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Liste rouge des espèces menacées : les perles et les mille-pattes de France métropolitaine en danger
Les perles et les mille-pattes chilopodes, deux groupes d'invertébrés méconnus, sont aujourd’hui en danger en France. Le dernier bilan de la Liste rouge des espèces menacées révèle une situation préoccupante : environ 1 espèce sur 3 de perles et 1 espèce sur 5 de mille-pattes chilopodes sont menacés dans l’Hexagone. Discrètes, ces petites bêtes sont pourtant essentielles à l’équilibre des écosystèmes...
Dans la nature, il y des insectes et autres petits arthropodes que l’on ne remarque presque jamais et qui pourtant, jouent un rôle essentiel dans l'équilibre des habitats naturels ! C’est le cas des perles et des mille-pattes chilopodes, dont le risque d’extinction de France hexagonale est évalué aujourd’hui dans le dernier bilan de la Liste rouge des espèces menacées.
Des sentinelles de l'état de santé des écosystèmes

Chloroperle pyrénéenne (Chloroperla breviata), classée "Quasi menacée" dans la Liste rouge des perles de l'Hexagone. Cette espèce endémique des Pyrénées est affectée par le changement climatique.
© A. RuffoniLes perles, des insectes discrets et méconnus
Les perles, ou "plécoptères" de leur nom scientifique, sont de discrets petits insectes vivant à proximité des cours d’eau, le plus souvent au niveau des sources et des ruisseaux.
Au stade larvaire, les perles sont aquatiques avant de développer des ailes au stade adulte. Pour la plupart, ces espèces requièrent des conditions écologiques particulières, si bien qu’elles sont souvent très sensibles et peu résistantes aux perturbations de leurs habitats.

Lithobie à pattes courtes (Lithobius curtipes), classé "Quasi menacé" dans la Liste rouge des mille-pattes de l'Hexagone. Cette espèce présente un mode de vie remarquable au sein des chilopodes de France : elle est inféodée aux espaces naturels subissant des inondations plus ou moins régulières. Elle est typique des zones alluviales, des boisements étroits bordant les cours d'eau aux forêts inondables, et se retrouve occasionnellement dans des grands marais.
© C. Quindroit - MNHN/INPNLes mille-pattes, mal-aimés mais si utiles
La classe de mille-pattes étudiée dans le cadre de ce bilan est appelée "chilopodes". Ce sont de fins prédateurs qui vivent dans les forêts, sur les plages, sous les pierres, dans la terre ou même dans les grottes.
Ils jouent un rôle important dans la régulation de la microfaune et la régénération des sols : ils mangent d’autres petits animaux, aident à recycler les matières mortes, et participent à la bonne santé des sols. Ces animaux aussi, sont très sensibles aux changements de leur milieu comme les variations d'humidité, d’acidité et de température, de même qu'aux pollutions.
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Environ 1 espèce sur trois de perles menacée de disparaître

Perlode fluviatile (Isogenus nubecula), classé "Vulnérable" dans la Liste rouge des perles de l'Hexagone. Autrefois commun du Royaume-Uni à la Russie, ce plécoptère d'eaux relativement chaudes a déjà disparu de nombreux pays européens. En France, il ne subsiste plus que dans les grandes rivières et les fleuves de la Loire, de l'Allier, du Lot et de la Dordogne.
© A. RuffoniLes perles ont connu un déclin marqué dans les fleuves et se sont fortement raréfiées jusqu'à la moitié du XXe siècle. Leur régression a été causée principalement par les pollutions d'origine industrielle, urbaine ou agricole et les travaux d'aménagements comme la construction de digues, de canaux ou de barrages.
Ces atteintes ont conduit plusieurs espèces à disparaître totalement de France, comme la Perle fluviatile et le Perlode continental. Les pollutions persistantes menacent aujourd'hui encore des espèces comme le Perlode fluviatile, classé "Vulnérable".
La plupart des espèces se rencontrent désormais en montagne, où elles peuvent encore trouver des habitats relativement préservés. Mais d’autres menaces pèsent sur elles, comme l’exploitation des forêts, qui érode fortement les sols et altère les berges des ruisseaux.
Du fait de ces impacts, la Chloroperle continentale est par exemple classée "En danger critique". Les aménagements hydroélectriques, le surpâturage et les prélèvements d’eau pour des usages domestiques, agricoles ou touristiques, par exemple pour l'enneigement des stations de ski, contribuent également à dégrader les habitats essentiels de ces espèces aquatiques.
1 espèce sur 5 de mille-pattes chilopodes en danger

Géophile des algues méditerranéennes (Geophilus fucorum), classé "En danger critique d'extinction" dans la Liste rouge des mille-pattes chilopodes de l'Hexagone. Autrefois commune sur cette zone littorale, cette espèce ne subsiste plus aujourd'hui que sur de très rares plages préservées. Si aucune mesure n'est prise pour sa conservation, elle pourrait rapidement disparaître.
© E. Iorio - INPNLa dégradation, voir la destruction, des habitats naturels constituent les principales menaces que subissent ces invertébrés :
- Les mille-pattes forestiers voient leur habitat détruit par les coupes de forêts ou le remplacement des arbres feuillus par des résineux, affectant plusieurs espèces, comme le Lithobie pygmée classé "Vulnérable".
- Sur le littoral, l'urbanisation et le nettoyage mécanique des plages ont conduit des espèces comme le Géophile des algues méditerranéennes à se trouver "En danger critique".
- Les mille-pattes vivant dans les cavernes sont quant à eux touchés par le surtourisme pouvant entraîner le piétinement des sols et une pollution lumineuse. Des espèces très rares comme le Géophile de Perséphone, classé "En danger critique", sont menacées.
Certaines espèces vivent uniquement dans des milieux très spécifiques, comme les plages ou les cavernes, et peuvent disparaître très vite si les conditions naturelles de leur environnement sont modifiées.
Les changements climatiques aggravent la situation... L'augmentation des températures, les sécheresses et les incendies de plus en plus fréquents affectent particulièrement ces arthropodes qui voient leurs habitats se réduire.
Une microfaune qui mérite plus d'attention
Ce constat est d’autant plus inquiétant que ces invertébrés, bien qu’indispensables au fonctionnement des écosystèmes, ne bénéficient d’aucune mesure de protection ou d'actions de conservation ciblées. Ce sont pourtant de véritables bioindicateurs de l’état de santé des milieux naturels, et le risque d’extinction très élevé qu’ils courent aujourd’hui est un signal d’alerte fort pour l’ensemble du vivant.
Pour répondre à ces enjeux, les scientifiques appellent à mieux protéger les habitats fragiles dont dépendent ces espèces et à agir plus fortement contre les pressions qui les affectent. Ces mesures sont essentielles pour ne pas voir disparaître à l’avenir certaines de ces espèces remarquables, qui agissent comme de véritables sentinelles pour la sauvegarde des communautés d’espèces et des écosystèmes en France.
Agir pour les perles et les mille-pattes, c’est préserver les rivières, les forêts, les sols… et tout ce qui en dépend.

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Télécharger les Listes rouges des perles et des mille-pattes chilopodes de l'Hexagone
Relecture scientifique

Arzhvaël Jeusset
Chef de projet "conservation des espèces" à PatriNat (OFB-MNHN-CNRS-IRD) au Muséum national d'Histoire naturelle
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