Sciences

Une étude révise la chronologie néolithique de Mehrgarh, au Pakistan

Une étude internationale, impliquant le Muséum, révise la datation du site archéologique de Mehrgarh, au Pakistan, site clé pour la compréhension du déroulement de la période néolithique dans la vallée de l’Indus. Période charnière dans l’histoire humaine, le Néolithique marque le début de la domestication des plantes et des animaux. Cette nouvelle étude, publiée dans Scientific Reports, remet en question l’idée selon laquelle Mehrgarh était un centre de domestication très ancien dans lequel les habitants auraient développé des techniques agricoles de façon autonome, sans l’influence de populations voisines.

Qu’est-ce que le Néolithique ?

D’une façon générale, dans le monde, le « Néolithique » est une période de la Préhistoire durant laquelle les populations anciennes passèrent graduellement d’une économie de prédation (chasse et cueillette) à une économie de production, c’est-à-dire avec une mise en culture des plantes, notamment les céréales, et l’élevage des animaux. Son apparition et son déroulement diffèrent d’un point à l’autre de la planète.

Que montre la nouvelle datation du site de Mehrgarh au Pakistan ?

Le site de Mehrgarh, au Pakistan, était jusqu’alors considéré comme un village dans lequel l’agriculture est apparue de façon indépendante il y a environ 10 000 ans, c’est-à-dire sans l’apport des développements agricoles mis en évidence au Proche-Orient, où les premières traces de domestication sont observées quelque 1 500 ans auparavant.

On pensait aussi que cette période à Mehrgarh avait duré plusieurs millénaires. Or, la nouvelle étude montre que la période néolithique sur ce site de la vallée de l’Indus aurait en réalité démarré il y a environ 7 000 ans et duré seulement deux à cinq siècles.

Carte montrant la localisation du site archéologique de Mehrgarh au Pakistan et des autres sites mentionnés dans l'article New radiocarbon dates of human tooth enamel reveal a late appearance of farming life in the indus Valley. Sci Rep 15, 11345 (2025).

Carte montrant la localisation du site archéologique de Mehrgarh au Pakistan et des autres sites mentionnés dans l'article New radiocarbon dates of human tooth enamel reveal a late appearance of farming life in the indus Valley. Sci Rep 15, 11345 (2025).

© B. Mutin et al.

Pourquoi cette étude est-elle importante pour la compréhension du Néolithique en Asie du Sud ?

Ce rajeunissement de quelque 3 000 ans remet en question l’idée selon laquelle Mehrgarh était un centre de domestication ancien et indépendant des développements observés plus à l’ouest. L’agriculture aurait semble-t-il été apportée à Mehrgarh il y a 7 000 ans, par des groupes de populations vraisemblablement venus d’Iran et/ou d’Asie centrale. Or, à ce jour, Mehrgarh est le seul site de la vallée de l’Indus où de nombreuses habitations et tombes néolithiques ont été fouillées, ce qui en fait un site essentiel pour comprendre les débuts de l’agriculture dans cette région.

Sépulture néolithique de Mehrgarh, au Pakistan, en cours de fouilles. Mission Archéologique de l'Indus.

Sépulture néolithique de Mehrgarh, au Pakistan, en cours de fouilles. Mission Archéologique de l'Indus.

© C. Jarrige

En quoi ces nouvelles datations sont-elles innovantes et fiables ?

C’est la première fois que des mesures sont conduites par la méthode du radiocarbone sur un si grand nombre d’échantillons de ce site, découverts dans des contextes archéologiques fiables.

Les scientifiques ont réalisé des datations sur l’émail dentaire de 23 sépultures humaines, issues de neuf niveaux de cimetière successifs, séparés de niveaux d’habitat. Le village néolithique de Mehrgarh était en effet constitué de maisons en briques crues et de nouvelles habitations étaient reconstruites sur les vestiges des anciennes, en alternance avec des sépultures. Les analyses ont donc été menées sur l’ensemble de la période d’occupation néolithique du site, les échantillons analysés provenant des niveaux les plus anciens aux plus récents.

Ils ont été recueillis dans des tombes, des contextes clos et fiables. L’émail dentaire provenant de sépultures garantit de réellement dater la couche archéologique du cimetière, contrairement au charbon par exemple, qui peut migrer dans la stratigraphie. Le charbon peut en effet être déplacé par des activités humaines ou animales, lors de crues, etc., et ne pas être lié directement à des activités humaines (par exemple dans le cas de feux de forêt naturels).

Que révèlent les vestiges archéologiques de Mehrgarh ?

Différents types de vestiges (briques, figurines, etc.) découverts dans les niveaux d’occupation néolithiques de Mehrgarh présentent des similarités avec des productions provenant de sites néolithiques et chalcolithiques (période située entre le Néolithique et l’âge de Bronze), également datés d’il y a environ 7 000 ans, situés à l’ouest, notamment en Iran. C’est également le cas des espèces animales et végétales domestiquées à Mehrgarh (chèvre, mouton, vache, blé et orge) qui l’étaient aussi en Iran et en Asie centrale. Enfin, cette étude révèle que l’usage de la poterie, qui apparaît lors de la période suivante, a démarré il y a environ 6 500 ans, soit plus tard qu’on ne le pensait jusqu’alors et plus tardivement qu’en Mésopotamie et en Iran.

Référence scientifique

Mutin, B., Zazzo, A., Bondioli, L. et al. New radiocarbon dates of human tooth enamel reveal a late appearance of farming life in the indus Valley. Sci Rep 15, 11345 (2025). https://doi.org/10.1038/s41598-025-92621-5

Relecture scientifique

Image décorative

Benjamin Mutin

Archéologue au sein de l'UFR d’Histoire de l’Art et Archéologie, Sorbonne Université et de l'UMR 8167 Orient & Méditerranée

Photo d'Antoine Zazzo

Antoine Zazzo

Bioarchéologue, au sein de l'unité de recherche BioArchéologie, Interactions Sociétés Environnements (UMR 7209 - BioArch) (CNRS, Muséum national d’Histoire naturelle)