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Endémisme et diversité des geckos du Maghreb

Luis Carlos MACHADO réalise sa thèse de doctorat au CIBIO/INBIO (Vairao, Portugal) sur la diversité de reptiles plus communément appelés geckos. Ses travaux portent sur des taxons endémiques du Maghreb : Saurodactylus et Ptyodactylus. Car, en effet, si de nombreuses campagnes de collecte ont été menées pendant plusieurs années par des équipes de recherche du Muséum national d'Histoire naturelle, et malgré la richesse de la collection, il reste encore de nombreuses zones d’ombres dans la classification de ces groupes. Grâce à une bourse de recherche du programme SYNTHESYS, L. C. Machado espère bien éclaircir quelques mystères concernant ces deux genres… qui n’en sont peut-être pas…

Le bassin méditerranéen est considéré comme un hotspot mondial de biodiversité. Toutefois, certaines régions sont encore peu étudiées, et en particulier le Maghreb. Saurodactylus (Duméril & Bibron, 1836) et Ptyodactylus oudrii (Lataste, 1880) sont des exemples de taxons sur lesquels un effort taxonomique est nécessaire si l’on en croit les récentes informations génétiques de ces deux groupes endémiques de reptiles de la région. En effet, le genre Saurodactylus comprend actuellement trois espèces Saurodactylus fasciatus, S. mauritanicus et S. brossetti (Fig. 1). Mais de nouvelles analyses génétiques suggèrent que ce groupe serait constitué de deux genres distincts. En outre, Saurodactylus brossetti présente une diversité génétique intraspécifique élevée, avec des valeurs comparables à celles observées au sein d’une classification de type « complexe d’espèces ».

Portrait de Luis Machado
En ce qui concerne Ptyodactylus oudrii (Fig. 2), les données génétiques dont nous disposons proposent également un possible « complexe d’espèces », avec des groupes bien délimités entre l’Atlas tellien, le moyen Atlas, le haut Atlas et l’Anti-Atlas. La délimitation taxonomique joue un rôle central dans les études comparatives en écologie, ainsi que pour mettre en place des plans de conservation. De plus, comme mentionné plus haut, les données génétiques suggèrent qu’il existe un genre et plusieurs espèces endémiques dans la région du Maghreb, et ces derniers nécessitent une réelle description. Hors, il n’est pas possible, ni concevable, de définir une nouvelle espèce ou un nouveau genre en se fondant uniquement sur les données génétiques. Ainsi, via la bourse de recherche du programme SYNTHESYS, Luís Carlos Machado et son équipe aspirent à développer une base de données morphologiques leur permettant de réaliser une révision taxonomique intégrative de Saurodactylus et de Ptyodactylus oudrii.

L’espèce d’intérêt du projet mené par L. C. Machado présente une distribution comprenant le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. L’année dernière, l’équipe est allée sur le terrain au Maroc et s’est concentrée précisément sur les zones de contact où deux espèces putatives se côtoient. Pour disposer d’un échantillon conséquent, repérer la zone géographique de chaque espèce prend un temps considérable puisqu’il faut prospecter les représentants de chaque espèce sur le terrain. Par chance, des années de recherche réalisée par le Muséum national d'Histoire naturelle ont permis de constituer aujourd’hui l’une des plus belles collections de Saurodactylus et Ptyodactylus oudrii.

Historiquement, les descriptions d’espèces de reptiles s’appuient principalement sur le comptage des écailles et les analyses de morphométrie linéaire (mesures de longueur, de largeur…). Afin de s’appuyer sur une recherche méthodologique reproductible dans le temps et pour les deux taxons, L. C. Machado et son équipe ont collecté des informations relatives à l’évolution des motifs observables sur le corps et les données morphométriques qui ont déjà été utilisées par le passé pour étudier ces taxons.

Dans le cadre de cette étude, l’équipe va également prendre en considération les données morphométriques géométriques de chaque taxon, telles que la variation de forme (celle de la tête) et les covariantes d’autres variantes. Enfin, grâce aux équipements d’imagerie dont dispose le Museum national d'Histoire naturelle, tels que le CT-SCAN (tomodensitométrie à rayons X), ils ont pu obtenir des images 3D de ces animaux avec un très haut degré de résolution. Enfin, point extrêmement important, cette technique n’engendrant aucune destruction des spécimens, il a été possible d’obtenir ces données à partir des spécimens-type sans lesquels aucune révision taxonomique ne serait possible.

Les données collectées sont actuellement en phase d’analyse afin de savoir si les hypothèses morphologiques corroborent les données génétiques. L. C. Machado et son équipe espèrent pouvoir conclure avec précision si la diversité significative au sein de ces groupes est fondée sur des paramètres morphologiques et génétiques, ou si c’est un cas de diversification cryptique (dans une zone limitée).

Concernant le genre Saurodactylus, ils vont ainsi disposer d’une base de données conséquente, surtout d’un point de vue ostéologique, sur laquelle s’appuyer pour définir s’il est nécessaire de proposer l’existence de deux genres plutôt qu’un seul. Et dans ce cadre, le programme scientifique européen SYNTHESYS contribue grandement à une meilleure connaissance de la diversité de l’herpétofaune (reptiles) au Maghreb.

Saurodactylus brossetti

© MNHN

Ptyodactylus oudrii

© MNHN