Recherche scientifique

Conservation de la vigne sauvage en milieu naturel

Depuis 2018, le Conservatoire botanique national du Bassin parisien – service d’expertise du Muséum – participe à un vaste programme de conservation de la Vigne sauvage en Bassée francilienne et auboise, au cœur de la vallée de la Seine. La première phase du programme se clôturera début novembre avec l’introduction de 100 nouveaux pieds de l’espèce dans et aux alentours proches de la Réserve naturelle nationale de la Bassée.

Boutures dans des pots de terre.

Bouture de plants de vigne sauvage

© P. Bardin - CBN du Bassin parisien

Le programme de conservation de la Vigne sauvage (Vitis vinifera sylvestris), parent sauvage de la Vigne cultivée (Vitis vinifera vinifera), concerne les populations de Seine-et-Marne et de l’Aube, qui sont parmi les plus importantes populations françaises de cette espèce protégée sur l’ensemble du territoire national. Ces populations sont localisées dans la vaste plaine inondable du bassin de la Seine à cheval sur la Seine-et-Marne et l’Aube, et plus particulièrement dans la Réserve naturelle nationale de la Bassée.

Si les premières années du programme ont permis d’acquérir des connaissances indispensables sur la population de Vigne sauvage et les menaces qui pèsent sur elle, le Conservatoire et ses partenaires se projettent aujourd’hui dans la deuxième phase du programme. Elle se focalisera sur le suivi des populations expérimentales, tout en veillant sur les individus historiques de la Réserve pour assurer leur préservation et celle du milieu qui les abrite. Elle pourrait ainsi permettre de mieux comprendre les menaces pesant sur la population de Vigne sauvage, et de conserver les ressources génétiques comme réservoir de possibles futurs gènes d’intérêt face au changement climatique.

Parallèlement à ce programme, le CBN du Bassin parisien vient de rendre un important rapport à destination de la Direction Régionale de l’Environnement (DRIEAT), dans le cadre du projet d’extension du périmètre de la Réserve, qui met en évidence la localisation de pieds de Vigne sauvage et de boisements alluviaux d’intérêt patrimonial.

L’ensemble de ces travaux vient donc consacrer ce territoire comme un site pilote à l’échelle nationale pour la conservation de l’espèce et de son habitat.

Points repères

Récolte de petits grains de raisin noirs.

Récolte du raisin

© F. Branger - AGRENABA
  • 2016 : rédaction du Plan Régional d’Action de Conservation en faveur de la Vigne sauvage dans la Bassée.
  • 2017 : lancement du Projet « Vigne sauvage » lauréat de l’Appel à Projet 2016 de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie « Initiative 2016 pour la Biodiversité et la qualité du milieu marin ».
  • 2018 : caractérisation génétique des pieds de Vigne sauvage afin de vérifier la pureté des pieds de Vigne sauvage dans et autour de la Réserve.
  • 2018-2020 : élaboration d’un protocole de germination en laboratoire de grains de raisins et d’amplification au Service des Cultures du Muséum à partir de sarments collectés sur les individus de Vigne sauvage purs. Mise en place de parcelles de suivis des germinations au pied des individus historiques.
  • 2021 : obtention des autorisations gouvernementales pour l’introduction de plants de Vigne sauvage. Sélection de 5 parcelles expérimentales, travaux préparatoires et plantation des premiers individus issus de la collection cultivée en jardin conservatoire.
  • 2022 : renforcement des 5 populations expérimentales avec la plantation de plus de 100 nouveaux individus.
  • … et 2023 : construction de la deuxième phase du Projet « Vigne sauvage » avec la recherche de soutiens financiers et institutionnels.

Contact :

Philippe Bardin
Responsable du Pôle Conservation du CBN du Bassin parisien
01 40 79 56 25 - 06 08 94 76 66
philippe.bardin [@] mnhn.fr

Cette importante population de Vigne sauvage se trouve à plus de 80 kilomètres au sud-est de Paris, dans la Bassée francilienne et auboise. Cette petite région naturelle est confrontée à l’exploitation régulière des alluvions ainsi qu’aux différents aménagements du lit de la Seine, entre autres la canalisation, qui ont modifié le régime hydrique de la Basse vallée de la Seine, portant ainsi atteinte au bon état de conservation et au fonctionnement des forêts alluviales, et donc aux populations de Vigne sauvage qui y sont localisées.

Le Conservatoire botanique a ainsi entamé un plan de conservation de la Vigne sauvage, en partenariat avec plusieurs acteurs locaux et nationaux*, et tout particulièrement avec le gestionnaire de la Réserve qui porte le projet sur son territoire d’action (l’Association de Gestion de la Réserve Naturelle de la Bassée).

Le plan de conservation a débuté par un travail de caractérisation génétique, effectué par les services de l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE) afin de vérifier la pureté des pieds de Vigne sauvage dans et autour de la Réserve. Une fois cette caractérisation effectuée, des prélèvements de grains de raisins et de sarments sur les individus de Vigne sauvage purs ont conduit à la constitution d’une collection d’individus sur pieds en jardin conservatoire au CBNBP. Les cultures ont ensuite été prises en charge par le service des cultures du Muséum au Jardin des Plantes, afin de parvenir à une collection d’individus adultes, et une première introduction « test » a été effectuée en octobre 2021. A l’automne 2022, une collection de 100 individus sera à nouveau introduite, répartie sur 5 sites différents, afin de renforcer les premières populations expérimentales, et ainsi contribuer à retrouver une dynamique positive au sein de la population francilienne de Vigne sauvage de la Bassée.

Au-delà de son importance dans la préservation de l’espèce et de son habitat, ce programme revêt plusieurs intérêts. Il s’agit d’une part d’une approche expérimentale originale pour mieux comprendre les menaces pesant sur la population de Vigne sauvage de la Bassée. En effet, éloignées des populations de Vigne sauvage de la Réserve dont le renouvellement naturel est quasi-inexistant, les populations expérimentales ont été installées dans des parcelles avec un stade forestier plus pionnier par rapport aux boisements matures de la Réserve dans lesquels sont retrouvées les populations relictuelles de Vigne sauvage. Le programme s’inscrit également dans une démarche de nécessaire sauvegarde des parents sauvages d’espèces cultivées dans un contexte où le changement climatique, et plus généralement les changements globaux, imposent une conservation de ces ressources génétiques comme réservoir de possibles futurs gènes d’intérêt. Enfin, ce programme s’inscrit aussi dans une réflexion plus globale autour du développement local d’activités vitivinicoles et de son potentiel impact sur la conservation des pieds de Vigne dans les populations relictuelles de Vigne sauvage en France (risque d’hybridation entre les compartiments sauvages et cultivés, introduction locale de porte-greffes américains porteurs sains du phylloxéra).