Comment il a fait le premier homme pour descendre de l'arbre où il était un singe ?

L’Homme, ou Homo sapiens notre espèce, ne descend pas du singe. En réalité, nous sommes des singes !

Voilà bien une question qui anime les débats entre les paléoanthropologues depuis des décennies. Ce sont les chercheurs qui travaillent sur l’évolution humaine.

Il s’agit d’une question très importante puisqu’elle porte sur un élément clé de l’évolution humaine : l’apparition de la bipédie, c’est-à-dire marcher sur deux pieds, contrairement à la plupart des animaux qui se déplacent à quatre pattes.

Mais revenons à la question qui présente une idée reçue très fréquente, mais fausse scientifiquement. L’Homme, ou Homo sapiens notre espèce, ne descend pas du singe. En réalité, nous sommes des singes !

En effet, du point de vue biologique et évolutif, nous appartenons à la famille des grands singes. Nous partageons d’ailleurs avec les autres représentants de cette famille (les chimpanzés, les bonobos, les gorilles, les orangs-outans et les gibbons) des caractéristiques identiques comme la disparition d’une véritable queue.

Cependant, comme toute espèce nous possédons des caractéristiques propres. Notre façon de se déplacer, presque exclusivement en bipédie, en est une. Les autres singes peuvent aussi être bipèdes, mais ils le sont d’une autre façon et sur une durée moins longue. Ils préfèrent utiliser d’autres modes de locomotion plus adaptés à leur environnement, comme se déplacer à quatre pattes (on dit qu’ils sont quadrupèdes) ou grimper dans les arbres par exemple. En réalité, notre mode de locomotion est lié à notre anatomie et en particulier à notre squelette. Ainsi l’anatomie d’un chimpanzé, fréquemment quadrupède est différente de celle d’un humain bipède.

Homme : Une colonne vertébrale présentant 4 courbures, un bassin court et évasé (en forme de bassin justement), des membres inférieurs longs (plus longs que les membres supérieurs), un pied avec des orteils relativement courts et un gros orteil parallèle aux autres. Chimpanzé : une colonne vertébrale présentant 2 courbures, un bassin court et plat, des membres postérieurs courts (plus courts que les membres antérieurs), un pied avec des orteils relativement longs et un gros orteil écarté des autres.

Le squelette humain diffère de celui du chimpanzé. Certaines de ces différences anatomiques, comme celles illustrées ci-dessus, reflètent les différences de locomotion entre les deux espèces.

© J. Duveau

C’est justement à partir des caractéristiques anatomiques observées sur des fossiles parfois vieux de plusieurs millions d’années que nous sommes capables de reconstituer, tel un puzzle, l’évolution de la locomotion. Malheureusement, cette tâche est bien difficile, car nous ne connaissons que très peu de fossiles et ils ne représentent qu’une infime part des individus qui ont peuplé la Terre au cours de son histoire. Cependant, les fossiles que nous possédons nous ont déjà révélé bon nombre d’informations. Nous savons par exemple que nos ancêtres n’ont pas acquis une bipédie identique à la nôtre en un jour. Cela s’est fait au cours de plusieurs millions d’années via des modifications anatomiques.

Remontons donc le temps ! Nos ancêtres qui vivaient il y a 8 à 10 millions d’années étaient particuliers puisqu’il s’agit d’ancêtres que nous avons en commun avec les chimpanzés, ce qui fait de nous des cousins ! Nous ne connaissons pas précisément quel type de locomotion utilisaient ces ancêtres communs… Se déplaçaient-ils de préférence sur terre ? Dans les arbres ? De façon bipède ? Quadrupède ? Nous savons par contre que ces ancêtres ont eu des descendants. Certains de ces descendants ont donné naissance aux chimpanzés et d’autres aux hommes après plusieurs millions d’années d’évolution.

Intéressons-nous aux descendants humains. Il y a 5 à 7 millions d’années, les tout premiers représentants de la « lignée humaine » étaient en partie bipèdes. En partie seulement, car l’étude de leur squelette indique qu’ils vivaient également dans les arbres. Plus récemment, entre 2 et 4 millions d’années, nos ancêtres appartenaient au groupe des australopithèques dans lequel on trouve la célèbre Lucy. Nous savons que ces australopithèques étaient bipèdes grâce non seulement à l’étude de leur squelette fossile, mais également à leurs empreintes de pieds découvertes à Laetoli en Tanzanie.

Empreintes de pas fossiliées.

Les empreintes de Laetoli ont été découvertes en Tanzanie (Afrique). Elles ont été laissées il y a 3,6 millions d’années par des australopithèques. Comme seules des empreintes de pieds et non de mains sont visibles, elles représentent l’une des preuves les plus directes et anciennes d’une bipédie proche de celle utilisée par l’homme.

© J. Duveau

Toutefois, même s’ils étaient bipèdes, les australopithèques vivaient aussi dans les arbres, et la bipédie qu’ils utilisaient était différente de la nôtre. Enfin, nos ancêtres les plus récents comme les Homo erectus ou les Néandertaliens, ont une bipédie plus similaire à la nôtre, les Homo erectus pouvaient courir comme nous sur de longues distances.

Pour résumer, la bipédie humaine s’est développée au cours de plusieurs millions d’années. L’acquisition de ce comportement particulier a donné des avantages à nos ancêtres (parcourir de plus longues distances facilitant la recherche de nourritures, mieux voir aux alentours de potentiels dangers, porter des éléments lourds…) qui ont participé à la survie et au succès de nos ancêtres au cours de l’évolution.

Jérémy Duveau, Chercheur associé, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. Article publié le 22 février 2022.

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