
Recherche scientifique
Restaurer les haies dans les terres de grandes cultures, une priorité pour la conservation de la biodiversité
11 octobre 2023
Il est urgent de préserver et replanter des haies pour redonner de l’espace à la biodiversité. Mais par où commencer ? Une étude menée par les chercheurs du Centre d’Écologie et des Sciences de la Conservation du Muséum national d’Histoire naturelle priorise le reboisement des espaces agricoles.
En France, 70 % des haies d’alignement ont disparu depuis 1950. Et la tendance s’accélère sans cesse, avec une perte de presque 24 000 km/an. Les mises en œuvre de plusieurs textes protecteurs, français et européens, sont en discussion : le Pacte en faveur de la haie, la Stratégie Biodiversité 2030 et la Loi sur la Restauration de la Nature.
Dans ce contexte, l’étude du CESCO publiée dans le journal Biological Conservation constitue un nouvel élément d’aide à la décision pour définir et prioriser les stratégies de conservation et de plantation. Ces travaux, menés par Clément Vallé sous la direction de Karine Princé et Isabelle Le Viol, analysent en effet la corrélation entre la présence de petits éléments boisés (des haies aux petits bois de moins de 5 000 m2) et l’abondance (nombre d’individus) et la richesse (nombre d’espèces) de la biodiversité présente.
Des données multiples grâce aux sciences participatives
L’originalité de la démarche tient à la multiplicité des groupes d’espèces (ou taxons) étudiés. Deux programmes de sciences participatives ont fourni des données d’observations réalisées durant deux ans sur 111 espèces d’oiseaux, 22 espèces de chauves-souris et 25 espèces d’orthoptères (sauterelles et grillons), de 2015 à 2019.
Cette diversité des taxons permet l’étude de différents maillons de la chaîne alimentaire et d’agro-écosystèmes variés, dans des prairies, des polycultures, des monocultures de grands espaces, des bocages (prés délimités par des haies).
Un bénéfice accru dans les paysages arables
Les résultats de ces travaux confirment que la présence de haies, offrant habitat et ressources, favorise une biodiversité plus riche et plus abondante. Plus remarquable, la publication quantifie ce bénéfice selon les milieux étudiés.
Ainsi, il apparaît que, dans les terres arables, un apport de 1 à 6 % de petits éléments boisés accroît de façon importante le nombre et la diversité des espèces présentes. Au-delà, entre 6 et 12 %, l’effet est plus faible, jusqu’à atteindre un plateau.
Les chercheurs préconisent donc de cibler prioritairement la restauration des haies dans les terres arables où l’effet positif serait rapide et sensible. Aujourd’hui en effet, les petits éléments boisés ne représentent que 2,5 % en moyenne des surfaces étudiées.
Mixer les mesures de préservation et de restauration
Pour maximiser la biodiversité, l’objectif minimal de 6 % de haies devrait aussi s’accompagner d’une mosaïque de mesures telles que la réduction des usages de pesticides, la diversification et la rotation des cultures et le déploiement d’autres éléments de diversité paysagère.
Ainsi, les oiseaux des champs ne retirant pas de véritable bénéfice des haies seront eux aussi préservés. Et l’ensemble des services écosystémiques liés à ces éléments boisés (limitation de l’érosion, meilleure retenue d’eau, ombrage pour les animaux d’élevage…) pourraient être restaurés.
Référence scientifique
C. Vallé, I. Le Viol, C. Kerbiriou, Y. Bas, F. Jiguet, K. Princé, Farmland biodiversity benefits from small woody features, Biological Conservation, Volume 286, 2023, DOI: 10.1016/j.biocon.2023.110262
Remerciements à Karine Princé et Clément Vallé, chercheurs au Muséum national d’Histoire naturelle (UMR 7204 Centre d’Écologie et des Sciences de la Conservation) pour leur relecture et participation.
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