, plus communément appelés mille-pattes. Il peut mesurer jusque 2,5 mètres de long pour cinquante centimètres de large5.

    Tous deux sont les plus grands spécimens connus de l’histoire pour leurs groupes respectifs, mais ils sont assez rares dans le registre fossile, et au Carbonifère ils faisaient figure d’exception. Des fouilles conduites dans les vingt dernières années révèlent que les insectes et autres arthropodes qui les entouraient n’étaient pas tous aussi grands, certains ne mesuraient même que quelques millimètres. Leurs fossiles sont longtemps restés inconnus du fait de leur petite taille, les rendant plus difficiles à remarquer sur le terrain.

    • 5W. D. Ian Rolfe and J. K. Ingham, 1967 — Limb structure, affinity and diet of the Carboniferous
    Megarachne servinei est un scorpion de mer, il est muni de 8 pattes.

    Megarachne servinei a été pris pour une araignée géante lors de sa découverte en 1980. Une étude en 2005 a permis de découvrir qu'il s'agissait d'un arthropode aquatique du groupe des euryptérides, ou scorpions de mer.

    © Nobu tamura

    Par ailleurs, une espèce du Carbonifère nommée Megarachne servinei a longtemps été prise pour une araignée géante. Il s’agissait en fait d’un scorpion de mer, ayant donc une vie exclusivement aquatique, et elle n'avait pas une taille exceptionnelle pour un animal de ce groupe.

    L'absence de prédateurs volants

    La principale explication de la grande taille de certains insectes ou arthropodes du Carbonifère est l’absence d'autres grands prédateurs volants. Les reptiles volants et les oiseaux apparaitront en effet plus de cent millions d’années plus tard, au Mésozoïque.

    Le taux de dioxygène (O2) élevé dans l'air au Carbonifère est aussi régulièrement mis en avant comme un facteur important favorisant le gigantisme. Mais cette hypothèse est partiellement contredite par la persistance de libellules de grande taille jusqu'au Trias, où le taux d'O2 était plus bas. D'autres arthropodes géants ont également vécu à d'autres périodes. Le taux d'O2 atmosphérique peut avoir joué un rôle, mais celui-ci reste secondaire par rapport à l'absence de prédateurs tels que les reptiles.

    Larve de phanéroptère, proche des sauterelles, munis de six pattes et de longues antennes

    Cette larve de phanéroptère actuelle est munie de six pattes et de deux longues antennes. Ses deux pattes arrière sont de grande taille. Sa morphologie est très proche de celle des phanéroptères adultes.

    © MNHN - N. Cellier

    Ni chenilles, ni asticots

    Les groupes d’insectes les plus représentés au Carbonifère ont tous un cycle de vie dont la forme larvaire est très proche de la forme adulte. À l’image des sauterelles actuelles, leur croissance se fait par mues successives, sans que leur anatomie ne change de façon majeure.

    Aujourd'hui, au contraire, plus de 80 % des insectes font partie des holométaboles, ou insectes à métamorphose complète, dont le cycle de vie passe par un stade larvaire à la morphologie singulière puis un stade nymphal (chrysalide, cocon...), avant le stade adulte.

    Au Carbonifère, il n’y avait par exemple ni papillons (qui ont pour stade larvaire la chenille), ni diptères (dont les mouches, qui ont pour stade larvaire l’asticot), ni abeilles, ni fourmis, ni coléoptères (dont font partie les scarabées).

    Les holométaboles sont tout de même présents au Carbonifère, mais représentent alors une fraction infime des espèces d’insectes. Cela laisse penser que la métamorphose complète n’a pas été un atout majeur dans un premier temps. Elle le sera probablement une centaine de millions d’années plus tard, au Trias6, quand les holométaboles deviennent très communs dans tous les gisements fossiles de la planète.

    • 6Nel, A., Roques, P., Nel, P., Prokin, A.A., Bourgoin, T., Prokop, J., Szwedo, J., Azar, D., DesutterGrandcolas, L., Wappler, T. Garrouste, R., Coty, D., Huang, Diying, Engel, M. and Kirejtshuk, A.G. The earliest-known holometabolous insects. Nature, 16 octobre 2013.

    Les tétrapodes des forêts carbonifères

    Le Carbonifère est également connu pour être la période où les premiers amniotes – ancêtres des reptiles, oiseaux et mammifères – sont « sortis de l’eau ». C’est à dire que ce groupe a développé des caractéristiques leur permettant d’avoir un mode de vie exclusivement terrestre. Mais cette période a aussi été le théâtre d’une très grande diversification des tétrapodes à la fois terrestres et aquatiques : les amphibiens.

    Qu'est-ce qu'un tétrapode (Tetrapoda)

    Les premiers tétrapodes, du grec signifiant « quatre pieds », sont des vertébrés possédant quatre pattes munies de doigts. Ils sont issus de groupes de « poissons à nageoires charnues », ou sarcoptérygiens, dont font partie les cœlacanthes et dipneustes actuels. Les premier tétrapodes possèdent également des proto-poumons. Ce groupe est aujourd’hui représenté par les amphibiens, les reptiles, les oiseaux et les mammifères. Certains groupes ont perdu leurs pattes au cours de leur histoire évolutive, comme les serpents, mais appartiennent tout de même au groupe des tétrapodes.

    Ichtyostega est un grand tétrapode muni d'une grande queue lui servant à nager, ses pattes arrières sont orientées vers l'arrière du corps

    Bien qu’il ait d’abord été considéré comme un animal partiellement terrestre, les pattes arrières d’Ichtyostega stensioei étaient orientées vers l’arrière et non vers le dessous. S'il avait pu se déplacer hors de l’eau, il ne l’aurait pas fait en marchant mais plutôt en rampant.

    CC BY-NC-ND 3.0 Nobu tamura

    Héritage du Dévonien

    Les premiers tétrapodes sont apparus et se sont diversifiés dès le Dévonien supérieur, il y a environ 370 millions d’années. Ils peuplaient les milieux humides où leurs pattes et leurs poumons leur permettaient de se déplacer et de respirer dans des zones marécageuses de faible profondeur et peu chargées en oxygène. Il est possible qu’ils se soient déplacés hors de l’eau, mais probablement en rampant plutôt qu'en marchant.

    Les pattes des tétrapodes sont ainsi apparues comme des nageoires particulières. Elle prendront un rôle majeur au bout de plusieurs millions d’années, en permettant à ces animaux de porter leur corps dans le contexte de la marche. Cette apparition d’une fonction majeure, à partir d’un caractère apparu beaucoup plus tôt, est un phénomène appelé « l’exaptation ». Un autre exemple d'exaptation, plus récent, est l'apparition des plumes chez les dinosaures, qui précède de plusieurs millions d'années l'apparition du vol.

    Fossile de Pederpes montrant une tête triangulaire, une ceinture scapulaire, une colonne vertébrale et une ceinture pelvienne

    Ce fossile de Pederpes finneyae, conservé au Huntarian Museum de Glasgow, date d’il y a environ 348 millions d’années. Il est l’un des très rares fossiles apportant des informations sur l’évolution des tétrapodes pendant le début du Carbonifère.

    © The Hunterian, University of Glasgow

    La lacune de Romer

    Le début du Carbonifère est marqué par la rareté des fossiles de tétrapodes. Très peu de ces fossiles sont retrouvés pour la période datant de la fin du Dévonien au milieu du Carbonifère, soit il y a environ 335 à 360 millions d’années. Cette période est appelée « lacune de Romer », d’après le paléontologue américain Alfred Sherwood Romer qui remarqua la rareté des fossiles de tétrapodes dans ce registre fossile.

    Cependant, les plus anciens tétrapodes connus précèdent cette période, et une grande diversité de tétrapodes est connue il y a environ 330 millions d'années. Cela permet de déduire qu'une forte diversification a eu lieu durant la lacune de Romer, avec l’apparition de nombreux groupes de tétrapodes, dont plusieurs ont pu vivre partiellement hors de l’eau.

    Eogyrinus est un grand tétrapode aquatique muni d'une grande queue lui servant de nageoire

    Les Pholiderpeton pouvaient mesurer jusqu'à 4 mètres. Bien que munis de pattes, il étaient des prédateurs essentiellement aquatiques avec une nage proche de celle des anguilles.

    CC BY-NC-ND 3.0 Nobu tamura

    Une grande diversité d'amphibiens

    De nombreuses espèces d’amphibiens peuplent les zones humides de la Pangée. Ces espèces héritent, de leurs ancêtres aquatiques, des poumons et des pattes. Dans les forêts du Carbonifère, très humides, ces caractères leur permettent de survivre un peu de temps hors de l’eau, et de s’y déplacer, avec plus ou moins d’habileté.

    Les plus grands amphibiens vivaient probablement la majeure partie de leur vie dans l’eau, à l’image des salamandres géantes du Japon et des crocodiles actuels, et se déplaçaient laborieusement hors de l’eau. Les plus petites espèces, moins lourdes, marchaient avec davantage d’aisance.

    Tuditanus a une apparence proche à la fois des salamandres actuelles et des lézards actuels

    Tuditanus appartenait au groupe Microsauria et mesurait autour de 24 cm. Malgré les apparences ce groupe est distinct des reptiles. Il a évolué vers une forme terrestre indépendamment de ceux-ci.

    CC BY-NC-ND 3.0 Nobu tamura

    L'environnement des forêts du Carbonifère est maintenu humide par la densité de la végétation et le climat tropical. Une nourriture abondante évolue hors de l’eau (les insectes et certains arthropodes), où vivent encore peu de prédateurs ou de concurrents. C’est à cette période que les premiers groupes d’amphibiens connaissent une grande diversification.

    On ne parle alors pas d’un seul groupe qui adopte un mode de vie partiellement terrestre, mais bien de plusieurs groupes d’espèces qui passent d’un mode de vie purement aquatique à un mode de vie en partie terrestre. La majorité des tétrapodes d’alors sont encore dépendants du milieu aquatique, notamment pour s’y reproduire et pondre, malgré leur capacité à respirer et se mouvoir hors de l’eau à l’âge adulte.

    La forme adulte des Microbrachis porte des branchies externes et ressemble aux larves des salamandres actuelles

    Microbrachis pelikani. Certains amphibiens du Carbonifère ressemblaient, même à l’âge adulte, aux larves de tritons et salamandres actuels, et donc aux axolotl.

    CC BY-NC-ND 3.0 Nobu tamura
    Les Phlegethontiae sont de très longs amphibiens serpentiformes, chez qui les pattes avaient déjà disparu.

    Phlegethontia longissima. Les pattes ont pu réduire en taille, et même complètement disparaître chez certains groupes dès le Carbonifère, comme chez les aistopodes et les lysorophiens, ou beaucoup plus tard chez les serpents et les orvets.

    CC BY-NC-ND 3.0 Nobu tamura

    Le mode de vie terrestre des amniotes

    Parmi les tétrapodes du Carbonifère, un groupe s’affranchit entièrement du milieu aquatique. Il s’agit des amniotes : ils n’ont plus besoin de pondre ni de se reproduire dans l’eau et peuvent se nourrir et vivre exclusivement sur la terre ferme. Les dinosaures, les oiseaux, les reptiles et les mammifères sont tous des descendants des premiers amniotes.

    Hylonomus ressemble à un lézard actuel

    Hylonomus lyelli est un amniote insectivore mesurant environ 20 centimètres de long. Il appartient à la lignée des sauropsides, dont descendent les reptiles actuels.

    CC BY-NC-ND 3.0 Nobu tamura

    Les amniotes possèdent une ossature et une musculature leur permettant de complètement porter leur corps avec leurs pattes, mais c’est l’œuf amniotique qui leur permet de s’affranchir du milieu aquatique pour se reproduire. Cet œuf est muni d’une coquille étanche et est rempli de liquide, ce qui leur permet de pondre hors de l’eau. Cependant, la paroi des premiers œufs amniotiques est molle, pas encore minéralisée comme les œufs des oiseaux actuels.

    Si aucun fossile d’œuf de tétrapode datant du Carbonifère n’est connu, il est possible d’estimer à quelle date est apparu celui-ci car on connait de nombreuses espèces qui ont hérité de cette innovation. On peut alors estimer la date d’apparition de ce trait chez un ancêtre commun, cette méthode est appelée l’optimisation phylogénétique.

    Du Carbonifère à aujourd’hui, deux groupes distincts sont connus au sein des amniotes. De ces groupes descendent tous les groupes de tétrapodes non-amphibiens actuels. Ces deux groupes d’amniotes sont :

    • les sauropsides, dont descendent les reptiles et les dinosaures (comprenant les oiseaux) ;
    • les synapsides, dont descendent les mammifères.

    Ces groupes étant adaptés à la vie hors de l’eau, ils seront peu impactés7 par la crise qui impacte les zones humides de la Pangée à la fin du Carbonifère : l’effondrement de la forêt pluviale du Carbonifère. Cette crise provoquera la disparition de nombreuses espèces d'amphibiens du fait de l'aridification des milieux humides.

    • 7Dunne, E.M., Thompson, S.E.D., Butler, R.J. et al. Mechanistic neutral models show that sampling biases drive the apparent explosion of early tetrapod diversity. Nat Ecol Evol 7, 1480–1489 (2023).

    L'effondrement de la forêt carbonifère

    Il y a environ 305,4 millions d’années, avant la fin du Carbonifère, la flore mondiale subit une importante crise : l'effondrement de la forêt pluviale du Carbonifère. Dans l’histoire de la vie sur notre planète, cet épisode est l’une des deux grandes extinctions pour la flore continentale, la seconde ayant lieu lors de l’extinction Permien-Trias survenue 55 millions d’années plus tard8.

    L’effondrement de la forêt Carbonifère est provoqué par une période d'aridification du climat, qui mène à l’assèchement des zones humides de la Pangée.

    À une époque où les forêts vivent les pieds dans l’eau et sont totalement dépendantes d’un climat chaud et humide, près de la moitié des familles de plantes s’éteignent en une dizaine de millions d’années.

    Un refroidissement climatique

    À la fin du Carbonifère, un important refroidissement du climat provoque une grande glaciation de la moitié sud de la Pangée.

    Ce refroidissement du climat est dû à la réduction de l’effet de serre suite à la baisse de la concentration en dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Le CO2 est massivement consommé par deux phénomènes au cours du Carbonifère :

    • La croissance des forêts : les plantes captent du CO2 dans l’air, celui-ci est en partie enfoui dans le sol et ne retourne donc pas dans l’atmosphère.
    • L’érosion des massifs montagneux : au cours de la même période, dans les massifs montagneux récemment formés, un phénomène d’érosion a lieu à grande échelle. Sous l’action de l'eau, ces roches sont altérées par des réactions chimiques consommant de grandes quantités de CO2.
    • 8Cascales-Miñana Borja & Cleal Christopher J., 2014 — The plant fossil record reflects just two great extinction events. Abstract Five great taxonomic extinctions (the so-called ‘Big Five Mass Extinctions’) are widely recognized in life history, at… Terra Nova vol. 26, n° 3, p. 195-200.
    Etendue de roche marquée de nombreuses stries

    Les stries glaciaires sont laissées par les glaciers lors de leur déplacement ou accroissement. Celles présentes dans les roches d'Afrique du Sud et du Brésil permettent de savoir qu’une grande partie du continent Gondwana était, au Carbonifère, couverte de glace.

    CC Samir Nosteb

    En conséquence de ce refroidissement, les terres se couvrent alors d’une couche de glace pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres d’épaisseur. Leurs traces fossiles subsistent dans les régions de Karoo en Afrique du Sud9 et de Paraná au Brésil. On appelle cet épisode glaciaire la glaciation du Karoo, ou glaciation du Permo-Carbonifère.

    • 9 a tool in the analysis of cyclic glaciomarine basin fills. ABSTRACT The Late Westphalian to Artinskian glaciomarine deposits of the Karoo and Kalahari basins of southern Africa consist… Sedimentology vol. 44, n° 3, p. 507-521.

    Qu'est-ce que l'albédo ?

    La formation des calottes glaciaires crée de grandes étendues qui réfléchissent la lumière du soleil. C’est l’effet albédo : les rayons du soleil sont réfléchis et renvoyés par la glace, plutôt que d’être partiellement captés par la surface de la Terre. Ce phénomène limite le réchauffement de la planète par l’énergie solaire et peut accentuer le refroidissement global. Aujourd'hui, la fonte des glaciers pourrait être un phénomène aggravant du dérèglement climatique, avec une diminution de l'albédo qui contribuerait au réchauffement.

    L'aridification de la Pangée

    La formation de ces importantes surfaces de glace emprisonne de grandes quantités d’eau. Cela impacte directement le niveau des mers, qui baisse de plusieurs dizaines de mètres.

    La Pangée de la fin du Carbonifère est un continent de très grande taille, qui correspond aux actuelles Amériques, Afrique et Eurasie réunies. La plupart des terres sont donc très éloignées des côtes et des eaux maritimes et ne bénéficient pas de l'influence humide de la mer.

    Une atmosphère plus froide est également moins chargée en molécules d'eau, ce qui accentue encore l’assèchement du climat.

    La Pangée devient de plus en plus aride. Les zones humides étant par définition très sensibles à la sécheresse, nombre d’entre-elles s’assèchent et les forêts qui s’y trouvent disparaissent. Leur subsistance est également mise à mal par les mouvements tectoniques qui fractionnent et modifient les milieux à mesure que les chaînes de montagne se forment.

    Impact sur les forêts pluviales du Carbonifère

    Les milieux humides du Carbonifère sont très nombreux sur l’ensemble du continent. Certains résistent à ces nombreux changements et deviennent des refuges pour les populations de plantes et d’animaux, leur permettant de survivre à cette crise. Ces refuges sont notamment situés en montagne ou à proximité de la mer, là où persistent des environnements moins secs. Mais le déclin des zones humides de la Pangée provoque tout de même la disparition de la moitié des familles d'arbres en l’espace de douze millions d’années10.

    • 10Cascales-Miñana Borja & Cleal Christopher J., 2014 — The plant fossil record reflects just two great extinction events. Abstract Five great taxonomic extinctions (the so-called ‘Big Five Mass Extinctions’) are widely recognized in life history, at… Terra Nova vol. 26, n° 3, p. 195-200.
    Fossile montrant des branches de conifère avec des feuilles de 1 centimètre

    Fossile de Walchia hypnoides, datant du début du Permien, peu après l’effondrement de la forêt pluviale du Carbonifère. Ses feuilles coriaces en “griffe de chat”, de moins d'un centimètre de long, font de lui un arbre adapté à un climat moins humide que celui des marais carbonifères.

    © MNHN

    Les arbres qui possèdent de grandes feuilles ont des besoins en eau très importants et sont très fortement impactés. C’est notamment le cas des arbres appartenant aux groupes des Lycophytes (lépidodendrons, sigillaires) ou des Calamites. Ils sont alors de moins en moins présents dans les forêts, au profit d’un type d’arbres récemment apparus : ceux-ci possèdent de plus petites feuilles et se reproduisent via des graines, plus efficaces en milieu sec que la reproduction via les spores. Ces arbres sont les premiers conifères.

    L’effondrement de la forêt pluviale du Carbonifère marque le début d’une période de plus de 200 millions d’années où les conifères seront les arbres les plus fréquents sur Terre. Mais cette crise impactera aussi fortement les populations d’amphibiens. Les amniotes, étant quant à eux moins inféodés au milieu aquatique, survivront mieux à ce changement climatique, et connaîtront une grande diversification sur la terre ferme après le Carbonifère.

    Le changement climatique, du Carbonifère à aujourd'hui

    Au Carbonifère, le taux de CO2 atmosphérique diminue. Cela provoque une diminution de l’effet de serre et un refroidissement global de la planète.

    Aujourd’hui, à l’inverse, le carbone (présent en quantité dans les énergies fossiles comme le charbon et le pétrole) est sorti du sol et réintroduit massivement dans l’atmosphère, ce qui accentue l’effet de serre et provoque un réchauffement climatique.

    Mais le changement climatique actuel n’est pas comparable en termes de durée. Il se produit en l’espace de quelques décennies : un temps bien plus court que les dizaines de millions d’années qui ont permis le stockage de carbone sous forme de charbon.

    La fin de l'ère du charbon

    La production de charbon dans le sol ne s'arrête pas avec cette crise, mais diminue drastiquement il y a environ 300 millions d’années. Cela est corrélé à l’apparition de plusieurs espèces de basidiomycètes, un groupe de champignons capables de digérer la lignine présente dans les troncs des arbres, pour s’en nourrir11. Cela permet la dégradation des déchets végétaux, ce qui diminue fortement leur fossilisation et leur transformation en charbon.

    • 11Dimitrios Floudas et al., The Paleozoic Origin of Enzymatic Lignin Decomposition Reconstructed from 31 Fungal Genomes. Science. 336, 1715-1719 (2012).

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    Article rédigé en février 2024. Remerciements à Olivier Bethoux, maître de conférence, chargé de collection et d'enseignement au CR2P - UMR 7207 ; Anaïs Boura, maître de conférence, chargée d'enseignement au CR2P - UMR 7207 ; Léa de Brito ATER au CR2P - UMR 7207, Grégoire Egoroff ; géologue à l'UAR Patrinat et Damien Germain, maître de conférence, chargé de collection et d'enseignement au CR2P - UMR 7207.

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