Recherche et expertise
Alerte presse

Interactions plantes - mammifères frugivores : l'étude d'espèces actuelles et passées permet de prédire le futur

Des chercheurs de l’Unité « Mécanismes adaptatifs et évolution » (Muséum national d’Histoire naturelle - CNRS) associés à des chercheurs internationaux ont réalisé pour la première fois une estimation de la taille des graines et des fruits que les espèces de mammifères disparues étaient capables d'ingérer et potentiellement de disperser. Aussi la comparaison de la taille des graines ingérées, des dimensions du crâne et de la masse corporelle des mammifères frugivores actuels est une base solide pour prédire les conséquences de l'extinction de ces mêmes animaux dans les forêts tropicales. L’étude vient de paraître dans la revue Functional Ecology.

Le kinkajou (Potos flavus), un mammifère Carnivore de la famille du raton laveur (Procyonidae), en train de consommer une graine de l’arbre yayamadou-montagne (Virola michelii, Myristicaceae) (3 janvier 2020) en forêt guyanaise

© MNHN - P.-M. Forget / E. Guilbert - UMR MECADEV

De nombreux arbres dépendent des mammifères pour la dispersion des graines, notamment sous les tropiques. En effet, les mammifères peuvent consommer de nombreux fruits et ingérer de nombreuses graines qui peuvent être retrouvées, parfois, parfaitement intactes dans leurs excréments. Aussi ces mammifères ont-ils un rôle essentiel dans la régénération de nombreuses espèces d'arbres - en particulier ceux qui ont de grosses graines en raison de leurs capacités limitées de dispersion passive. Cependant, la plupart des grands mammifères (tapirs, éléphants, primates, etc.) sont menacés sous les tropiques à cause de la chasse, de la destruction et la fragmentation des habitats notamment.

L’équipe de recherche a donc cherché à comprendre les relations entre la morphologie d'un mammifère, comme les dimensions de son crâne ou sa masse corporelle, et la taille des fruits et graines ingérés. Ce, auprès d’espèces déjà disparues et auprès d’espèces actuelles. L’objectif est, ensuite, de pouvoir faire des estimations sur les limitations de dispersion que subiraient les espèces d'arbres si ces mammifères disparaissaient eux aussi. Les chercheurs ont mesuré des crânes et compilé des données sur la masse corporelle, la taille des graines et des fruits sur des espèces actuelles : chauves-souris, carnivores (par exemple, le kinkajou), primates d'Afrique, d'Amérique du Sud, d'Asie et de Madagascar. Tous sont reconnus comme d'importants agents de dispersion ayant une forte consommation de fruits dans leur régime alimentaire. Les résultats démontrent bien un lien entre la taille des graines ingérées, les dimensions du crâne et surtout la masse corporelle chez les mammifères frugivores. 

Sur la base de ces résultats, les auteurs ont fait une comparaison avec les capacités d'ingestion de cinq singes du Pleistocene et de l’Holocène, aujourd’hui disparus (trois lémuriens, un singe titi et un singe hurleur) en se basant sur les mêmes critères morphologiques. Il en résulte que ces singes ont probablement joué un rôle important dans la dispersion des graines d'espèces végétales à grosses graines (jusqu'à 3 cm de long) et permis une meilleure régénération des forêts tropicales dans le passé tout comme le font les mammifères actuels.

En définitive, les interactions plantes-mammifères sont indispensables pour la survie de la forêt et cette étude fournit une base solide pour prédire les conséquences de l'extinction des frugivores dans les forêts tropicales.

Référence

Elise Sivault, Kim McConkey, Francois Bretagnolle, Asmita Sengupta, Joanna Lambert, Eckhard Heymann, Pierre-Michel Forget et Anthony Herrel. 2023. Can body mass and skull morphology predict seed and fruit ingestion potential for mammal species? A test using extant species and its application to extinct species.
Functional Ecology - doi.org/10.1111/1365-2435.14300

Contacts presse

Muséum national d’Histoire naturelle
Samya Ramdane : 01 40 79 54 40
Blandine Priour : 01 40 79 53 87
Sophie Minodier : 01 40 79 38 00
presse [@] mnhn.fr

Notes de bas de page