Anthropologie extraterrestre, une première mondiale !
Grande première pour un anthropologue du Muséum qui va expérimenter l’impesanteur afin de mieux comprendre l’Homme hors de son contexte terrestre.
L’Homme hors de la Terre
Vincent Battesti, chercheur à l’UMR 7206 d’Eco-anthropologie au Musée de l’Homme s’est vu octroyer par l’Observatoire de l’Espace du Centre national d’études spatiales (CNES) le statut de « chercheur résident en impesanteur ». Ainsi, il sera le tout premier anthropologue à explorer l’humain hors de contexte terrestre. Comment ? En participant à une campagne de vols de deux semaines en avril prochain à bord de l’avion Zéro-G.
Vers l’infini et au-delà !
Même si cela reste de la science-fiction pour le moment, il n’est pas impossible que l’humain soit amené à s’émanciper davantage de sa planète d’origine. Fait complètement nouveau pour notre espèce, l’impesanteur s’expérimente à présent au travers des différentes campagnes spatiales et vols appelés (abusivement) "Zéro-G" pour zéro gravité.
Impesanteur et microgravité, quèsaco ?
L’impesanteur (ou apesanteur) ne signifie pas l’absence de gravité (l’une des quatre forces fondamentales de l’univers), mais l’absence de sa perception par notre corps, expérimenté dans les cas rares de microgravité. Dans l’espace, on flotte, ce qui ne signifie pas qu’on est libéré de la gravité (sa portée est infinie), la station spatiale, elle, tourne bien autour de la terre ! Elle est donc soumise à son champ gravitationnel. La microgravité survient au moment où le corps est, ou bien éloigné d’un corps massif, ou bien placé en un point entre deux corps massifs dont les gravités se compensent, dit le « point de Lagrange ».
Une expérience sensorielle inédite
Comme toute vie jusqu’ici connue, l’Homme a été façonné par/dans la pesanteur. Nous sommes ainsi construits biologiquement, socialement et culturellement par cette force en présence. Tout notre « appareil sensoriel » est conditionné par la pesanteur.
Notre « appareil sensoriel » ou « équipement sensoriel », est l’ensemble de nos outils perceptifs. Il nous permet de traiter et traduire des formes d’énergies issues de l’environnement extérieur et de les transmettre au système nerveux central sous forme d’influx nerveux. C’est grâce à lui et par lui que nous comprenons le monde. Il n’est pas seulement biologique, mais également social et culturel, et se forme dès la vie intra-utérine.
Notre appareil sensoriel est donc en partie inné et acquis, car il nécessite un apprentissage dès le plus jeune âge que nous oublions ensuite. Mais alors, comment ce que nous avons appris depuis toujours, ce qui s’est formé en nous, si profondément que nous n’en avons plus conscience, peut-il évoluer face à un contexte jamais vécu par aucune forme de vie terrestre ? Dans sa mission, Vincent Battesti essaiera de comprendre les implications de cette nouvelle forme d’apprentissage et de reconfiguration de notre cosmos.
Sortir de notre cosmos
En grec ancien, le cosmos est le nom donné à l’ordre de l’univers. Étudier les sociétés, c’est essayer de comprendre l’ordre qu’elles ont donné aux choses, visibles ou invisibles, qui les environnent. Dès lors, surgissent d’innombrables rapports au cosmos. Expérimenter l’impesanteur, c’est sortir de son cosmos habituel et bouleverser son rapport aux choses. Par exemple, on ne peut plus dire qu’une chose est au-dessus/en dessous, sur/sous en état d’impesanteur.
Des mots pour le dire
La gravité fut si longtemps absente de notre pensée que peu de langages peuvent l’exprimer. Elle est pour autant traduite à travers des notions de poids, de voler/tomber, de verticalité/d’horizontalité… La situation de pesanteur nous paraît si naturelle qu’il s’agit presque d’un impensé. D’ailleurs, ceux qui y échappent dans nos mythes et légendes anciennes ou contemporaines, dépassent bien souvent leur condition humaine. Superman, les divinités, les anges, les sorcières peuvent voler par exemple.
Anthropologie, une science du terrain
Vincent Battesti est chercheur en anthropologie sociale, son métier consiste à mener des recherches sur les façons d’être au monde d’humains de différentes sociétés. L’Anthropologie a ceci de formidable qu’elle permet de « dénaturaliser » le monde, à savoir ne pas considérer que les choses sont nécessairement aussi « naturelles » que nous les pensons. Elle nous permet de réaliser que notre manière de penser le monde n’est ni la « bonne » ni l’unique façon.
L’Anthropologie documente différentes manières de fonctionner, de penser et d’être. Pour cela, elle s’appuie sur une pratique assidue du terrain ! En tant que chercheur, c’est à travers l’expérimentation que Vincent Battesti mène ses recherches, armée d’une méthodologie éprouvée, qu’il mettra en application à bord du vol Zéro-G, et pour cela, nous lui souhaitons bonne chance dans son exploration !