
Sciences
Les premiers ancêtres des mammifères avaient des écailles
En avril dernier, une équipe de paléontologues, dirigée par Lorenzo Marchetti du Musée d’histoire naturelle de Berlin et intégrant Antoine Logghe du Muséum, a démontré pour la première fois la présence d’écailles sur la peau des premiers synapsides, ancêtres des mammifères, évoluant il y a quelque 290 millions d’années. Ce résultat permet de mieux comprendre l’évolution de la morphologie externe d’une famille éteinte de cousins de nos premiers ancêtres.
De lointains cousins des mammifères avaient des écailles
Les synapsides constituent un grand groupe de tétrapodes qui inclut les mammifères actuels. Au Carbonifère et au Permien, soit de – 358 millions d’années à – 252 millions d’années, de nombreuses familles composaient ce groupe des synapsides. Parmi eux se trouvent les sphénacodontes, objets de cette étude, dont le représentant le plus célèbre est le Dimetrodon, reconnaissable à sa voile sur le dos. Les sphénacodontes sont les ancêtres indirects des mammifères d’aujourd’hui.
Jusqu’à présent, leur morphologie externe n’était pas établie formellement. Lever un peu plus le voile sur leur apparence permet d’avancer dans la compréhension de l’évolution de la peau des mammifères.
Des dessins d’écailles inscrits dans la boue
Jusqu’à ce jour, seuls les squelettes, bien préservés, avaient permis de révéler des informations sur ces animaux. Toutefois, pour mieux définir leur anatomie, il fallait également étudier les tissus mous (peau, yeux). Malheureusement, ces tissus franchissent difficilement les millénaires. Ils sont ainsi souvent absents des fossiles anciens, comme ceux datant du Carbonifère et du Permien.
C’est grâce à des impressions de corps laissés dans la boue il y a 290 millions d’années sur le site de Bromacker, en Allemagne, que les chercheurs ont pu identifier et décrire les écailles attribuées au sphénacodonte Dimetrodon teutonis. Une dessinatrice du laboratoire de paléontologie du Muséum a reproduit avec précision ces empreintes de différentes parties du corps : les membres, le tronc et la queue. Les écailles se chevauchent et elles diffèrent par leur forme selon la partie du corps : rectangulaires sur le ventre, polygonales sur la queue.
Un comportement grégaire
Cette découverte renseigne également sur le mode de vie des sphénacodontes : plusieurs impressions de corps sont proches les unes des autres – jusqu’à plus de 5 sur un m² -, ce qui suggère un comportement d’agrégation. Ils profitaient sans doute en groupe de la fraîcheur des bains de boue durant le climat aride qui sévissait dans cette région au Permien.
Un projet sur un ancien site
Bromacker est situé en Thuringe, au centre de l’Allemagne. Il est désigné comme un site à préservation exceptionnelle par la quantité de fossiles présents. Il s’agit d’une ancienne carrière où de nombreux fossiles de tétrapodes sont bien conservés. Ils ont été mis au jour il y a plus de 100 ans par des carriers. Les impressions de peau relevées sur le site n’avaient cependant jamais fait l’objet d’une analyse approfondie. Par le passé, elles avaient même été attribuées à des reptiles.
Cette nouvelle découverte est le fruit d’une étude réalisée dans le cadre du projet BROMACKER, lancé en 2020 et financé par le ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche en Allemagne et par des crédits de mission accordés aux chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle.

Reconstitution du paléoenvironnement de Bromacker (Thuringe, Allemagne), au Permien inférieur, il y a environ 290 millions d’années. Les premiers ancêtres des mammifères, des sphénacodontes, s’agglutinaient lors de bains boue dans cet environnement aride et ont laissé de nombreuses impressions de corps, documentant pour la première fois la morphologie externe de leur peau : elle était écailleuse.
© MNHN - C. LetenneurRéférence scientifique
Lorenzo Marchetti, Antoine Logghe, Michael Buchwitz et Jörg Fröbisch. Early Permian synapsid impressions illuminate the origin of epidermal scales and aggregation behavior. Current Biology (2025). doi.org/10.1016/j.cub.2025.04.077
Illustration
Charlène Letenneur, dessinatrice au CR2P (Centre de Recherche en Paléontologie – Paris, MNHN).
Relecture scientifique
Antoine Logghe
Étudiant en thèse au Muséum national d’Histoire naturelle (UMR 7207 Centre de recherche en Paléontologie).
Vous aimerez aussi