Île de La Réunion : la flore en alerte rouge
Dans le cadre de la Liste rouge nationale des espèces menacées, les équipes du Muséum ont participé à la réévaluation du risque d’extinction de l’exceptionnelle flore de La Réunion. Plantes à fleur, arbres, fougères… la biodiversité s’effondre alors que les mesures de conservation tardent à porter leurs fruits. Mais il est encore possible d’agir.
Que nous apprend le dernier bilan sur la flore de l’île de La Réunion ?
L’évaluation de 2023, réalisée par le Comité français de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), le Conservatoire botanique national et Centre permanent d’initiatives pour l'environnement de Mascarin (CPIE), l'Office français de la biodiversité (OFB) et le Muséum national d'Histoire naturelle, révèle la gravité de la situation actuelle, car on assiste à un véritable effondrement de la biodiversité. Treize ans après une première évaluation, 41 % d’espèces sont désormais menacées contre 30 % en 2010. 395 sont aujourd’hui classées « Vulnérables » (VU), « En danger » (EN) ou « En danger critique » (CR). Le Palmiste rouge des hauts (Acanthophoenix crinita), si caractéristique de la forêt réunionnaise et qui surplombe majestueusement la canopée, est ainsi passé de VU à EN sous la pression notamment du braconnage pour sa consommation alimentaire.
D’autres espèces souffrent de la prolifération d’espèces exotiques devenues envahissantes. C’est par exemple le cas de la Trochétie granuleuse (Trochetia granulata) désormais classée VU ou encore des derniers pieds du très rare Bois puant (Foetidia mauritiana). Ce dernier vient d’être classé « En danger critique », car il est progressivement étouffé par la Liane papillon (Hiptage benghalensis), originaire d’Indo-malaisie.
Comment travaillent les experts sur le terrain ?
Les experts en charge de la Liste rouge des espèces menacées en France recensent les données recueillies sur le terrain par le conservatoire botanique et des naturalistes professionnels ou passionnés. Ces travaux au long cours font significativement progresser nos connaissances sur le patrimoine végétal d’un site. Dans le cas de l’île de La Réunion, le travail d’inventaire conduit par les experts a permis de réduire à 8 % seulement les espèces classées en « Données insuffisantes ». En plus de mesurer l’évolution de l’état d’une espèce, ces inventaires apportent parfois de bonnes nouvelles, comme la redécouverte de la Lobélie petite (Lobelia parva), une espèce qui était présumée éteinte.
L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)
Que faire face aux menaces qui pèsent sur cette biodiversité ?
L’introduction d’espèces exotiques qui se révèlent envahissantes à plus ou moins long terme a été identifiée comme le danger principal, mais il en existe d’autres : la destruction et la dégradation des habitats naturels dues à l’urbanisation et au développement agricole, les prélèvements d’espèces en raison de leur intérêt ornemental ou pour la pharmacopée traditionnelle, le déclin voire la disparition des animaux assurant la dispersion des semences et la pollinisation des fleurs, mais aussi des épisodes saisonniers de sécheresse, de plus en plus marqués.
Face à ces menaces, les acteurs locaux ont mis en place des plans de réintroduction d’espèces ou de restauration d’habitats. La lutte biologique devra également s’accentuer – par exemple par l’introduction d’un charançon prédateur de la laitue d’eau invasive.
Mais, au-delà des actions des experts, la participation de tout un chacun s’avère primordiale pour protéger notre environnement. Il est notamment indispensable de ne plus introduire d’espèces animales ou végétales sur l’île de La Réunion. Et des changements en profondeur dans les modes de vie, à l’échelle régionale comme globale, sont nécessaires pour diminuer la pression anthropique sur la nature (se passer d’espèces exotiques, diminuer la consommation de viandes, préférer les modes de transport doux, etc.).
Entretien réalisé en novembre 2023. Remerciements à Marie Lacoste, écologue chargée de mission Habitats au Conservatoire Botanique National de Mascarin, et Arzhvaël Jeusset, chef de projet Conservation des espèces, PatriNat (OFB-MNHN-CNRS-IRD).