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Communiqué de presse

Le « mammouth de la Madeleine », pièce phare de l’histoire de la science préhistorique, vient de faire l’objet d’une étude approfondie

Patrick Paillet, Maître de conférences au Muséum national d’Histoire naturelle (Département de préhistoire - UMR CNRS/MNHN 7194), vient de consacrer une étude complète au mammouth gravé sur ivoire de la Madeleine1 (Tursac, Dordogne). C’est en 1864 que la découverte exceptionnelle vient apporter la preuve de la coexistence du mammouth avec les premiers hommes. Jusqu’alors, nul ne songeait à imaginer une quelconque contemporanéité. Objet rare et exceptionnel, régulièrement cité et reproduit dans les ouvrages scientifiques ou grand public, le mammouth gravé sur ivoire de la Madeleine n’avait pourtant jamais fait l’objet d’une étude approfondie. Les résultats de l’étude de Patrick Paillet ont été publiés dans la revue Paléo de décembre 2011.

Conservé dans la Galerie de Paléontologie du Muséum national d’Histoire naturelle (Paris), le mammouth gravé sur ivoire de la Madeleine mesure 24,8 cm de long, 10,6 cm de large et 1,8 cm d’épaisseur. L’animal, représenté sur une squame d’ivoire de mammouth, est dessiné dans une attitude massive mais dynamique. Particulièrement riche de détails et de réalisme, il constitue le premier portrait de mammouth connu, et le plus fidèle.

Découverte en mai 1864, en présence d’Edouard Lartet2 et des paléontologues Edouard de Verneuil et Hugh Falconer, cette pièce d’une rare qualité artistique marque une étape décisive dans l’histoire des sciences. En effet, au 19e siècle, les témoignages fossiles de l’existence d’animaux disparus sont encore exceptionnels et leur coexistence avec les premiers hommes est l’objet d’un large débat. Les détracteurs les plus virulents de cette hypothèse étaient membres de l’Académie des Sciences. La découverte de ce mammouth gravé sur ivoire constitue la meilleure preuve possible de la contemporanéité des premiers hommes et de cet animal et atteste de l’ancienneté de la pratique artistique.

Dès 1867, la pièce est présentée en bonne place à l’exposition universelle de Paris. La renommée de cet objet lui vaudra d’être régulièrement copié et des faux seront souvent « découverts » dans les années suivantes, notamment aux Etats-Unis.

Paradoxalement, bien que maintes fois reproduits dans de nombreux ouvrages, les relevés du dessin sont, pour la plupart, incomplets, réinterprétés, voire même inversés. Jusqu’alors l’objet n’avait jamais été étudié de manière approfondie. L’étude de Patrick Paillet, la plus exhaustive à ce jour sur cet objet capital de l’histoire de la science préhistorique et pourtant méconnu jusqu’ici, a permis d’effectuer une nouvelle analyse et propose une nouvelle lecture et un nouvel enregistrement graphique.

Relevé sélectif du mammouth de la Madeleine

© MNHN - P. Paillet

Notes

1. Abri de la Madeleine (Tursac, Dordogne) : Situé en pied de falaise, sur la rive droite de la Vézère, l'abri est un site d'importance pour la préhistoire C'est le site éponyme du Magdalénien (15 000 à 9 000 ans avant notre ère).

2. Édouard Lartet (1801- 1871) est un préhistorien et paléontologue français. Juriste, il se passionne pour la paléontologie et la géologie. Il fait plusieurs découvertes majeures en Périgord et dans le Gers, dont la mâchoire du premier grand singe fossile, le Pliopithèque qui remet en question les théories de Georges Cuvier. En 1860 ses fouilles en Dordogne contribuent à démontrer la contemporanéité de l'Homme avec des espèces animales disparues, prouvée dès 1851 par Jean-Baptiste Noulet. En 1863, il fouille avec l'Anglais Henry Christy certains des sites majeurs du Périgord, dont Le Moustier, Laugerie-Basse et La Madeleine. Dans ce dernier, la découverte d'objets gravés apporte une preuve décisive de l'existence d'un art préhistorique. Nommé professeur de paléontologie au Muséum national d'histoire naturelle en 1869, il meurt en 1871, avant d'avoir inauguré son enseignement. Son fils Louis Lartet effectuera lui aussi des recherches et découvrira notamment le célèbre Homme de Cro-Magnon aux Eyzies-de-Tayac.

Référence

Patrick Paillet, 2011. Le mammouth de La Madeleine (Tursac, Dordogne) dans son siècle et aujourd’hui. ALEO, n°22, Décembre 2011, p.223-270.

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