Recherche scientifique

Une étude sur la variation du crâne des tétrapodes terrestres menée par Ryan Felice

Une grande diversité morphologique traduit-elle forcément un plus fort degré d'évolution ? Visiteur SYNTHESYS du University College à Londres, Ryan Felice se propose de répondre à cette question en se fondant sur la variation morphologique du crâne des vertébrés terrestres (Tetrapoda). Pour ce faire, le jeune chercheur d'origine américaine, est venu scanner nos collections de tétrapodes terrestres (amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères) afin de réaliser la première base de données morphologiques du crâne et de la mandibule de ce groupe zoologique, de 300 millions d’années à nos jours.

Expliquer la diversité morphologique au sein de l’arbre du vivant est un sujet d’intérêt majeur en biologie évolutive et en paléontologie. Par exemple, les oiseaux comprennent presque 10 000 espèces et présentent des formes extrêmement variées, alors que leurs plus proches cousins encore vivants, les crocodyliens, sont représentés par à peine 23 espèces qui se ressemblent beaucoup physiquement. Les efforts fournis jusqu’à présent pour comprendre l’influence de facteurs extrinsèques (ex. changements climatiques, extinctions de masse…) sur le nombre d’espèces et la variation morphologique se sont limités à l’analyse de phénotypes – expression visible du code génétique d’un être vivant, tel que la couleur des yeux, la taille des individus, ou d’autres caractères « discrets ». Quoi qu’il en soit, pour véritablement comprendre la radiation morphologique et écologique, il s’avère nécessaire de mieux appréhender l’expression des phénotypes, en prenant en considération les interactions entre caractères (ex. yeux bleus souvent associés aux cheveux blonds chez les êtres humains).

L’objectif de ce projet est tout d’abord de quantifier la variation morphologique du crâne et de la mâchoire inférieure des archosaures fossiles et actuels (groupe comprenant les oiseaux, les crocodiles, et leurs ancêtres fossiles tels que les dinosaures) en utilisant des méthodes d’imagerie et de morphométrie modernes.

« Dans le cadre de mon projet SYNTHESYS, j’utiliserai un scanner-laser portatif pour créer des modèles tridimensionnels numérisés d’oiseaux et d’alligators conservés au Muséum national d’Histoire naturelle. À partir de ces modèles tridimensionnels, des données morphologiques seront collectées, permettant l’analyse statistique de l’évolution morphologique. » explique Ryan Felice. L’ensemble de données multivariées haute dimension sera ensuite utilisée pour évaluer à la fois (A) la variété des modèles morphologiques et (B) les liens entre divers caractères phénotypiques présents chez ces modèles au niveau du crâne. Cette dernière approche s’avère particulièrement informative puisqu’elle permet de prendre en considération les interactions génétiques, développementales, et fonctionnelles qui interviennent dans les changements évolutifs.

« Je vais également examiner les tendances macro-évolutives de la morphologie des archosaures. Par exemple, est-il possible que les clades (groupe de taxons possédant un ancêtre commun) présentant une plus grande variété morphologique résultent d’un plus grand degré évolutif de leur morphologie ou de spéciation ? Les lignées diffèrent-elles en magnitude d’intégration morphologique ? Ces différences peuvent-elles être liées à des paramètres écologiques et d’éducation (ex. régime alimentaire, habitat, soins parentaux…) ? Est-il possible d’identifier et de corréler des transitions dans la disparité et l’intégration morphologiques avec des facteurs extrinsèques majeurs tels que les extinctions de masse ? » poursuit le jeune chercheur.

Enfin, ces données contribueront à un projet collaboratif de grande envergure testant des hypothèses similaires au sein du groupe Tetrapoda (tous les vertébrés terrestres : oiseaux, reptiles, mammifères et amphibiens inclus). Cette étude est vraiment inédite en son genre. L’objectif final consiste en la collecte des données de tous les représentants des familles de Tétrapodes actuels et fossiles, totalisant plus de 1700 spécimens sur une période de 300 millions d’années d’évolution.

En outre, les techniques d’analyse par imagerie 3D utilisées dans le cadre de ce projet apportent une description inédite et extrêmement robuste de la variation morphologique, permettant d’appréhender la totalité des caractères observables (ie. « phénome ») du crâne et de la mandibule.

Pour toutes ces raisons, il est évident que les résultats de ce projet SYNTHESYS vont ouvrir de nouvelles perspectives relatives à l’évolution du crâne des Tétrapodes.

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