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Mise à l'eau de la Korrigane, le nouveau navire de recherche du Muséum

Vendredi 8 novembre 2024, le Muséum national d'Histoire naturelle inaugure à Saint-Malo son nouveau bateau bas carbone pour la station marine de Dinard, un site du Muséum. Le bateau entamera ensuite ses premières campagnes de recherche océanographique côtière d’envergure. Le but ? Permettre aux scientifiques de mettre en œuvre des méthodes d’échantillonnages non-extractives et non-invasives innovantes.

La Korrigane : un bateau pour réduire l’empreinte environnementale de la navigation scientifique

Baptisé la Korrigane en hommage à l’expédition d’exploration scientifique éponyme menée dans le Pacifique Sud en 1934-1936 sous l’égide du Musée de l’Homme, le nouveau navire est inauguré le 8 novembre à Saint-Malo. La navigatrice et autrice Isabelle Autissier en est la marraine.

Polyvalent pour les scientifiques et durable tant sur le plan énergétique que des matériaux, il remplacera le Louis Fage, le chalutier de recherche de la station marine de Dinard qui datait de 1987. Il s’agit d’un monocoque de 15 mètres de long, 4,6 mètres de large avec un faible tirant d’eau afin de travailler dans les milieux côtiers peu profonds.

Initié et imaginé par le Muséum, en collaboration avec le lycée d’apprentissage maritime de Saint-Malo, les conchyliculteurs, les mytiliculteurs, les pêcheurs et les financeurs, ce bateau est le fruit de réflexions collectives et d’innovations majeures. Il permettra de réduire l’empreinte environnementale de la navigation scientifique – contribuant ainsi à l’exemplarité de la recherche océanographique du Muséum – et d’améliorer la sécurité du travail.

La Korrigane est à propulsion mixte : l’utilisation du carburant reste indispensable pour les missions longues mais vient compléter le mode de propulsion principal, qui est électrique grâce aux deux tonnes de batteries intégrées. En addition, le Muséum étudie la possibilité d’installer des voiles solaires rigides pour être déployées dès que les conditions seront adéquates pour une navigation douce. Enfin, la coque, conçue en aluminium, sera à terme recyclable.

Bateau dédié à la recherche, la Korrigane vise également la formation des marins professionnels grâce à un partenariat avec le lycée d’apprentissage maritime de Saint-Malo et le comité des pêches du département d’Ille-et-Vilaine.

Premières missions d’échosondage, pour une recherche non-invasive

La station marine de Dinard du Muséum étudie les écosystèmes marins côtiers, la biodiversité qu’ils abritent, et leurs variations liées aux activités humaines. Les premières campagnes de la Korrigane s’inscriront pleinement dans ce cadre : elles permettront d’obtenir une liste exhaustive d’espèces et une analyse des quantités (biomasse) des bancs de poissons côtiers.

Pour les chercheurs, la Korrigane offrira la possibilité de réaliser échantillonnages, cartographies et observations. Il est adapté à la plongée sous-marine scientifique, permettra de mettre en œuvre diverses techniques de pêches scientifiques pour prélever organismes et sédiments. Il est équipé d’instruments électroniques pour analyser les propriétés de l’eau, effectuer des échosondages permettant de décrire les fonds marins, les courants, les communautés de poissons et de zooplancton. Des prélèvements d’eau pour analyse d’ADN environnemental seront aussi réalisables. En relevant simultanément des paramètres de courants marins, de température et de salinité sur toute la colonne d’eau, grâce à un ADCP (doppler) et un thermosalinographe, les chercheurs pourront disposer des données inédites pour mieux comprendre la variabilité des communautés de poissons en réponses aux pressions et changements environnementaux. Ces informations sont cruciales pour fournir le socle scientifique de la gestion des milieux marins.

Après avoir effectué quelques missions sous forme de test, la Korrigane effectuera dès le mois de novembre ses premières missions d’envergure. Elle effectuera notamment des travaux d’échosondage dans la baie de Saint-Brieuc et le long de côte d’Émeraude.

Le navire permet de déployer des méthodes d’échosondage (sonar à balayage latéral et sondeur multifaisceaux) pour caractériser la biodiversité des écosystèmes rocheux, au travers des levés topographiques couplés avec des inventaires de la biodiversité à l’aide de caméras et des plongeurs scientifiques. Grâce à l’intelligence artificielle, ces levés permettent de produire des descriptions spatialisées à haute résolution de la diversité des habitats marins rocheux sur de grandes surfaces et de produire des cartes inédites.

La recherche océanographique au cœur des enjeux internationaux

De par la diversité de ses activités, le Muséum agit pour une meilleure connaissance du milieu marin : à travers ses collections, au sein de ses stations marines et dans ses laboratoires, grâce à ses campagnes d’exploration, par ses programmes de sciences participatives, par ses actions de diffusion auprès du public…

Avec la Korrigane, le Muséum va encore plus loin et se dote, à la station marine de Dinard, de nouveaux moyens ambitieux pour poursuivre ses actions en faveur de l’océan. Sa mise à l’eau intervient alors que la compréhension et la protection des écosystèmes marins sont un enjeu majeur, que les Nations unies ont déclaré les années 2020-2030 « Décennie des sciences océaniques pour le développement durable » et, qu’en juin 2025, se tiendra en France la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC 2025).

L’aboutissement de ce projet de « bateau du futur », grâce au travail collectif des équipes du Muséum, des financeurs (MNHN, Région Bretagne, Europe, Plan de Relance, Crédit Maritime de l’Ouest), des entreprises locales (Cabinet d’architecture Navale ShipST, Chantier Gléhen à Douarnenez), témoigne de l’engagement face aux défis internationaux tels que portés lors de la dernière Journée mondiale de l’Océan par le secrétaire général des Nations unies :

« Le Sommet de l’avenir de cette année et la Conférence des Nations Unies sur l’océan qui se tiendra l’année prochaine en France sont autant d’occasions de s’engager à agir pour restaurer et protéger nos précieux écosystèmes marins et côtiers. C’est maintenant que les gouvernements, les entreprises, les investisseurs, les scientifiques et les collectivités doivent s’unir pour défendre nos océans. » Antonio Guterres