C’est quoi un blob ?

Ce n'est ni un animal, ni une plante, ni un champignon. Le blob fascine par ses prouesses.

En 2021, 4 500 classes de primaire, collège et lycée de France ont participé à une expérience menée par le spationaute Thomas Pesquet de l’Agence spatiale européenne. L’expérience s’est déroulée à bord de la Station spatiale internationale, qui tourne en orbite à environ 400 km d’altitude à la vitesse de 28 000 km/h. Il s’agissait d’étudier une étrange créature, tantôt en conditions de micropesanteur (pesanteur très faible de la station) dans le cadre d’une expérience intitulée « Blob-ISS », tantôt soumis à la gravité terrestre dans une expérience menée par les élèves et appelée #ElèveTonBlob. Le nom vient d’un film américain d’horreur et de science-fiction de 1958 intitulé The Blob dans lequel un être extra-terrestre géant et gluant sème la terreur dans une ville de Pennsylvanie. Mais revenons sur Terre aujourd’hui.

Sais-tu qu’en te promenant dans une forêt de feuillus, voire dans un jardin, tu peux tomber nez à nez avec le blob ? C’est un organisme vivant d’aspect gélatineux ou compact. Dans les deux cas, il s’agit d’une seule et même cellule généralement grosse comme la main, mais qui peut devenir gigantesque. Il en existe beaucoup d’espèces. Celle qui nous intéresse ici et qui a été envoyée dans la station spatiale s’appelle Physarum polycephalum. Ce nom lui a été donné il y a longtemps, en 1822, par un mycologue, autrement dit un spécialiste des champignons. On la trouve sur les troncs d’arbres en décomposition, sous l’écorce ou les feuilles mortes de la litière. Tu la reconnaîtras à la couleur jaune du spécimen gélatineux, avec des veines à l’intérieur, ou brune du spécimen compact.

Le blob ressemble à un champignon mais ce n’est pas un champignon. Dans l’arbre du vivant, c’est un cousin des amibes, c’est-à-dire un organisme composé d’une seule cellule microscopique.

Le blob passe par différentes formes au cours de son cycle biologique. Tout d’abord, il prend l’aspect gélatineux lorsqu’il se nourrit. Cette forme est appelée plasmode car la cellule contient des milliers de noyaux nécessaires à son fonctionnement. Sa couleur est jaune en raison de la présence de pigments. Dans la nature, il se nourrit, entre autres, de bactéries ou de champignons. Ses uniques prédateurs seraient les limaces et certains scarabées.

Pour être actif, il faut qu’il fasse bon ou chaud, jusqu’à environ 30 °C, et que le temps soit humide. La fourchette optimale serait entre 18 et 24 °C. S’il fait trop chaud ou trop froid, il entre en dormance en formant une masse compacte, le sclérote, qui restera ainsi pendant de longues périodes jusqu’à ce qu’il se remette à pleuvoir et que la température redevienne supportable.

Lorsque la nourriture est épuisée, le plasmode arrête de se nourrir et commence à se reproduire. À ce moment-là, chaque noyau à l’intérieur se divise en deux parties.

Les noyaux forment alors des spores contenues dans des sacs appelés sporanges, à l’extrémité d’un pied ressemblant à de la moisissure. Puis les sporanges s’ouvrent libérant énormément de spores qui se dispersent, emportées par le vent, et tombent sur le sol ou sur les arbres morts. Les spores s’ouvrent à leur tour en libérant des cellules microscopiques ressemblant à des amibes.

Si l’une d’entre elles en rencontre une autre de la même espèce, mais suffisamment différente, les deux fusionnent pour donner une cellule unique. C’est la reproduction sexuée. À l’intérieur, les noyaux fusionnent également et le noyau qui en résulte se met alors à se diviser d’innombrables fois en donnant au final des milliers de noyaux identiques. Dans le même temps, la cellule grandit jusqu’à former un plasmode qui deviendra alors visible, quelques fois géant.

Au laboratoire, le plasmode est cultivé en boîte de Petri sur des flocons d’avoine. Beaucoup d’expériences ont déjà été menées à travers le monde et notamment à l’université Paul Sabatier de Toulouse par l’équipe d’Audrey Dussutour du CNRS. L’une d’elles effectuée dans un labyrinthe a montré que le plasmode mémorise l’endroit où il se déplace et où se trouve la meilleure nourriture.

Quels sont les effets de la micropesanteur sur les déplacements du plasmode ? Pour y répondre, Thomas Pesquet a reçu quatre sclérotes dans une boîte hermétique et opaque au cours de l’été 2021 et les a réhydratés le 2 septembre, jour de la rentrée des classes, sans jamais ouvrir le couvercle. Pendant sept jours, une caméra placée à l’intérieur a pris une photo toutes les 10 minutes, au cours de deux protocoles, l’un appelé « exploration » où deux blobs étaient maintenus sans nourriture et la deuxième « exploitation » où deux autres blobs avaient la possibilité de consommer plusieurs sources de nourriture. Sur Terre, les classes sélectionnées par le CNES et l’Académie de Toulouse devaient mener les mêmes protocoles après avoir reçu un kit fin août et commencé la réhydratation le 11 octobre. Malgré des problèmes de fichiers vidéos inexploitables survenus à bord de la station, les films, les graphiques et les commentaires sur l’activation des plasmodes et leurs déplacements en conditions de micropesanteur et sur Terre sont partagés sur ce site.

Laurent Palka, Maître de conférences, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. Article publié le 18 janvier 2022.

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