Comment les animaux et les plantes survivent-ils dans le désert ?
Dans un désert, les conditions de vie sont rudes : les températures sont extrêmes et varient fortement, la nourriture et l’eau y sont rares, les vents sont violents et la végétation y est très peu présente et dispersée. En réponse à cet environnement particulier, les organismes qui y vivent ont évolué : ils présentent donc des adaptations comportementales, morphologiques ou fonctionnelles. Quelles sont ces adaptations ?
Supporter la chaleur
Pour bien vivre dans des conditions désertiques, il faut vivre caché ! Les espèces animales et végétales investissent des espaces plus frais, à l’ombre, et s’épanouissent une fois la nuit tombée.

Lithops otzeniana, une plante succulente
© O. Kovtun - stock.adobe.comLa chaleur chez les végétaux
On retrouve ainsi des plantes dans les fissures du sol ou des rochers, sur des pentes ombragées, ou protégées à l’intérieur de buissons. Certains végétaux, eux, s’enfouissent quelques centimètres sous la surface où il fait déjà moins chaud. Les "plantes-cailloux" (comme les Lithops, Dinteranthus, ou encore Lapidaria) ont d’ailleurs une partie de leurs feuilles sous terre, mais continuent quand même à recevoir la lumière grâce à une adaptation ! En effet, certaines espèces ont une sorte de tissu transparent à la surface du sol qui laisse passer la lumière sans exposer ses parties fragiles, un peu comme une fenêtre ! Globalement, ces espèces végétales ont une morphologie qui leur offre une protection efficace contre les températures extrêmes et le vent : elles sont souvent en forme de choux et de coussins solides, avec des feuillages piquants.
La chaleur chez les animaux
Les animaux, eux, sont mobiles. Ils peuvent donc endurer ces températures ou bien les fuir.
Pour les fuir, plusieurs options existent : les petits organismes s’enfouissent dans des terriers, et certains invertébrés, amphibiens ou reptiles pratiquent la "thermorégulation comportementale"1 et se cachent dans des crevasses ombragées où à l’ombre des plantes. Ces animaux se reposent donc aux moments chauds de la journée, et sont actifs lorsque les températures baissent drastiquement.
Les animaux qui tolèrent la chaleur sont essentiellement des mammifères, de grands oiseaux ou certains insectes. Ces derniers, grâce à leurs longues pattes, se tiennent à distance de la chaleur du sol, et leur petite taille leur permet de mieux réguler leur température2. Certains coléoptères (ceux de la famille Tenebrionidae) sont ainsi capables de baisser de 2,1 °C à 4 °C leur température par rapport à celle de leur environnement. Enfin, certaines fourmis du Sahara, du Namib ou en Australie sont capables d’être actives à plus de 60 °C de température ambiante.
Résister au froid

Ours polaire (Ursus maritimus) se reposant (Svalbard, Norvège)
© Paul - stock.adobe.comDans le désert polaire, où les températures moyennes oscillent entre – 34 °C en hiver et + 4 °C en été, et ou le décalage de la durée du jour et de la nuit est particulièrement grand, l’enjeu reste le même : il faut résister à ces conditions climatiques extrêmes. Bien que le désert polaire soit peu peuplé, les espèces qui s’y trouvent sont parfaitement adaptées à ce milieu duquel elles sont endémiques. Quelles sont donc ces adaptations au grand froid ?
Un cycle de vie adapté
Tout d’abord, ces espèces ont un cycle de vie généralement organisé au fil des saisons. Durant le court été (boréal ou austral), les animaux se nourrissent et se reproduisent, et leurs petits grandissent vite avant d’affronter l’arrivée de l’hiver. Si certains animaux fuient le froid extrême en migrant vers des contrées plus chaudes, d’autres espèces restent et deux possibilités s’offrent à elles : dormir (hivernation, hibernation) ou faire face et survivre au froid, au gel, au vent et à l’absence de ressources alimentaires.
De petites corpulences
Pour survivre au froid, certaines espèces animales ont développé une taille plus petite qui minimise ainsi la perte de chaleur par rapport à leur masse. Les extrémités de leur corps (pattes, oreilles, nez) sont généralement de taille réduite et leur circulation sanguine est davantage concentrée autour de leurs organes vitaux.
Les espèces végétales ont développé les mêmes stratagèmes. Puisque le sol reste gelé durant de longues périodes, leurs racines ne peuvent pas s’étendre outre mesure et les plantes sont donc de petite taille. Elles sont généralement au ras du sol, ce qui leur permet de conserver leur humidité lors du dégel, tandis que des écailles protègent souvent leurs bourgeons. Enfin, certaines plantes ont développé des protéines "antigel", ce qui permet à leurs cellules de ne pas geler et donc de survivre dans le grand froid.
Des couches de protection
On observe aussi chez certaines espèces animales le développement de protections contre le froid. Par exemple, l’ours polaire (Ursus maritimus) possède une couche de graisse mesurant jusqu’à 10 cm d’épaisseur. Sous sa fourrure qui paraît blanche, la peau noire des ours blancs est également très efficace pour absorber la chaleur du soleil. Sa fourrure, elle, est constituée de 2 couches de poils fait office de duvet qui absorbe la lumière émise par les rayons du soleil, ce qui contribue à réchauffer le corps de l'animal. Le manchot empereur (Aptenodytes forsteri) a lui aussi un plumage très spécifique, fait de plumes courtes et rigides qui sont particulièrement serrées les unes aux autres, avec au-dessous un duvet très épais. Ce plumage permet d’emprisonner une couche d’air d’à peu près 12 millimètres contre sa peau, ce qui lui offre une isolation thermique de qualité. Son plumage noir permet, en plus, d’absorber au mieux la chaleur du soleil.
Chez les végétaux, on note que certaines espèces, comme la pédiculaire hirsute (Pedicularis hirsuta), ont développé une sorte de duvet qui les protège contre des rayons UV trop forts et de la rigueur extrême du climat.
Se réchauffer sans grelotter
Alors que parfois nous frissonnons involontairement pour nous réchauffer, certains animaux polaires ont développé d'autres mécanismes pour produire de la chaleur ! En effet, le phoque et l’ours polaire par exemple, se réchauffent grâce à leur "graisse brune". La thermogénèse (c’est-à-dire la production de chaleur) se fait via leur tissu adipeux brun (graisse brune). D’autres animaux, notamment certains oiseaux, sont aussi capables de thermogénèse sans graisse brune mais cela reste encore mystérieux…
À la rencontre de l'ours polaire

Manchots empereurs (Aptenodytes forsteri)
© Gentoo Multimedia - stock.adobe.com
Ours blanc (Ursus maritimus)
© fizke7 - stock.adobe.comSurvivre dans l'aridité du désert

Chêne du désert (Allocasuarina decaisneana)
© F. Harmanna - stock.adobe.comQue ce soit en désert chaud ou désert froid, les espèces locales sont confrontées à un autre défi : l’évapotranspiration3. En effet, la pluie est très rare et l’eau sous forme liquide est faiblement disponible. Quelles sont donc les stratégies développées pour conserver assez d’eau ?
Réussir à capter un maximum d’eau
Si de l’eau liquide est bien présente dans les déserts, celle-ci peut être difficile à capter. Les plantes pérennes du désert, dites "xérophytes"4, ont développé diverses adaptations pour faire face à l’aridité. En effet, les végétaux, exploitent un volume de sol bien plus élevé dans le désert qu'ailleurs, grâce à des racines qui s'enfoncent profondément, comme les "racines-pivot". Par exemple, les "chênes du désert" (Allocasuarina) en Australie ont des racines pouvant dépasser les 10 mètres de longueur ! D'autres plantes développent un réseau de racines s'étendant à l'horizontale. La moindre goutte de rosée ou de brouillard est ainsi captée par ces racines superficielles, mais aussi à travers les pores des feuilles et tiges de ces végétaux.
Les animaux aussi ont développé des adaptations spécialisées pour capter l’eau : certains lézards possèdent des capillaires cutanés qui amènent le précieux liquide directement à leur bouche. Qui plus est, leur peau limite la perte d’eau, et leur corps relativement froid par rapport à leur environnement permet à l’eau de se condenser sur eux, ce qui la rend plus facile à capter. Certains mécanismes permettent encore davantage d’économiser l’eau. Les chameaux, par exemple, réussissent à épargner 60 % de l’eau généralement perdue pendant la respiration. Leurs muqueuses se refroidissent lorsqu’ils inspirent, et font condenser l’eau dans l’air expiré.
D’où vient l’eau douce de notre planète ?

Baobab à Madagascar
© S. Gilioli - stock.adobe.comFaire des réserves d’eau
Dans les déserts, les précipitations sont rares, et surtout irrégulières. Il est donc primordial, après avoir capté l’eau, de pouvoir la stocker longtemps. Les plantes succulentes, par exemple, sont parfaitement adaptées : elles peuvent stocker de larges réserves d’eau dans leurs cellules, ce qui leur donne un aspect charnu. Elles peuvent ensuite puiser dans ces ressources lors de périodes de sécheresse.
L’imaginaire est peuplé d’espèces du désert ayant ces capacités : rose du désert (Adenium obesum), plante-tortue (Dioscorea elephantipes) ou encore les baobabs (groupe Adansonia). De nombreuses plantes du désert sont entièrement succulentes, des racines jusqu’au feuillage ! Les cactus sont sans doute les champions de la succulence, avec plus de 2 000 espèces recensées rien que sur le continent américain (déserts Sonora, Chihuahua, Mojave…).
Certains animaux, comme l’ours polaire, sont aussi capables de stocker l’eau durablement. En effet, ces derniers la captent lorsqu’ils se nourrissent de graisse, et en rejettent assez peu : leurs reins sont particulièrement efficaces pour concentrer l’urine et donc perdre le moins d’eau possible. Le dromadaire utilise un processus semblable. Sa bosse est composée de graisse, qui lui sert de réserve et qui permet à l’animal de ne pas boire pendant 2 semaines, mais aussi de faire chuter sa température corporelle de 8 °C !

Coléoptère (Onymacris unguicularis) dans le désert Namib en Namibie
© Andreas - stock.adobe.comLimiter l’évapotranspiration
L’évapotranspiration est un phénomène correspondant au transfert de l’eau issu des plantes et du sol vers l’atmosphère. Dans les déserts chauds, elle est particulièrement intense et menace les organismes de leur faire manquer d’eau. Plusieurs stratégies sont alors observées pour limiter ses effets.
Les insectes, par exemple, sont particulièrement menacés par la dessication (le fait de s’assécher), et certains d’entre eux, comme les coléoptères, ont une couche de lipides imperméables à l’eau qui entourent la cuticule, et qui agit comme une barrière empêchant l’eau de sortir de leur corps. Au lieu d’urée, qui se mélange à de l’eau pour produire l’urine, certains insectes sécrètent de l’acide urique, rejeté sous forme de pâte. Cela évite encore une fois une perte d’eau.
Chez les végétaux, l’enjeu est légèrement différent. Comment capter la lumière solaire sans brûler ni perdre trop d’eau ? Pour contrer tout effet négatif, les plantes répondent à plusieurs stratégies, comme celle d’avoir des feuilles de taille réduite, montrant parfois de minuscules écailles ou épines. D’autres ont des feuilles organisées de sorte à protéger le cœur du végétal et à retenir l’humidité : elles forment ainsi une "rosette", comme on peut le voir chez certains représentants de la famille de l’ananas (Ananas comosus) qui, eux, vivent dans les déserts (contrairement à l'ananas que l'on mange). Les petits poils à la surface des feuilles, aussi appelés trichomes, permettent d’absorber l’eau et de réfléchir la lumière solaire trop intense. D’autres poils protègent les stomates, ces pores qui servent aux végétaux pour "respirer", ce qui leur permet de ne pas brûler.
Certaines plantes, quant à elles, ont réduit (voire totalement éliminé) la présence de feuilles pour survivre en milieu aride : c’est le cas des cactus américains, dont les tiges et rameaux assurent la photosynthèse.
Le Welwitschia mirabilis, un des rares végétaux à larges feuilles dans le désert
Dans le désert du Namib, le Welwitschia mirabilis est une véritable curiosité… Cette espèce s’est adaptée à la chaleur tout en gardant ses deux grandes feuilles qui ressemblent à de larges rubans. Ces dernières font preuve de capacités d’absorption de l’humidité exceptionnelles, tandis que ses racines sont très étendues. Le vent, très puissant dans le désert, dissémine ses graines. Sa longévité est exceptionnelle : on suppose que certains spécimens ont plus de 1 000 ans !
Les oasis, des bulles artificielles dans le désert
Relecture scientifique

Aude Lalis
Chercheuse en génétique à l'Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité (UMR 7205), et chargée de la Collection de Mammifères marins au Muséum national d’Histoire naturelle

Anthony Herrel
Directeur de recherche CNRS au Muséum national d'Histoire naturelle (Mécanismes Adaptatifs et Evolution MECADEV- UMR 7179)

Denis Larpin
Maître de conférences et responsable scientifique des collections végétales des Jardins botaniques du Muséum national d’Histoire naturelle (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité - UMR 7205)

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Déserts, vivre en milieu extrême
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- Sous la direction de Vincent Battesti, Maël Crépy, Anthony Herrel, Aude Lalis, Denis Larpin
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