Photo d'une brèche fossilifère dans la grotte de Tam Ngu Hao
Recherche et expertise
Communiqué de presse

Découverte d’un Dénisovien au Laos

Une étude dirigée par Fabrice Demeter (Université de Copenhague et Muséum national d’Histoire naturelle), Clément Zanolli (CNRS)* et Laura Shackelford (Universityof Illinois at Urbana-Champaign), publiée dans Nature Communications le 17 mai 2022, révèle la découverte d’une molaire de Dénisovien dans la grotte du Cobra, au nord-est du Laos. ll s’agit du premier spécimen dénisovien découvert en région tropicale et du troisième site au monde livrant des fossiles appartenant à ce groupe humain disparu.

Durant une campagne de fouilles paléoanthropologiques menée en 2018 au nord-est du Laos, des prospections autour du site de Tam Pà Ling, qui a livré certains des restes humains modernes les plus anciens, ont permis d’identifier des cavités karstiques propices à la conservation de sédiments. Lors de l’exploration, l’une d’entre elles, au-dessus de la plaine alluviale, s’est avérée prometteuse avec de riches brèches fossilifères : la grotte de Tam Ngu Hao, signifiant « grotte du Cobra » (voir figure 1 dans le communiqué de presse). Les fouilles de ces brèches ont permis la mise au jour des restes d’une faune ainsi que d’une couronne de molaire humaine parfaitement préservée, répertoriée comme TNH2-1 (voir figure 2 dans le communiqué de presse).

À la suite de cette mission de terrain, plusieurs dents d’animaux et le sédiment qui contenait cette dent humaine ont été datés par différentes méthodes, permettant d’estimer un âge d’environ 160 000 à 130 000 ans pour cet assemblage. La dent humaine a été temporairement envoyée en Europe afin d’étudier sa structure interne par microtomographie à rayons X et d’effectuer des analyses paléoprotéomiques. Les résultats de ces analyses ont révélé que ce spécimen appartenait à une jeune enfant du groupe des Dénisoviens, une espèce humaine disparue, proche des Néandertaliens et ayant son origine en Asie.

Photo de la grotte de Tam Ngu Hao

Grotte de Tam Ngu Hao

© MNHN - F. Demeter
Photo d'une brèche fossilifère dans la grotte de Tam Ngu Hao

Brèche fossilifère dans la grotte de Tam Ngu Hao

© MNHN - F. Demeter
Photo d'une brèche fossilifère dans la grotte de Tam Ngu Hao

Brèche fossilifère dans la grotte de Tam Ngu Hao

© MNHN - F. Demeter

L’étude de la structure interne de la dent TNH2-1 a permis de la rapprocher de celle des molaires du spécimen dénisovien de Baishiya, au Tibet et de la différencier d’Homo erectus, des Néandertaliens et des humains modernes. La morphologie et les grandes dimensions de la couronne excluent également qu’elle puisse appartenir à un Homo floresiensis ou un Homo luzonensis, deux espèces humaines éteintes endémiques de l’Indonésie et des Philippines.

Même si la morphologie de TNH2-1 diffère de celle des Néandertaliens, elle présente néanmoins des points communs, comme la présence d’une crête du trigonide marquée (voir figure 2 dans le communiqué de presse). L’étude du génome des Néandertaliens et des Dénisoviens a d’ailleurs montré qu’ils étaient des groupes frères, et donc partageant vraisemblablement un certain nombre de traits morphologiques. Les caractéristiques observées sur la dent TNH2-1 semblent confirmer cette hypothèse, ce qui devrait permettre de faciliter l’identification d’autres spécimens dénisoviens parmi les fossiles déjà mis au jour, notamment des spécimens de Chine dont l’identification reste problématique.

Photo d'une couronne de molaire humaine, répertoriée comme TNH2-1

Couronne de molaire humaine, répertoriée comme TNH2-1 

© MNHN - F. Demeter

Cette découverte a des implications fondamentales sur notre compréhension de l’évolution humaine sur le continent asiatique. En effet, la présence des Dénisoviens en Asie du Sud-Est était déjà soupçonnée grâce à la génétique qui a révélé que les populations actuelles de cette région ont une grande proportion de gènes dénisoviens dans leur génome. Cela suggérait donc que les ancêtres de ces populations modernes s’étaient hybridées avec des Dénisoviens sur le continent, mais la question était de savoir où. En effet, jusqu’à aujourd’hui la présence des Dénisoviens était uniquement attestée dans deux sites situés dans les hautes latitudes, la grotte de Denisova, en Sibérie, et la grotte de Baishiya, au Tibet. Grâce à la découverte de la dent humaine de la grotte du Cobra, il est maintenant évident que les Dénisoviens étaient bel et bien présents sous les tropiques, en Asie du Sud-Est.

ll est vraisemblable que les derniers d’entre eux aient pu rencontrer et s’hybrider avec les groupes humains modernes pléistocènes locaux qui ont transmis leur héritage génétique aux populations actuelles du sud-est asiatique.

*du laboratoire De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (CNRS/Ministère de la Culture/Université de Bordeaux)

Références

Les laboratoires suivants ont aussi contribué à ces recherches : Institut Terre environnement Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg), Laboratoire image, ville, environnement (CNRS/Université de Strasbourg), Institut des sciences de l'évolution de Montpellier (CNRS/IRD/Université de Montpellier), De la diversité des populations à l'individu, de l'identification à l'identité (CNRS/Université Paris Cité).

A Middle Pleistocene Denisovan molar from the Annamite Chain of northern Laos. Nature Communications.
Demeter F., Zanolli C., Westaway K.E., Joannes- Boyau R., Duringer P., Morley M.W., Welker F., Rüther P.L., Skinner M.M., McColl H., Gaunitz C., Vinner L., Dunn T.E., Olsen J.V., Sikora M., Ponche J.L., Suzzoni E., Frangeul S., Boesch Q., P.O. Antoine, Pan L., Xing S., Zhao J.X., Bailey J.M., Boualaphane S., Sichanthongtip P., Sihanam D., PatoleEdoumba E., Aubaile F., Crozier F., Bourgon N., Zachwieja A., Luangkhoth T., Souksavatdy V., Sayavongkhamdy T., Cappellini E., Bacon A.M., Hublin J.J., Willerslev E., Shackelford L.
 

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