Recherche scientifique

Le pin de Wollemi, la découverte botanique la plus retentissante du XXe siècle

Cet arbre, qui s'enracine au fin fond des âges, a été sauvé des flammes de justesse lors des incendies qui ont ravagé l'Australie en 2020.

Tout comme le ginkgo, la welwitschia et le séquoia de Chine, le pin de Wollemi appartient au groupe des gymnospermes, dont les graines sont souvent protégées dans des cônes, comme c’est le cas pour les sapins et les épicéas. Les gymnospermes, à la différence des sophoras ou des catalpas par exemple, ne sont donc pas des plantes à fleurs (appelées, elles, angiospermes).

La diversité des gymnospermes a été maximale au Mésozoïque (-250 à -66 millions d’années) avant de fortement régresser. Il n’en subsiste aujourd’hui que mille espèces environ, surtout répandues dans les régions boréales et montagneuses.

Certaines lignées de gymnospermes ne sont plus représentées que par une seule ou quelques espèces, souvent considérées comme « reliques » de ces groupes anciens. Découvert en Australie en 1994 comme arbre vivant, alors qu’on croyait le connaître comme espèce fossile, le pin de Wollemi fait partie de ces « espèces reliques ».

Comment reconnaître le pin de Wollemi ?

Un tronc distinctif comme recouvert de petites bulles

© CC BY

Le pin de Wollemi (Wollemia nobilis Jones, Hill & Allen) est un arbre conifère de la famille des Araucariaceae, et non des Pinaceae comme le pin sylvestre ou le cèdre. Son nom vernaculaire de pin n’est donc pas approprié, mais il s’agit de la traduction de son nom anglais Wollemi Pine, l’espèce n’existant dans la nature qu’en Australie. Il s’agit de la seule espèce du genre Wollemia.

C’est un arbre qui peut atteindre 40 mètres de hauteur, avec un tronc portant une écorce singulière, brun foncé et couverte de petits nodules semblables à de minuscules bulles. Le modèle architectural est également remarquable et unique. Ainsi, les branches sont horizontales à pendantes et portent des feuilles courtes (presque des aiguilles) sur quatre rangs. Leur croissance est rythmée par les saisons, avec des feuilles dont la longueur s’accroît visiblement au cours de l’année.

Feuillage et cônes femelles

© C. T. Johansson - CC BY

Surtout, c’est la seule espèce d’arbre actuelle qui produit uniquement des branches sans ramification, celles-ci ne subsistant sur l’arbre que 5 à 10 ans avant de tomber avec toutes leurs feuilles encore attachées, en raison de la présence d’une zone d’abscission à la base de chaque branche. En quelque sorte, les branches tombent comme les feuilles caduques de certains arbres en automne.

L’espèce est monoïque, et produit donc sur les mêmes arbres des cônes mâles et femelles. Mais ceux-ci sont bien séparés, les cônes mâles étant allongés à l’extrémité des branches intermédiaires, et les cônes femelles sphériques à l’extrémité des branches feuillées supérieures près de la cime de l’arbre.

Comment il a été « découvert »

Cet arbre, dont l’existence était totalement inconnue, a été découvert fortuitement en Australie en 1994 par David Noble, un garde du parc national Wollemi en Nouvelle-Galles du Sud.

Sa découverte a été rapidement diffusée et considérée par les médias comme l’évènement botanique le plus important du XXe siècle. L’espèce a en effet été rapprochée, dans un premier temps, d’un macrofossile de feuillage d’une espèce datée de 150 millions d’années (Jurassique), trouvée dans le gisement australien de Talbragar.

La découverte des pins de Wollemi avait alors été largement médiatisée, comparée à celle du cœlacanthe (en 1938 au large de l’Afrique du Sud) ; on les qualifia d’arbres préhistoriques ou d’arbres fossiles vivants de l’âge des dinosaures ! En tous cas, la découverte apparaissait comme la plus intéressante… depuis celle de Metasequoia en 1941 (même si cette dernière fit moins de bruit) !

L’espèce a été officiellement décrite dans une publication scientifique dès l’année 1995 et considérée comme relevant d’un genre nouveau pour la science, comportant une espèce unique, qui a été dédiée à son découvreur.

Sa seule localité connue est constituée de deux petites populations, comportant moins d’une centaine d’individus adultes, accompagnés d’environ 300 juvéniles et plantules, et situées dans un canyon d’un plateau gréseux dans la région des Blues Mountains, en Nouvelle-Galles du Sud, à seulement 150 km au nord de la ville australienne la plus peuplée, Sydney.

Sauvés des flammes

L’espèce, limitée à aussi peu d’arbres tous regroupés géographiquement, figure sur la liste rouge de l’UICN comme étant en danger critique d’extinction. Un plan de conservation et de restauration de l’espèce a été élaboré en 2007 par le ministère de l’Environnement et de la Conservation du gouvernement australien.

Ce plan prévoit de restreindre strictement l’accès du site aux visiteurs, de mettre en œuvre des mesures de sauvegarde de la station, de prendre des mesures de prévention d’introduction d’agents pathogènes, en particulier Phytophtora cinnamomi, d’accroître les connaissances sur la biologie et la génétique de l’espèce, ainsi que les espèces associées au pin de Wollemi et son habitat, de poursuivre la sensibilisation du public et la valorisation commerciale liée à la survivance de cette espèce.Étant donné la médiatisation de la découverte et la rareté de l’espèce dans la nature, la localisation précise des sites naturels est restée secrète pour éviter la destruction de ces arbres. Des boutures de Wollemia sont vendues depuis la fin des années 1990, ce qui répond à une logique commerciale, certes, mais s’inscrit aussi dans une stratégie de conservation ex-situ de l’espèce, incluant un moyen de lever la pression de recherche des sites naturels par les collectionneurs peu scrupuleux.

Bien à l’abri dans sa cage !

© CC BY

C’est ainsi que les premiers arbres plantés dans les parcs et jardins du monde ont souvent été protégés derrière les barreaux d’une cage, certains les y laissant même pour symboliser les dangers qui pèsent sur cet arbre.

Récemment, l’espèce a été directement menacée dans son site naturel par les gigantesques incendies qui ont ravagé l’Australie au mois de janvier 2020. Sa préservation a nécessité l’organisation d’une opération ciblée, (restée secrète au moment de son organisation), pour assurer le sauvetage de ces arbres.

En Australie, l'unique site naturel au monde de pins préhistoriques sauvé des flammes

© FRANCE 24

Où voir des Wollemia ?

Au Jardin des plantes de Paris

© MNHN - S. Muller

Les arbres les plus âgés présents dans les parcs et jardins ne peuvent guère avoir plus d’une vingtaine d’années, depuis qu’ils ont été produits et distribués par boutures.

Deux arbres ont été plantés en septembre 2006 au Jardin des plantes de Paris : un dans les serres et l’autre à l’extérieur à l’entrée de la galerie de paléontologie et d’anatomie comparée, placé à dessein à proximité de la sculpture de Stégosaure (grand dinosaure herbivore du Jurassique) et d’un pied d’Araucaria araucana (de la même famille que les Wollemia, les Araucariaceae).

L’Opendata des arbres de la ville de Paris ne le mentionne actuellement dans aucun parc ou espace vert parisien. Mais comme l’espèce est commercialisée depuis 2006 par des pépiniéristes pour le grand public, cela devrait permettre une augmentation sensible de la présence de cet arbre spectaculaire dans les jardins publics et privés.

Une lignée familiale extrêmement ancienne

Les fossiles réellement attribuables au genre Wollemia plaident pour une origine tardive au Crétacé supérieur, alors que les datations moléculaires font remonter l’origine de la lignée Agathoide (Wollemia et Agathis) bien avant, au Jurassique, il y a environ 170 millions d’années. La datation des Wollemia est donc toujours du domaine de la recherche. Mais il est ironique de constater que Wollemia ait été présenté de façon sensationnelle comme arbre préhistorique, alors qu'il s'agit, de toutes façons, d'un genre d'arbres beaucoup plus ancien que la préhistoire !

Les pins de Wollemi appartiennent à une famille de gymnospermes encore plus ancienne, les Araucariaceae. Apparue au début de l’ère Mésozoïque, au Trias (-250 à -200 millions d’années), elle a connu son apogée au Jurassique en étant présente sur tous les continents, puis a décliné à partir du Crétacé (-146 à -65 millions d’années). Elle ne comporte plus actuellement que 3 genres Agathis, Araucaria et Wollemia, correspondant en tout à 42 espèces principalement de l’hémisphère Sud.

La famille a peut-être pu prospérer à la faveur d’une amélioration des conditions climatiques après la période sèche du début du Trias qui succéda à la plus grande extinction massive sur Terre (transition Permien/Trias), il y a 250 millions d’années.

Araucaria montana, espèce endémique de Nouvelle-Calédonie

© MNHN - M. Gaudeul

Quoi qu’il en soit, la famille des pins de Wollemi a traversé les périodes géologiques et les crises biologiques telles que celle du Crétacé, qui balaya la plupart des dinosaures il y a 65 millions d’années. De la même façon que les dinosaures ne se sont effectivement pas tous éteints (les oiseaux modernes appartiennent à cette même lignée), les pins de Wollemi sont parmi les derniers représentants actuels de leur famille qui s’enracine au début du Trias.

Pour autant, même si la famille des pins de Wollemi est très ancienne, beaucoup des espèces de la famille ont disparu. Parmi les espèces qui sont encore présentes aujourd'hui, au moins certaines sont sûrement apparues récemment. C’est sans doute le cas des 14 espèces d’araucarias endémiques de Nouvelle-Calédonie : en effet, la faible divergence génétique constatée entre elles résulte vraisemblablement d’une diversification beaucoup plus récente qu’initialement supposée, c’est-à-dire au cours des quelques derniers millions d’années.

Les pins de Wollemi ne sont ainsi pas des fossiles vivants – pas plus qu’aucun autre être vivant – mais ce sont les derniers représentants d’une lignée familiale extrêmement ancienne, avec des morphologies panchroniques qui semblent peu modifiées depuis leurs origines.

Germinal Rouhan, Maître de conférences, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), botaniste systématicien, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et Serge Muller, Professeur, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205 ISYEB, CNRS, MNHN, SU, EPHE), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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