Recherche scientifique

Découverte de Plathelminthes invasifs géants en France

Une enquête d'envergure de 5 ans, basée sur les sciences participatives, met en évidence cinq espèces de Plathelminthes bipaliinés sur le territoire français.

Une conséquence de la mondialisation et de l’accroissement des échanges internationaux de marchandises est l’introduction d’espèces exotiques envahissantes. En France, on a ainsi vu arriver récemment le frelon asiatique, l’écureuil de Corée et le Plathelminthe de Nouvelle-Guinée. La découverte de ce dernier a donné lieu au lancement en 2013 par le Muséum national d’Histoire naturelle d’un appel à témoins sur les Plathelminthes terrestres (vers plats).

Une équipe de chercheurs dirigée par Jean-Lou Justine de l’Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité (ISYEB – Muséum/CNRS/Sorbonne Université/EPHE), a ainsi étudié pendant 5 ans quelque 700 contributions de citoyens. Il s’agit de la première enquête d’envergure sur le sujet en France métropolitaine et territoires français d’outre-mer, basée sur les sciences participatives, dont les résultats sont publiés dans PeerJ.

Carte des signalements de bipaliinés en France métropolitaine, obtenue grâce aux sciences participatives

Cinq espèces de Plathelminthes bipaliinés (des genres Bipalium et Diversibipalium), originaires d’Asie, ont été rapportées sur le territoire français métropolitain et ultramarin : Guadeloupe, Martinique, Saint Martin, Saint Barthélemy, Guyane Française, Réunion, Mayotte mais aussi en Suisse, à Monaco et au Portugal. La moitié des observations en France métropolitaine est localisée dans le seul département des Pyrénées-Atlantiques. Deux de ces cinq espèces sont des géantes parmi les Plathelminthes terrestres, atteignant jusqu’à 40 cm de long.

Les bipaliinés sont des prédateurs de la faune du sol, notamment des vers de terre, et représentent donc une menace pour la biodiversité des sols et leur équilibre écologique - ils sont capables de tuer des proies jusqu’à 50 fois plus lourdes qu’eux ! De plus, ces espèces se reproduisent par scissiparité (reproduction asexuée), moyen efficace pour une espèce invasive d’envahir rapidement un territoire. Même si une évaluation de leur impact écologique sur la biodiversité locale est nécessaire, les bipaliinés correspondent bien à la définition des espèces exotiques envahissantes.

Bien que l’invasion ait commencé il y a 20 ans - certains témoignages remontent jusqu’en 1999 -, les chercheurs n’ont trouvé aucune publication scientifique sur la présence de bipaliinés en France. Il est paradoxal que l’invasion d’un pays développé, en Europe, par des animaux aussi spectaculaires, n’ait attiré l’attention d’aucun scientifique ni d’aucune institution. Cela montre bien la méconnaissance de tous les acteurs dans ce domaine ; il va falloir pallier ce manque d’information sur les Plathelminthes terrestres qui seront de plus en plus souvent rencontrés en Europe par les citoyens et les professionnels de l'agriculture, de l'aménagement paysager, des sciences vétérinaires et de la médecine.

Morphologie générale du plathelminthe Bipalium kewense

© P. Gros

Fragment de queue du plathelminthe Bipalium kewense

© P. Gros

Le « ver à tête en forme de marteau » Bipalium kewense, le plus long des Plathelminthes envahisseurs des Antilles, ici en train de tuer un ver de terre

© P. Gros

Ressources complémentaires

Retrouvez plus d'informations sur cette découverte et ses conséquences dans l'article Des vers géants prédateurs envahissent les jardins français. Dans l’indifférence, paru sur The Conversation et dans l'article publié dans la revue scientifique PeerJ.

Captation de la conférence de Jean-Lou Justine du 20 mars 2018

Les plathelminthes terrestres, nouveaux envahisseurs de nos jardins

© MNHN

La conférence Les plathelminthes terrestres, nouveaux envahisseurs de nos jardins fait partie du cycle de conférences sur les espèces exotiques envahissantes, en partenariat avec l'Université permanente de Paris.