Impacts de la pollution lumineuse diffuse sur les chauves-souris
Une équipe de recherche du Centre d'Écologie et des Sciences de la Conservation (CESCO – Muséum national d’Histoire naturelle / Sorbonne Université / CNRS) et de l’Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie (IMPMC – Muséum national d’Histoire naturelle / Sorbonne Université / CNRS / IRD) publient de nouveaux résultats à propos des effets de la pollution lumineuse sur une partie de la biodiversité française à travers le cas des chauves-souris. Cette étude paraît dans la revue Environmental Pollution.
Plus de 80 % de la population mondiale vit sous un ciel empreint de pollution lumineuse. Les éclairages artificiels nocturnes représentent à la fois un enjeu majeur dans la recherche de sobriété énergétique et pour l’équilibre des écosystèmes et de la biodiversité. Aussi, dans cette étude, les scientifiques se sont attachés à étudier les effets de la pollution lumineuse dite diffuse ou « skyglow » sur une espèce de chauve-souris, la Sérotine commune (Eptesicus serotinus). Le « skyglow » se caractérise par des halos de pollution lumineuse qui se forment autour des villes et s’étendent au-delà, dans des zones jusqu’alors non éclairées.
L’équipe de recherche a analysé 7 années d’observations citoyennes recueillies par le programme national de sciences participatives du Muséum national d’Histoire naturelle, Vigie-Chiro. Plus de 1 800 nuits de suivis de l’activité des chauves-souris sur plus de 1 000 sites en France ont permis de conclure que la Sérotine est moins abondante dans des paysages pollués par la lumière artificielle. Son activité nocturne y est aussi plus tardive et ce retard est d’autant plus marqué que la couverture nuageuse est importante, car cette dernière réfléchit la lumière émise depuis le sol et amplifie ainsi l’intensité du skyglow. Ce retard pourrait se traduire par un temps de chasse plus restreint ainsi qu’une désynchronisation avec les pics d’activité des insectes dont elles se nourrissent, et donc se répercuter sur l’état des individus (fécondité, survie) voire sur les populations.
L’inverse est aussi observé dans des paysages exempts d’éclairage artificiel nocturne : plus le ciel est couvert, et donc sombre, plus l’activité nocturne de l’espèce est précoce. En mettant en évidence un effet de la pollution lumineuse diffuse sur une espèce pourtant considérée comme tolérante à l’éclairage artificiel nocturne, les résultats de cette étude suggèrent également des impacts plus drastiques probables pour des espèces considérées comme sensibles à la pollution lumineuse.
Alertant sur une application plus stricte de la réglementation française relative aux nuisances lumineuses, l’étude propose par ailleurs une série de mesures possibles telles que la limitation du nombre de points lumineux non indispensables, l’extinction en cœur de nuit, la diminution de l’intensité lumineuse émise et une meilleure directivité des flux de lumière. La mise en place de ces solutions contribuerait à mieux préserver la biodiversité et le patrimoine nocturne tout en se dirigeant vers une sobriété énergétique.
Référence
Mariton, L., Kerbiriou, C., Bas, Y., Zanda, B. & Le Viol, I. (2022). Even low light pollution levels affect the spatial distribution and timing of activity of a “light tolerant” bat species. Environmental Pollution. https://doi.org/10.1016/j.envpol.2022.119267
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